La lente hémorragie de Renault Trucks

Perte d'autonomie, manque d'interlocuteurs, inquiétude sur les emplois : la réorganisation de Renault Trucks sous l'égide du groupe Volvo s'exerce dans un contexte tendu. Le Volvo way a du mal à passer...
Chez Renault Trucks, l'ambiance a changé. DR

C'est une publicité un peu potache parue dans la presse pendant la campagne présidentielle : « Renault Magnum : un candidat français qui tient toutes ses promesses. » Slogan accompagné du portrait en pied d'un camion blanc à l'allure robuste. Français, vraiment ? Le 1er janvier, Olof Persson, nouveau président du groupe suédois Volvo AB - propriétaire de Renault Trucks depuis 2001 - a donné un sacré coup de pied dans la fourmilière en décrétant la réorganisation de l'ensemble du groupe. Annoncée cet automne dans la discrétion, cette réorganisation remet à plat tous les organigrammes de Renault Trucks. Quatorze mille salariés sont concernés. Stefano Chmielewski, qui avait quitté la présidence de Renault Trucks le 1er novembre 2011, deux mois avant la date prévue - non sans avoir créé la polémique en qualifiant les salariés en arrêt maladie de « voleurs » -, a cédé la place à Heinz-Jürgen Löw. Après « le Florentin », réputé pour ses coups de sang, ses réparties provocatrices et ses méthodes managériales chargées d'affectif, l'entreprise entre dans l'ère anglo-saxonne. « L'Allemand ? Il est étanche, il ne laisse rien filtrer », glisse un cadre au sujet de son nouveau président. Sans doute cette placide opacité ne relève-t-elle pas uniquement du fait culturel. Dans les couloirs de Renault Trucks, on murmure que le successeur de Stefano Chmielewski n'a plus la main que sur 20 % du groupe, les Suédois contrôlant tout le reste.

Fin de l'autonomie des marques

La nouvelle organisation impulsée par Göteborg, le siège de Volvo AB, entraîne en effet un fort bouleversement chez Renault Trucks. Le grand principe directeur est que le groupe passe d'une segmentation par marque à une structuration commerciale par aire géographique. Les quatre marques commercialisées par Volvo AB (Mack, Volvo, Renault et UD) dépendent donc, hiérarchiquement, des directions des trois aires géographiques : l'Amérique, la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) et l'Asie. « Aujourd'hui, parmi les quatre premiers fabricants mondiaux, trois sont chinois. Le groupe doit s'adapter à cette réalité », explique Éric Freyburger, représentant syndical CFE-CGC. Quant aux activités production (Group Trucks Operations), études et achat (Group Trucks Technology), elles dépendront directement d'Olof Persson. Quelles seront les retombées concrètes de cette décision ? Demain, les lignes de production de Bourg-en-Bresse seront susceptibles de produire des camions Nissan ou Volvo Trucks. Le site deviendra vraisemblablement un établissement de gamme et non plus de marque. Avec en arrière-plan une interrogation en forme d'épée de Damoclès : comment la concurrence entre usines sera-t-elle gérée au sein de Volvo AB ? Autre conséquence, commerciale cette fois : Renault Trucks est désormais limité à ses marchés traditionnels et doit laisser la main à Volvo sur les marchés émergents. Une perte d'autonomie notoire pour les équipes de vente de la marque au losange.
La plupart des centres de décision de Renault Trucks ont-ils quitté la France ? Non, rétorque Heinz-Jürgen Löw : « En tant que président de Renault Trucks, c'est moi qui ai la responsabilité et la maîtrise du développement de la marque au niveau mondial. » Mais dans les couloirs de l'entreprise, les rumeurs rapportent que Renault Trucks est presque devenue « une coquille vide », et que son président ne chapeaute plus que le volet commercial. « Il n'est plus décisionnaire que pour 800 salariés sur un total de plus de 10 000 en France », observe Éric Freyburger. « Les nominations hors commercial ? Il en prend acte », soulève un cadre du top management. « Renault Trucks n'est plus qu'une entité légale », murmure-t-on à la CGT. Fabrice Labeye, 27 ans, ouvrier en ligne et secrétaire adjoint de la section CFDT, fustige le manque d'interlocuteur : « Le patron du responsable RH de l'usine n'est pas le DRH de Renault Trucks SAS, mais le RH de la division GTO. Je sens que ça va être compliqué. »De fait, cette réorganisation marque un changement culturel difficile à accepter pour une partie des cadres de Renault Trucks. Parmi eux, l'anxiété est incontestable. « Nos chefs sont suédois, nos bureaux d'études sont en Inde, notre paye est envoyée de Pologne : on ne sait plus à qui s'adresser pour demander quoi », observe Nicolas Faivre d'Arcier, de la direction commerciale EMEA.

« Être dans un groupe qui maintient les emplois »

Et les effets de la restructuration sont indéniables : dans le nouvel organigramme, il y a tout simplement moins de postes à responsabilité. D'où l'angoisse palpable. Comment celle-ci se traduit-elle ? «Par des pleurs dans mon bureau», confie un syndicaliste. Ce dernier voit défiler des cadres quadragénaires ou quinquagénaires, qui ne comprennent pas le fait de se trouver à nouveau challengés par l'employeur chez qui ils ont tracé toute leur carrière. Et de fait, chez Renault Trucks, l'ambiance a changé : au self de la cantine de Bourg-en-Bresse on entend de plus en plus parler anglais. À Lyon, on parle des collègues de Curitiba ou de ceux de Bangalor. L'essentiel des réunions stratégiques se déroule entre 12 h et 15 h, lorsque Américains, Japonais, Français et Suédois peuvent partager un créneau de travail commun.
En attendant les effets de la réorganisation, le groupe traverse une période de croissance apathique. Les ventes de camions de l'année 2011 équivalent celles de 2003, ce qui constitue un contexte fragilisant pour la marque, malgré ses performances reconnues en matière d'économie d'énergie et de design. L'entreprise souffrirait-elle d'un manque de performance au sein du groupe Volvo ? Cela jouerait-il sur la manière dont elle se perçoit elle-même au sein du groupe ? « C'est une bonne chose d'appartenir à Volvo, admet Jean-Claude Rude, délégué syndical central CFDT chez Renault Trucks. Mais c'est notre poids au sein du groupe qui est discutable. » « Si demain je monte des camions Volvo je m'en fiche, je ne suis pas patriote. Ce que je veux c'est être dans un groupe qui maintient les emplois », explique Fabrice Labeye. Pour lui, l'enjeu de l'usine de Bourg-en-Bresse est de parvenir à se rendre indispensable au sein de Volvo. « Si vous voyez Heinz-Jürgen Löw, posez-lui cette question : comment voit-il l'avenir des emplois à moyen terme en France pour Renault Trucks ? »

Job posting : les chaises musicales à la suédoise

La réorganisation est comme une chiquenaude dans un jeu de dominos : les échelons hiérarchiques sont pourvus les uns après les autres, du top management jusqu'à la base. Le principe d'affectation des postes est celui du « job posting » : chaque poste touché par la réorganisation est systématiquement ouvert à tous les postulants en interne. « C'est la méthode suédoise : chacun doit repostuler pour son poste, refaire son CV, et passer à nouveau des entretiens d'embauche, raconte un technicien. C'est à la fois stimulantet perturbant, car ce n'est pas dans la culture française. » Tout transite à travers un outil informatique : Job Access, qui permet de visualiser les postes disponibles et de postuler. Le processus s'achève par un simple entretien avec le manager en recherche.

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 22
à écrit le 20/09/2021 à 10:34
Signaler
Si le délégué syndicale n'est pas même au moins ( un peu ) patriote , il ne faut pas s'étonner de de devenir des sous traitants . Et des sous traitants ( beaucoup ) moins chers et ( quasi )aussi compétents , il y en a des quantités sur la planète.

à écrit le 22/01/2014 à 10:28
Signaler
je ne comprend pas que l'on laisse dire à ce personnage de la cfdt qu'il n'est pas patriote en travaillant dans une usine Française, dans une usine autre qu'en France serait mis à la porte est c'est justement à cause de ces gens là que l'économie Fra...

à écrit le 01/02/2013 à 12:58
Signaler
non je ne suis pas dacore pour savien berlier Rvi ces renault qui et responsable de leure disparision il ce fais que ses le japon la core qui a prix le marcher de berlier et de saviem dans le monde en camoin de 2t5 a 10t avec la benediction de renaul...

à écrit le 01/02/2013 à 12:32
Signaler
bonjours pour moi renault trucks et fini et l'enplois au-ci ce qui menque en france ces ca le patrioticme de ses enploier et de la france vu que des le debu volvo voulez recupere Mack l'ameriquin pour avoir le marcher ouver ce n'ai pas autrechose et ...

à écrit le 14/10/2012 à 6:32
Signaler
Toute la réorganisation de fin 20111 et début 2012 n'est que le prélude à la réorganisation annonce la semaine dernière. Aujourd'hui Heinz-Jürgen Löw, n'est plus que le fantoche sur une zone commerciale ayant comme pays principaux France, Espagne Ang...

à écrit le 27/06/2012 à 10:07
Signaler
Quand le camion va tout va, les cycles sont encore plus accentués à la hausse où à la baisse que dans l'automobile ..Les difficultés et la chute des ventes dans le camion préfigurent d'un ralentissement économique durable...Berliet, Saviem, Rvi,Renau...

le 27/06/2012 à 11:11
Signaler
Volvo trucks n'est pas sous controle chinois! (C'est Volvo automobile)

le 27/06/2012 à 17:17
Signaler
Chinois où pas c'est kif kif bon pour la casse le camion à la française...et tout le monde s'en fiche!!!

à écrit le 27/06/2012 à 10:07
Signaler
Quand le camion va tout va, les cycles sont encore plus accentués à la hausse où à la baisse que dans l'automobile ..Les difficultés et la chute des ventes dans le camion préfigurent d'un ralentissement économique durable...Berliet, Saviem, Rvi,Renau...

le 28/06/2012 à 15:39
Signaler
Renault Trucks est en pointe sur les camions hybrides et electriques. de plus les peniches et les trains ne peuvent pas aller n'importe ou, assez bizarement ...

à écrit le 27/06/2012 à 0:15
Signaler
Un mal pour un bien? Renault trucks souffre comme beaucoup de grands groupes francais d'un management clientelliste pas ou peu orienté sur les resultats de l'entreprise. les decisions prises le sont souvent pour servir les interets de quelques barons...

le 28/06/2012 à 12:15
Signaler
je suis totalement en accord avec cette analyse.

le 28/06/2012 à 17:57
Signaler
Tous nos elus achetent DES camions etrangers comme les voitures. Il est Clair qu'avec le Smig de depute on prefere rouler en merdeSs ou bemewe achetons francais en priorite et sauvons nos emplois, nous sommes tous responsable de cette situation. Mais...

le 17/12/2012 à 18:57
Signaler
Totalement d'accord avec cette analyse concernant les élus . Y en a que pour leur gueule et nous comme des cons on va encore voter !

à écrit le 26/06/2012 à 20:05
Signaler
Renault trucks c'est fini les francais ont laisser filer.Le chef est allemand et c'est l'Allemagne d'abord ..logique.Renaultl ne sait pas gerer son entreprise il faut laisser faire les autres. Malheureusement a la longue la marque francaise va dispa...

le 29/08/2012 à 21:05
Signaler
oui je pence que pour Renault truck et fini mais Renault a bouffer tous les autre maison berlier saviem et bien doter constructeur automobile en France .moi je ne vois qu'une chose ces que tous les paye qui son rentres dans l?Europe ses dernier dess...

le 01/10/2012 à 15:58
Signaler
En plus les Français ne savent plus écrire....

le 12/10/2012 à 20:34
Signaler
Désespérant effectivement. Et je partage l'analyse de gremlinz.

le 16/12/2012 à 21:24
Signaler
dernières nouvelles du 12.12.2012.Mr carlos GOSHN décide de vendre les derniers 6% d' actions renault trucks restant à ab volvo à qui ils ont vendu la branche poids-lourds depuis 2001.A ce jour,maintenant volvo est le seul maître à bord, et donc de d...

le 31/01/2013 à 17:46
Signaler
La nouvelle game Renault Trucks sort effectivement cet été... C'est dans les tuyaux depuis plus de 2 ans !

le 25/02/2013 à 13:43
Signaler
Renault Trucks est en déclin depuis plusieurs décennies mais en mode accéleré ces dernières années. 2004/2007 la vie était belle, pas encore de crise en vue. La demande était plus importante que la production, en toute insouciance on augmentait le...

le 26/02/2013 à 18:52
Signaler
pardon je veux bien croire que je fais des faute d'ortografe mais j'ai 64a, et moi a 12a je travalier dans les sepoitation agricole sur ceux .ce qui matricte ces que je bouge beaucoup en afrique en asie la chine le vietnam le cambodege la taillande l...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.