En Ardèche, Chomarat passe aux 32 heures pour sauver des emplois

Après un an de bras de fer entre la direction et les salariés, le spécialiste ardéchois du textile technique passe d'un plan social de 182 salariés à 35 licenciements secs. Des emplois sauvés par les salariés qui ont accepté une baisse du temps de travail et une baisse de leurs salaires
Depuis un an, les manifestations se succèdent au Cheylard. Source syndicale

Il faut s'y rendre pour comprendre. Serpenter à 50 km/h pendant plus d'une heure entre les meules fraîches et les vergers, filer sur des viaducs du XIXe siècle, s'engouffrer dans un puits sans fond de verdure et atteindre enfin son but en plein c?ur du pays des Boutières : le Cheylard, siège de l'entreprise Chomarat, spécialisée dans le textile technique, les composites et la mode. 680 salariés en Ardèche, 1 600 dans le monde. Et l'ombre d'un plan social de 182 personnes qui pesait depuis le mois de janvier sur ce canton dont la survie économique repose sur trois ou quatre employeurs. La direction vient d'annoncer la dernière mouture de son plan social. Sur les 182 postes initialement menacés, seuls 35 feront l'objet d'un licenciement sec. Le fruit d'une année de bras de fer entre la direction, les syndicats : les actionnaires, tous descendants d'Auguste Chomarat, fondateur de la société en 1898, ont annoncé coup sur coup deux plans sociaux et l'arrêt de l'atelier d'impression textile, sa dernière activité traditionnelle.

Crises en cascade

Au début de la crise, nombreux sont ceux qui ont cru que Chomarat tiendrait le choc. La société était perçue comme un groupe stable, aux actionnaires prudents et peu gourmands, attachés à leurs racines ardéchoises. Les ventes de composite, l'activité la plus importante du groupe, continuaient de maintenir les comptes à flot, et compensaient l'écroulement du marché automobile. Fil de verre et de carbone, aramides, époxydes : Chomarat fabrique des composites pour l'A350 d'Airbus, le Boeing 787, les pales d'éoliennes, et profitait de la croissance constante des maroquiniers de luxe, friands de textiles innovants Made in France. Un vivier d'innovation et de savoir-faire insoupçonné à une heure de route de la première bourgade de plus de 8 000 habitants... "Nous avions la certitude que le groupe sortait de la crise", explique Michel Cognet, directeur général de Chomarat. Mais c'est alors au tour du marché de l'éolien de se dégrader. "A l'été 2011, le contre-coup de la crise financière nous a conduit à dresser un constat : Chomarat devait s'ajuster".

Pas de transparence sur les comptes

En octobre 2011, la direction annonce le premier plan social : 122 postes concernés, et fermeture de l'atelier d'impression. En janvier, coup de théâtre : la direction, avec l'accord des actionnaires, annule le premier plan social et en annonce un second, portant cette fois sur 182 postes, arguant de la gravité sous-estimée de la crise. A quelques kilomètres de là, sur le site de Mariac, les salariés de l'unité commerciale dédiée aux composites ne cachent pas leur abattement. "Un an de négociation et de préparation de plan social, c'est très lourd physiquement et moralement", lâche David Giraud, secrétaire du comité d'entreprise (CE) CFDT. Car jusqu'ici, les salariés vivaient plutôt bien dans cette vallée isolée et protégée du monde. Les feuilles de paie y sont supérieures de 20 % à la moyenne du secteur textile en France, le prix de l'immobilier est abordable, et le groupe offre une couverture sociale confortable.

Des solutions originales

Conduire un plan social au Cheylard, ce n'est pas tout à fait comme restructurer une entreprise dans la région lyonnaise ou la vallée du Rhône. Tout, du côté des salariés, a donc été fait pour éviter au maximum les suppressions de postes. Un projet de SCOP a même été envisagé pour reprendre l'atelier d'impression et préserver ainsi une vingtaine d'emplois. Le modèle économique était-il viable ? la direction, elle, évoque "un marché divisé par six entre 2000 et 2010, et une absence de porteur de projet véritable". Les salariés de l'atelier, eux, étaient convaincus de l'existence d'un marché, à condition de pouvoir conserver dans leur portefeuille le très convoité Vuitton, l'un des clients stratégiques du groupe. La SCOP aurait pris la forme d'une entreprise dans l'entreprise, puisque les locaux auraient été loués à Chomarat. "Jusqu'en septembre, les comptes de l'activité impression étaient équilibrés, observe Bernard Philibert, délégué syndical CGT. Puis en trois mois tout a coulé : le bruit de la fermeture a fait fuir les clients".

32 heures avec diminution de salaire

Autre expérimentation qui, elle, a été couronnée de succès : abaisser le temps de travail des salariés hors cadre à 32 heures. Ce dispositif de solidarité, étudié à l'initiative des salariés, a fait l'objet de longs mois de négociations, pour finalement être associé à une réduction de salaire de 3,5 %. Le prix à payer pour sauver 39 postes. Plus de 90% des salariés ont accepté. « Ce type d'expérimentation est possible parce qu'il s'agit d'un bassin d'emploi très atypique, où le nombre d'emplois s'apparente à un gâteau à partager », observe Gilles Véron, en charge du dossier au sein du cabinet Syndex, cabinet d'expertise comptable spécialisé dans l'accompagnement des comités d'entreprise.

D'autres solutions ont été avancées pour limiter au maximum les licenciements subis : plans de départs volontaires, accompagnement des salariés de plus de 56 ans jusqu'à la retraite... Entre les primes supra légales et les cellules de reclassement, le coût total du plan social avoisinerait entre 8,5 millions d'euros et 9 millions d'euros pour Chomarat. Un chiffre à rapporter aux économies réalisées sur les salaires - 7 millions d'euros, glisse-t-on à la CGT. "Et une cellule de reclassement au Cheylard, cela va servir à quoi ?"

Un effectif très agé

Des questions demeurent : Chomarat compte également à ses actifs la ligne Chattawak, marque de prêt-à-porter féminin dont le réseau compte 125 points de vente en France. Pourquoi cette activité mode, qui a connu en 2009 les difficultés les plus importantes sur la partie industrielle du groupe, est-elle dégagée du PSE ? "Chattawak est une danseuse, un joujou pour la famille Chomarat", avance un salarié. D'autre part, qu'adviendra-t-il du maintien de l'activité sur le territoire dans quinze ans ? Le groupe possède d'autres sites de production en Espagne, en Tunisie, en Chine et aux Etats-Unis : faut-il redouter le spectre de la délocalisation ? Si l'on s'en réfère à la pyramide des âges, dans une dizaine d'années les effectifs du site ardéchois auront fondu par eux-mêmes. Sur les 680 salariés de Chomarat au Cheylard, deux seulement ont moins de 25 ans.

 

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Commentaires 7
à écrit le 15/07/2012 à 15:54
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pour répondre à boss, sans parler des groupes et autres usines qui emploies de milliers de salariés, on casse l'entreprise individuelle, les commerçants et artisans sont les plus gros employeurs de france,et eux, ne vont pas délocaliser, alors il est...

le 30/07/2012 à 14:34
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Hmmm, sans commentaires...

à écrit le 15/07/2012 à 10:36
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7 millions d'economie avec une baisse de salaire de 3.5% !! c'est pas la crise pour tt le monde !!!

à écrit le 15/07/2012 à 9:20
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C'est reculé pour mieux sauter, comme beaucoup l'ont fait avant.

à écrit le 15/07/2012 à 6:01
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On nous vend quoi là? Une fable moderne sur les gentils syndicats? Sur le fait que les 32 heures permettent de sauver des emplois, comprenez les 35 en ont sauvé aussi? On a l'impression de beaucoup d'approximations et de ronds de jambes, mais pas d'...

le 15/07/2012 à 11:24
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Personne ne vend rien dans cette histoire. Libre à vous de voir une fable. Les salariés et leurs direction ont conclu un accord.tout simplement.Est ce que ceci permettra de sauver l'entreprise, rien nest moin sur. N'oubliez pas que les salaries subis...

à écrit le 13/07/2012 à 18:49
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Je ne comprends pas pourquoi dans le chapô il est écrit qu'on est passé "d'un plan social de 182 salariés à 35 licenciements secs" ? C'est faux, le PSE est toujours en vigueur et au total entre 140 à 150 salariés vont quitter l'entreprise. L'objectif...

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