Mexico va-t-elle gagner son pari contre la pollution ?

Chaque année dans la capitale mexicaine, les décès dus à la pollution se comptent encore par dizaines de milliers. Mais la ville a imposé des mesures drastiques qui commencent à porter leurs fruits.
Lancé en 2007, un premier « plan vert » a fait baisser les émanations de dioxyde de carbone de la métropole de plus de 7 millions de tonnes. Mais elles s'élèvent encore à 54,7 Mt/an.

Chaque dimanche à Mexico, on entend les oiseaux sur l'élégante avenue Reforma. Le maire, Miguel Angel Mancera (2012-2018), tombe volontiers la veste, ce jour-là, pour pédaler aux côtés de milliers de cyclistes le long d'un parcours d'une vingtaine de kilomètres, interdit aux voitures. Quel contraste avec les rues habituellement encombrées et polluées de cette mégalopole de 24 millions d'habitants !

Qui aurait pu imaginer, voici à peine dix ans, que Mexico disposerait de 55 km de pistes cyclables et de 3.600 Ecobicis, bicyclettes en libre-service sur le modèle des Velib' parisiens ? D'autant que le nombre de ces dernières devrait doubler d'ici à 2018. Le développement des transports non motorisés est une des mesures phares de l'ambitieux « programme d'actions climatiques 2014-2020 », annoncé en juin par le maire. Avec 69 autres actions écologiques jumelées, la mairie joue les fers de lance de la lutte contre la pollution atmosphérique au niveau mondial.

« Reprendre les rues aux voitures », une priorité

Le chantier semble titanesque dans cette agglomération tentaculaire qui émet 54,7 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. La capitale ne compte que neuf millions d'habitants. Mais quinze millions de personnes vivent dans ses faubourgs, étendus sur cinq États voisins.

L'urbanisation anarchique a fait monter la température de 4°C, en un siècle, dans cette ville située à 2.400 m d'altitude dans une vallée entourée de montagnes et de volcans. Chaque jour, plus de cinq millions de voitures encombrent ses rues, provoquant des embouteillages monstres. Outre les émissions de gaz, les 22 millions de déplacements motorisés quotidiens produisent un épais smog. Les concentrations dans l'air de ces particules en suspension (PM 2,5 et PM 10) sont supérieures aux plafonds fixés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La décomposition des déchets, le manque d'eau ou la déforestation, n'arrangent rien. Bilan : 14.000 Mexicains meurent chaque année d'affections respiratoires ou cardiovasculaires, dus à la pollution, selon une étude du Clean Air Institute. La plupart habitent Mexico.

Pour redresser la barre, l'ancien maire Marcelo Ebrard (2006-2012) a lancé en 2007 un premier « plan vert » contre le réchauffement climatique, visant à réduire la pollution de sept millions de tonnes de CO2 d'ici à la fin de son mandat. Pari gagné six ans plus tard et même dépassé de 10 % ! Ce qui lui a valu d'être élu, en 2010, « meilleur maire du monde » par la fondation internationale, City Mayors. Le programme écologique de son successeur va plus loin, visant une baisse de 10 millions de tonnes de CO2 d'ici à 2020.

« Reprendre les rues aux voitures est notre priorité », souligne Tanya Müller, maire adjointe chargée de l'environnement.

Depuis le 1er juillet, les véhicules de plus de 15 ans d'ancienneté ne peuvent plus circuler le samedi dans toute l'agglomération. Cette initiative renforce le programme « Hoy no circula » (aujourd'hui, on ne circule pas) qui, depuis 1989, interdit leur circulation un jour par semaine. Quant aux voitures de 9 à 15 ans, elles sont proscrites un jour par semaine et deux samedis par mois. Selon la mairie, la mesure a déjà réduit de 14,3 tonnes par jour les émissions de dioxyde de carbone.

Mais elle a provoqué des manifestations d'automobilistes mécontents, taxis et commerçants en tête, qui ont bloqué des rues de la capitale, bastion de la gauche depuis 1997. Pour calmer les esprits, la mairie a arrondi les angles. Les commerçants concernés peuvent désormais circuler le samedi avant 8 heures et après 20 heures La capitale et l'État voisin de Mexico ont offert 1.600 pots catalytiques aux propriétaires de vieilles voitures pour leur permettre de circuler deux samedis par semaine. Le 14 juillet, Miguel Angel Mancera a aussi annoncé cinq couloirs de bus supplémentaires et une nouvelle ligne zéro émission. D'ici à 2018, les 21.000 minibus brinquebalants seront remplacés par des autobus neufs, venant renforcer les 12 lignes de métro. Quant au nouveau dispositif d'autopartage, Carott, inspiré de l'Autolib' parisien, ce service devrait compter une centaine de voitures électriques et hybrides rechargeables d'ici à la fin de l'année.

1 million d'arbres replantés d'ici 2018

Cela suffira-t-il ? Sans doute pas dans une agglomération qui produit plus de 12000 tonnes d'ordures par jour ! Pour relever cet autre défi écologique, la mairie a fermé, en décembre 2012, le Bordo Poniente, une des plus grandes déchetteries à ciel ouvert du monde. Ses 70 millions de tonnes de déchets, accumulés depuis plus de vingt ans, représentent encore 20 % des gaz à effet de serre générés par la ville. Depuis, sept déchetteries plus petites, situées dans les États voisins de Mexico et de Morelos, ont pris le relais. La ville s'est équipée de technologies de pointe dans la récupération du biogaz dérivé de la décomposition des déchets, mais aussi dans le recyclage et le compostage, pour fournir de l'électricité, des combustibles et des engrais pour les espaces verts.

Certains jardins sont suspendus à des dizaines de mètres du sol.

« Manquant de place, nous avons eu l'idée de construire des espaces verts en hauteur », explique Mme Müller.

Depuis 2007, le programme « Azoteas verdes » (toits verts) compte des dizaines de milliers de mètres carrés de verdure sur les toits plats de la mairie et d'autres bâtiments publics. Des jardins ont aussi poussé sur les terrasses des sièges d'entreprises, dont celui de Wal-Mart Mexico. Selon Tanya Müller,

« ces espaces verts créent un microclimat qui fait baisser la température ambiante mais aussi un micro-habitat animal qui améliore la qualité de vie des habitants. » Sans compter l'ambitieux programme de reforestation des aires naturelles protégées de la capitale. Plus d'1 million d'arbres devraient être replantés d'ici à 2018 sur une surface de 970 hectares.

Mais pour Mme Müller, « la solution passe par l'éducation des administrés ». La mairie diffuse notamment des manuels de bonnes pratiques dans les écoles et via Internet. La population est aussi invitée à participer aux opérations de ramassage de déchets et de reforestation. L'initiative la plus innovante : le « mercado de trueque » (marché du troc) qui invite, depuis 2012, les habitants à échanger leurs détritus contre des fruits et légumes frais. Un dimanche par mois, des dizaines d'employés municipaux collectent les déchets, les trient puis les pèsent, dans un parc de la ville. En retour, les participants ont des « points verts » en forme de billets de banque qu'ils échangent ensuite dans la zone marchande. Près de 2000 personnes participent à chacune des éditions itinérantes. « Les gens prennent ainsi conscience de la valeur des déchets », se félicite l'adjointe.

L'enjeu est de taille. Chaque jour, l'exode rural, l'émergence des classes moyennes et la jeunesse de la population mexicaine, amplifient le défi écologique. Selon les estimations de la mairie, près de deux millions de voitures supplémentaires circuleront dans ses rues en 2020.

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Commentaires 4
à écrit le 25/09/2014 à 23:02
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Et les nombrilistes négatifs franchouillards parlent tout de suite de Paris... La pollution c'est comme la croissance : quand on part de très bas ou de très mauvais c'est plus facile de monter... Ridicule de comparer la pollution de Paris avec cell...

le 07/10/2014 à 11:48
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"...pour leur permettre de circuler deux samedis par semaine" : en France, on a la semaine des quatre jeudis, au Mexique, ils ont la semaine des deux samedis...

à écrit le 25/09/2014 à 18:03
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Conclusion les solutions existent. Certains ont le courage de les appliquer d'autres considerent que c'est difficile. Paris pourrait etre un modele de ville saine...

à écrit le 25/09/2014 à 17:51
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A propos, et Paris va-t-elle gagner son pari contre la pollution ?...

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