Dominique Alba dessine l’économie de Paris

Elle dirige l’Atelier parisien d’urbanisme. Avec dynamisme et enthousiasme, cette architecte revendique l’importance d’un travail collectif où se rassemblent les savoirs, les expériences et la cartographique des territoires… et où s’élabore le Grand Paris.
À 56 ans, Dominique Alba dirige depuis février 2012 l’Apur, cette entreprise de plus de 80 salariés chargée d’étudier et d’analyser les évolutions urbaines et sociétales de Paris et de sa métropole.

Ce jour-là, un vent d'hiver soufflait si fort qu'il semblait mettre en péril l'équilibre du seizième étage du vieil et peu affriolant immeuble du 17 boulevard Morland. Au plus haut de ce bâtiment qui abrite les bureaux de l'Atelier parisien d'urba­nisme (Apur), on se serait cru sur la passerelle d'un bateau tremblant de toutes ses membrures dans la tempête. Indifférente aux éléments déchaînés, sa directrice générale n'est pas du genre à se laisser distraire par les aléas de la météo.

Imperturbable, cette architecte urbaniste de 56 ans continue d'expliquer le travail de l'Atelier ; ouvre les livres, détaille les études et documents qu'elle vient récemment de publier : « Préfiguration de l'obser­vatoire des quartiers de gare du Grand Paris », « L'accueil de la petite enfance à Paris », « Suivi des mutations commerciales sur 56 voies commerçantes parisiennes », « Abécédaire de la future Métropole du Grand Paris »... « L'Apur dont le budget de 9 à 10 millions est porté à 80% par la ville et le département de Paris, est à la fois une entreprise avec 80 à 90 salariés, et un atelier avec ses "charrettes" et son droit à l'expérience. Il est transversal et hiérarchisé, explique-t‑elle. Il a cette qualité particulière de manier des données à grande échelle comme celle de la métropole où au contraire à l'échelle d'un quartier.» En pratique, l'Atelier traite et retranscrit en cartes les chiffres de l'Insee.

«Les cartes sont un formidable moyen de penser, au-delà des mots, continue-t-elle. À travers elles se dressent d'innombrables portraits de villes : villes visibles (les tissus urbains, les infrastructures), villes cachées (les réseaux, les déplacements, la logistique, la nature, l'insalubrité, la biodiversité), villes sensibles, vécues, habitées, parcourues, sans oublier la ville précaire, celle de ceux qui ne parlent pas, qui sont exclus, handicapés.»

Et le territoire devient réalité...

Cela fait deux ans que Dominique Alba dirige cette structure qui dessine, entre autres, la cartographie du Grand Paris.

«Il est important de documenter la métropole au même titre que Paris, poursuit la directrice générale. Chaque territoire est à la fois savant et unique. Il a une valeur, quel qu'il soit. On doit le raconter avec la même attention que celui qui est classé Monument historique. Le décrire lui permet de devenir une réalité.»

Créé le 3 juillet 1967 par le Conseil de Paris, l'Atelier parisien d'urbanisme a pour mission d'observer et d'analyser les évolutions de Paris et de sa métropole, notamment à partir des données démographiques, économiques, sociales ou immobilières. Il peut engager des réflexions prospectives, élaborer des propositions d'actions, réaliser des études, effectuer des expertises.

Des Débuts dans l'agence Jean Nouvel

Penser autrement, appréhender les choses en déplaçant son point de vue : telle est la méthode de Dominique Alba. Peut-être l'a-t-elle faite sienne très tôt lorsque, quittant les Pyrénées de son enfance, elle est venue s'installer à Paris. Bonne élève de 16 ans :

«Je voulais faire une prépa HEC, mais finalement, je me suis inscrite en architecture. J'ai tout fait, les fanfares, la déléguée étudiante, les résultats.»

Pour son diplôme, elle reprend sa liberté, n'imaginant pas construire des logements à la chaîne, et pense l'aménagement d'un site minier dans le désert. Deux ans plus tard, ce projet gagne un concours et la bourse qui va avec. Elle quitte l'agence de Jean Nouvel où elle a été engagée dès sa sortie de l'école, et part en Afrique travailler sur le développement urbain autour des exploitations minières. Brazzaville, Bangui. Trois ans plus tard, elle rentre à Paris, monte sa propre agence, conçoit deux enfants, en élève quatre. Famille nombreuse, famille heureuse !

En 2000, elle participe à un groupe de travail autour de Bertrand Delanoë, s'engage à ses côtés dans la campagne des municipales de 2001, et entre à mi-temps au cabinet du nouveau maire en charge du renouvellement urbain, de l'espace public et de l'architecture. En mai 2003, elle prend la direction générale du Pavillon de l'Arsenal. La suite se fera sans heurts. Lorsque Francis Rol-Tanguy, le patron de l'Apur, quitte volontairement son poste, elle prend sa succession.

«Avec lui, tout a été simple. Cela existe l'amitié, la confiance, la compétence. Tout n'est pas que calcul, stratégie », tient-elle à préciser.

Désormais, c'est elle qui anime les six thèmes de travail majeurs précisés en 2008 : le logement, avec l'engagement pris par la municipalité de financer 40 000 logements sociaux d'ici à 2014 ; la nature en ville et l'espace public ; le plan « Climat » ; l'évolution du paysage urbain, avec la réalisation de nouveaux quartiers, notamment sur la couronne parisienne ; la mobilité et les déplacements ; la place de Paris dans la dynamique de Paris Métropole.

Imaginer les paysages mais aussi les usages

À l'en croire, il faut repenser, mais repenser ensemble, mettre en commun, rassembler les expériences, «être ce qui est et ce qui va arriver », c'est-à-dire établir les données d'aujourd'hui pour mettre en chantier l'avenir. Ainsi celui du canal de l'Ourcq. Long de 110 kilomètres, de La Villette à Mareuil-sur-Ourcq, il connaît des transformations urbaines qui vont s'intensifier avec le Grand Paris. Que deviendra-t-il à l'horizon 2020-2030 ? Comment imaginer collectivement les paysages, les territoires aux identités multiples, les usages des riverains, les aménagements forcément redessinés de ses abords ? Comment unifier les politiques locales des villes de Paris, Pantin, Bobigny, Romainville, Noisy-le-Sec, Bondy, Pavillons-sous-Bois ? C'est à l'Apur que revient le pilotage de ce projet.

«Nous avons d'abord dessiné le canal avec ce qui était déjà engagé, raconte Dominique Alba. Puis on a mis tous les acteurs économiques, politiques et culturels dans un bateau et l'on a passé la journée ensemble à lister les points de divergences et les aspirations communes. Cela a été formidable. On a fini la journée en ayant décidé qu'il fallait créer une Charte du paysage, des usages et de l'aménagement de canal de l'Ourcq.»

Le temps est un facteur essentiel pour Dominique Alba. «Un projet s'inscrit dans un moment. Il peut disparaître, être modifié. Quand on construit, il faut se demander si on crée les conditions pour que les gens s'en emparent.» Pour cette architecte, tout est mouvement. Pour elle, le XIXe siècle avait une conception globale, en imbriquant le dessous et le dessus, les égouts et les immeubles. Le XXe a tout dissocié, construit des voies express sans se demander ce qu'il y avait autour.

Ce modèle est en panne et la ville ne va pas bien. Le XXIe siècle réunit à nouveau ; à condition de prendre du temps pour réfléchir et ne pas hésiter à sortir de la pensée unique. 

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Commentaires 2
à écrit le 18/11/2014 à 17:04
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mais il y a un mot que je n'ai jamais entendu dans leur bouche, c'est le mot arbre.

à écrit le 18/11/2014 à 11:52
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Mais c'est madame je sais tout ma parole, les anciens n'ont rien compris, elle si....

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