Textile, métallurgie, plasturgie... Ces leaders européens qui ont choisi de produire dans la Loire

Made in Loire : l'étiquette gagnante ? Dans l'inconscient collectif, les Stéphanois restent les habitants d'un secteur miné, au sens propre comme au figuré. C'est pourtant ici, dans le bassin ligérien, que de nombreux groupes européens produisent, résistent et exportent.
À l'instar d'autres grandes entreprises ligériennes, Thuasne organise son développement autour de deux grands axes : l'innovation et l'international ©MJThuasne

André Mounier est président de la CCI de Saint-Etienne Montbrison. Depuis huit ans, il consacre toute son énergie à promouvoir et vanter le territoire. Témoin de cette politique volontariste, la journée organisée récemment (fin octobre) sur « Ces boîtes made in France qui résistent à la crise » au visuel calqué sur les fameuses soupes Campbell's de Warhol. Approche efficace et design pour deux journée consacrées à visiter les plus grands noms ligériens : « Il faut attirer l'attention sur ces PME qui s'inscrivent dans la mondialisation tout en développant des stratégies en faveur de la compétence locale », martèle André Mounier
Première rencontre donc - et pas des moins emblématiques - : l'entreprise Thuasne. Dans un secteur considéré comme perdu (le textile), Elisabeth Ducottet a repris la société familiale pour en faire une véritable success story. Thuasne est devenue le principal fabricant européen de textiles médicaux, emploie aujourd'hui 1400 collaborateurs à travers le monde dont 560 en France, principalement basés à Saint Etienne, et affiche un chiffre d'affaire de près de 160 millions d'euros. À l'instar d'autres grandes entreprises ligériennes, Thuasne organise son développement autour de deux grands axes : l'innovation et l'international (38% du CA).

« Environnement compliqué »

Non loin du barrage de Grangent sur la Loire, à Saint-Just-Saint-Rambert, Eurotab, suit la même voie. Spécialiste de la compression de poudre, la PME réalise 50% de ses ventes en dehors de France. De la tablette qui rend l'eau potable à celle utilisée dans l'agroalimentaire, Eurotab - inventeur de la pastille - aligne les brevets (60 en cours) comme les clients incontournables (Danone, Unilever, Casino, Auchan, Sarah Lee, Colgate notamment). Quand les pastilles ne sortent pas de l'usine ligérienne, elles sont fabriquées sur des machines Eurotab un peu partout dans le monde. Une activité qui représente 15% du chiffre d'affaire annuel des 40millions d'euros engrangés par la PME.
Son PDG, olivier Desmarescaux, dépeint l'Hexagone comme « un environnement compliqué » : « On ne sait pas si le crédit impôt recherche va être maintenu, supprimé ou diminué ». Eurotab innovation emploie 20 chercheurs, ingénieurs et techniciens. 3 millions d'euros sont consacrés à la recherche, le crédit impôt recherche couvre entre 1 et 2 % de cette somme. « Sans compter d'autres incertitudes réglementaires, sociales, fiscales. Il faut avoir la foi car les enjeux de compétitivité et les coûts sont importants. Sur les 200 salariés d'Eurotab, trois travaillent à plein temps uniquement sur l'administration réglementaire. Tous les jours on nous rajoute une loi. Il est impératif de simplifier les choses. On croule sous la complexité de textes indigestes qui nous assomment. Je mets au défi n'importe quelle entreprise d'être totalement en règle. »

Des comptes solides

L'autre trait commun de ces leaders européens ligériens est d'avoir des comptes suffisamment solides pour « voir venir » lorsque la tempête gronde. Chez les Desjoyaux, on revient de loin. L'inventeur de la piscine familiale en kit, qui produisait 15 000 bassins en 2008, a divisé sa production par deux. Mais Jean-Louis Desjoyaux est un terrien. Un Stéphanois pur souche (un arrière-grand père mineur de fond) passionné d'élevage (il possède un cheptel de 150 Charolaises dans la plaine du Forez) qui assume avec son interlocuteur un rapport direct et franc. Ici, on ne connaît pas la langue de bois (« Je pense qu'on a touché le fond ») quand il parle, sans jeux de mots, des quatre dernières années écoulées. « 2013 ne sera pas l'année de la reprise, en revanche j'ai confiance en 2014 et 2015. »
Grâce à son offre de service complète (vente de matériel de piscine, abris, produits d'entretiens) sans sous-traitant (les piscines sont réalisées de A à Z sur le site de la Fouillouse, dans la coulée verte qui sépare Saint-Etienne d'Andrézieux-Bouthéon), le groupe accuse un retrait de « seulement » 2% sur son chiffre d'affaires 2011 (75 millions d'euros) « En période de crise, l'achat d'une piscine n'est vraiment pas la priorité des Français, analyse Jean-Louis Desjoyaux. Notre premier concurrent ? L'automobile. C'est soit une deuxième voiture pour madame, soit une piscine pour la famille. »

Le « Made in Loire » plus que jamais d'actualité

L'entreprise stéphanoise, qui a récemment investi 40 millions d'euros dans ses machines, peut réaliser jusqu'à 25 000 piscines. Et ce n'est pas parce que l'économie tourne au ralenti que l'on va s'y serrer la bride. Dans les trois prochaines années, quatre filiales supplémentaires (Chine, Brésil, USA et Italie) ouvriront leurs portes. « Aujourd'hui, nous travaillons à 35% à l'export et 65% en national. L'objectif est d'atteindre un ratio 50/50. Si le contexte géopolitique le permet, bientôt nous réaliserons plus de piscines privées en Chine qu'en Europe.» L'entreprise, qui existe depuis quatre générations, poursuit donc une ascension délicate mais solide. Investissements, projets (un bassin de 23 hectares pour un promoteur égyptien), le « Made in Loire » reste plus que jamais d'actualité. « On est très enraciné et très fiers de faire du 100% français. »

Obut, un produit « franco-français »

La société Obut située à Saint-Bonnet le Château, n'échappe pas non plus à cette étiquette tant le cadre qui sert d'écrin aux 12 000 m2 du site de production est perdu au milieu de la campagne. Le leader mondial de la boule de pétanque fait couler chaque année 2 000 tonnes d'acier pour fabriquer un produit « franco-français » sur un marché évalué à 22 millions d'euros, qui séduit près d'un habitant sur deux. Son dirigeant, Pierre Souvignet, assure la visite. Forge, soudure, usinage, polissage, pas question pour les 100 salariés d'évoquer la pénibilité au travail. Ici, on travaille pour la légende. Une légende qui séduit jusque dans les allées du luxe parisien : chic ultime, un célèbre sellier du Faubourg St-Honoré a commandé à l'entreprise ligérienne sa propre collection de boules de pétanque.
Dans la Loire comme ailleurs, le luxe non plus ne connaît pas la crise. Jacques Mahul est à l'image de son entreprise. Élégant, posé, il dirige Focal JMLab, fabricant de haut-parleurs et enceintes audio haut de gamme. Depuis douze ans, l'entreprise a misé sur une stratégie internationale. Certes, il faut débourser jusqu'à 125 000 euros pour une paire d'enceintes de la référence Utopia, mais le positionnement s'avère payant : avec 70% du chiffre d'affaires (36,7 millions d'euros) destiné à l'export, la PME équipe les plus grands mélomanes, studios d'enregistrement ou voitures.

D'autres s'enfoncent vers la faillite

Au-delà de ces succès européens, d'autres pans de l'économie locale n'échappent pas à la crise. Au nord de la Loire, dans le Roannais, si bon nombre d'investisseurs s'en sortent au moins aussi bien que leurs confrères stéphanois, d'autres s'enfoncent inexorablement vers la faillite. Les transports Liaboeuf et Sapin, en liquidation judiciaire ou le fabricant de serviettes éponges Jalla, qui a placé ses ouvriers au chômage technique, s'accrochent à une économie vacillante qui ébranle jusqu'à la production Michelin à Roanne. Suite logique à la chute du marché automobile, le géant du pneu pourrait mettre quelques hommes au chômage technique d'ici Noël.


 

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