Alexandra François-Cuxac : « Nous devons écouter le marché, pas le décréter »

Alexandra François-Cuxac, Présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers et dirigeante d'AFC-Promotion, brosse le portrait d'une profession qui s'adapte sans cesse aux mutations techniques et sociales mais reste confrontée à une inflation de la réglementation qui bride la création de valeur du secteur. Propos recueillis par Isabelle Boucq.
Alexandra François-Cuxac, Présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, dirigeante d'AFC-Promotion

Élue en 2015 présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) qui regroupe plus de 500 membres, Alexandra François-Cuxac est à la tête d'AFC Promotion, une société immobilière spécialisée dans le logement neuf et implantée à Bordeaux, Toulouse, Montpellier et Biarritz. Depuis longtemps engagée à la FPI, « AFC », comme on la surnomme, a contribué à créer des observatoires statistiques régionaux qui permettent aux professionnels de mieux comprendre la demande. Essentiellement tournée vers les spécialistes du logement, la FPI s'est ouverte récemment à l'immobilier d'entreprise.

Pour le premier trimestre 2017, l'association notait une dynamique de réservations positive, avec 35.059 logements réservés. Une vraie tendance avec dix trimestres consécutifs de hausse depuis fin 2014. Mais un déséquilibre entre l'offre et la demande contribue à faire augmenter les prix, prévient l'observatoire national de la FPI. Comme le rappelle sa présidente, les promoteurs immobiliers font partie d'un secteur qui représente 33 milliards d'euros de chiffre d'affaires, près de 150.000 logements construits en 2016 et 25.000 emplois directs.

LA TRIBUNE - Comment décrivez-vous le métier de promoteur immobilier ?

ALEXANDRA FRANÇOIS-CUXAC - Un promoteur immobilier est un entrepreneur à la tête d'équipes aux multiples compétences, un maître d'ouvrage qui initie, finance et porte la responsabilité des opérations qu'il mène. On ne voit souvent que les 22 « majors », mais il existe une multitude d'acteurs sur l'ensemble du territoire qui sont spécialisés dans le résidentiel ou le tertiaire. Le promoteur immobilier est un entrepreneur qui prend des risques financiers avec ses fonds propres, des risques techniques aussi. Il joue un rôle sociétal et doit être à l'écoute des évolutions de la société, des nouveaux besoins des élus et des habitants pour créer la ville résiliente qui résiste aux agressions.

Quels sont les défis auxquels font face les promoteurs immobiliers ?

Nous travaillons dans un contexte de plus en plus complexe. Notre responsabilité est d'intégrer les contraintes pour trouver de la valeur. Face à un nouveau coût technique ou à un délai - le frein de notre métier est que les projets mettent de plus en plus de temps à sortir de terre, nous devons trouver des économies ailleurs. Le BIM [building information modeling, ndlr] est un outil de management de projet et une méthode de travail qui permet de limiter les risques, de faire la chasse au gaspillage et de trouver des poches de valeur.

Mais aussi de travailler ensemble, car le promoteur est au coeur de la création avec les architectes, les bureaux d'études, les métiers du bâtiment et de nouveaux métiers dans le numérique, la santé, l'ergonomie, le design et le paysage.

L'innovation arrive aussi dans le financement avec le financement participatif ou avec des plateformes de commercialisation comme Bien'ici, un joli exemple de coproduction, entre autres, de la FPI et la Fnaim pour l'accès direct de nos clients à nos produits. Une nouvelle génération d'entreprises est en train de naître autour de la recherche foncière ou des bâtiments connectés.

Dans votre livre "L'Immobilier au coeur", vous dénoncez une politique du logement « stérilement sur-administrée » et un excès de réglementations...

On crée plus de blocages qu'on n'apporte de solutions. Or bâtir est nécessaire quand on voit la progression démographique de la France. Le logement est la première préoccupation et le premier poste budgétaire des Français. Mais dans les territoires, il y a trop de réglementations et de complexité dans l'élaboration des dossiers au détriment de la vision. Ce n'est pas en réglementant qu'on libère les énergies et l'activité. J'appelle à trouver une méthode pour mieux réfléchir ensemble, la sphère publique et la sphère privée, pour amener la transformation de nos villes dans un contexte apaisé et dans le respect de chacun.

Vous pensez également qu'il faut plus impliquer le public. Comment ?

Les opérations d'aménagement sont considérées comme un acte perturbateur à cause du bruit, de la gestion de la voirie et de la durée des travaux. Pour être mieux acceptés, il faut être mieux compris et expliquer aux gens ce que l'on va faire. Il ne suffit pas d'afficher le permis de construire pour régler le sujet ou de communiquer de manière ponctuelle car un projet peut durer entre cinq et quinze ans : il faut développer un process plus collaboratif, comme dans les pays du Nord et au Japon.

Venons-en à la ville de demain. Comment la concevez-vous ?

La ville de demain est à la croisée de toutes les problématiques : urbaines, sociétales, environnementales et de mobilité. C'est une entité en perpétuelle mutation. Le temps économique est plus rapide et a un impact fort sur la manière de transformer la ville tandis que le temps de l'urbanisme est plus lent. La ville de demain doit intégrer les nouveaux usages, les nouvelles manières de se déplacer, de consommer et de vivre. Mais nous sommes encore englués dans la bureaucratie. Il faut douze mois pour déposer un permis de construire. Les règles sont tellement compliquées que les collectivités ont beaucoup de mal à vérifier la conformité. C'est pour cela que la loi ALUR prévoit l'urbanisme de projet sur des lieux stratégiques où l'on peut s'affranchir des règles en s'adaptant au contexte. La ville de demain conciliera les habitants, les élus et les professionnels pour répondre aux aspirations des habitants.

Les sociologues nous aident à comprendre ces attentes. Les nouvelles générations nous poussent à adopter les évolutions techniques, technologiques et numériques qui peuvent répondre aux évolutions de la société. Les professionnels doivent écouter le marché, et pas le décréter. Il nous manque des méthodes de coproduction et un meilleur dialogue entre les trois parties. Je ne crois pas aux réglementations imposées par la sphère publique. La démocratie pousse vers d'autres méthodes.

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Propos recueillis par Isabelle Boucq.

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