"Dans l'énergie, les villes ont la volonté de reprendre la main" Célia Blauel, Ville de Paris

Dix ans après son premier plan climat, la Ville de Paris votera cet automne sa nouvelle feuille de route portant sur la période 2020/2030, avec en ligne de mire une ville neutre en carbone 2050. Afin que les habitants et acteurs du territoire s’en approprient les ambitions, ses équipes ont recueilli les suggestions de ses habitants, mais aussi d’associations, d’ONG et d’entreprises, en matière de transports, d’énergie, de logement ou de déchets. Une synthèse de ces mois de travaux est présentée le 5 avril. L’occasion de faire le point avec Célia Blauel, maire adjointe chargée de l’environnement et du plan climat énergie territorial.
Célia Blauel, adjointe à la maire de Paris en charge de l'environnement et du climat.

LA TRIBUNE - Le plan climat énergie de 2012 est en vigueur jusqu'en 2020, mais vous êtes déjà en train de préparer le suivant. Pourquoi ?

CELIA BLAUEL - Plutôt que d'une révision du plan climat, je préfère parler de l'écriture d'une nouvelle page des politiques climat, qui doit permettre à Paris de répondre à ces enjeux dans une ère post-COP21. C'est notre contribution locale à la mise en œuvre de l'Accord de Paris. En termes de calendrier, nous souhaitons donner une accélération au plan climat en cours sur la période 2018-2020, en accord avec les recommandations du GIEC. Quant au prochain, il sera gravé dans le marbre pour la période 2020-2030, avec en ligne de mire la perspective de la neutralité carbone en 2050.

Vous avez entamé une concertation auprès des Parisiens et des acteurs du territoire: dans quelle logique cette initiative s'inscrit-elle ?

Notre action repose sur trois piliers : les politiques publiques, la mobilisation des territoires et la coopération entre villes. Le bilan carbone que nous avons fait faire révèle que la mairie est directement responsable de 1% des émissions de la ville et que nous pouvons agir sur 20%. Pour les 80% restants, il nous faut embarquer et impliquer nos concitoyens. C'est l'objet de notre démarche depuis 2014.

Pour ce plan climat, notre objectif est de renverser les logiques de construction. Il ne s'agit pas de se fixer des objectifs à trop long terme mais d'améliorer le quotidien des Parisiens tout en diminuant collectivement nos émissions de CO2.

Quelle forme a pris cette consultation ?

Nous avons entamé un processus participatif ouvert jusqu'en septembre. Depuis cinq mois, plus de 700 personnes (représentant de grandes entreprises, des ONG, l'Agence parisienne pour le climat, le Conseil parisien de la jeunesse, des associations, des think tanks et des agents de la Ville, etc.) ont participé à des ateliers, des conférences ou des réunions publiques.

Par ailleurs, une « conférence citoyenne » a été menée pendant deux weekends auprès d'un panel composé de 21 Parisiens et métropolitains, non militants. Nous avons constaté à cette occasion que le climat était loin d'être une préoccupation partagée par tous. Mais, sur la plateforme « Madame la Maire, j'ai une idée », le sujet a attiré 280 contributions, plus que la fermeture des voies sur berges.

Vous avez rendu publique il y a quelques semaines « Paris change d'ère », une étude qui projette Paris dans un avenir neutre en carbone à l'horizon 2050. Quels enseignements peuvent être utiles au nouveau plan climat ?

Cette étude commandée à Elioth (un groupement de cabinets composé des cabinets spécialisés Egis Conseil, Quattrolibri et Mana), est un pan de notre dispositif global. Elle positionne la ville sur une trajectoire compatible avec l'Accord de Paris, c'est-à-dire neutre en carbone et exclusivement alimentée aux énergies renouvelables à l'horizon 2050.

Cette étude, qui reçoit un accueil très positif dans un contexte global pourtant difficile, apporte également un enseignement essentiel : la nécessité de ré-injecter une dose d'humain dans ces politiques climatiques. Nous n'avons pas à rougir de notre action sur le climat en matière de politique publique, mais il faut remettre les gens au coeur de cette démarche.

Dans quels domaines liés au climat avez-vous obtenu à ce jour les meilleurs résultats ?

Le plan climat qui court jusqu'en 2020 vise un objectif global de baisse de 25% des émissions. Dans certains secteurs, la pente est meilleure que dans d'autres. Alors que de nombreuses villes se cantonnent à un domaine précis (transports, énergie, bâtiments, alimentation, déchets...) nous avons effectué un bilan carbone le plus large possible.

Cela nous permet de confirmer que les options politiques que nous avions prises vont dans le bon sens. Là où nous avons mis le plus de moyens, nous avons obtenu des résultats significatifs. Par exemple dans les transports, les émissions ont diminué de 39% entre 2004 et 2014. Dans le bâtiment, nous avons mené en moyenne 4500 rénovations par an dans le logement social depuis 2008, quand l'étude Elioth en évoque 5500. Le programme « Eco-rénovons Paris », le premier mené à cette échelle, a favorisé la rénovation dans le privé, notamment en simplifiant les démarches pour les co-propriétés. Pour aller plus loin, il faudra miser aussi sur un changement de comportement, l'implication des individus, du territoire, et du national.

Quelles actions la ville peut-elle mener à son échelle ?

En termes de financement, nous pouvons réactiver les aides existantes et nous souhaitons également lever des capitaux. Grâce à la loi sur le statut de Paris, nous envisageons de lancer un fonds d'investissement pour la transition d'ici à la fin de l'année 2017. Nous menons aussi des réflexions autour du financement participatif pour financer des énergies renouvelables.

Sur ces sujets, nous partons toujours d'une page blanche. Les financements européens ne parviennent toujours pas aux villes, les relations avec le système bancaire sont complexes...En outre, il faudrait changer les ratios en extrayant du montant des investissements globaux de la ville tout ce qui concerne la transition énergétique afin de ne pas pénaliser les villes les plus ambitieuses sur ce sujet.

Quels sont, à l'inverse, les domaines où vous éprouvez le plus de difficultés ?

En matière d'alimentation, beaucoup a été fait, mais les progrès ont tendance à être effacés par l'accroissement de la population. Sur l'énergie, nous avons bien avancé, mais cela demeure un défi énorme. Depuis le 1er janvier 2016, nous avons opté pour une électricité verte à 100%, et menons des projets d'énergies renouvelables, de récupération de chaleur fatale dans les data centers et les eaux usées... Actionnaire minoritaire de CPCU [le réseau de chaleur de Paris, Ndlr], nous sommes légitimes à participer au choix du mix énergétique, qui est pour plus de 50% composé d'énergies renouvelables.

Mais l'énergie est l'un des sujets sur lesquels les villes ne peuvent pas tout faire. C'est pourquoi nous poursuivons une démarche de plaidoyer auprès de l'Etat, car le poids du national a tendance à prendre de plus en plus d'importance. De façon générale, on assiste actuellement à une reprise en main plus forte par le politique des grands réseaux stratégiques : électricité, gaz, chaleur/froid... Une expertise s'est développée en interne, et les relations de travail avec les opérateurs sont devenues plus constructives et plus intenses. Les élus et les experts sont mieux à même de produire une contre-expertise, ce qui rend le rapport avec les opérateurs plus égalitaire. Il y a une vraie volonté de reprendre la main, qui transcende les courants politiques. A Paris en particulier, nous sommes aussi confortés par des opérations réussies de remunicipalisation (comme ce qui a été fait pour l'eau, Ndlr). Et cette situation ne va pas se limiter à l'échelle locale, mais les villes vont également exprimer leur position au niveau national.

On sait Anne Hidalgo, présidente du C40, très impliquée sur ces sujets. Quelle en est l'incidence ?

Cela facilite évidemment les relations avec nos partenaires sur ces thématiques. Mais nous sommes conscients qu'il reste encore du travail concernant la mobilisation des Parisiens, même s'ils ont des modes de consommation plus responsables que la moyenne française. Ils restent très auto-centrés et avant tout intéressés par leur santé. Cela dit, d'après Edgar Morin, « consommer bio, c'est une petite façon de résister. »

Craignez-vous d'être contrainte à un retour en arrière sur ces sujets du climat et de l'environnement selon le candidat que les Français auront choisi à l'élection présidentielle ?

Je ne pense pas qu'il soit envisageable de revenir sur les mesures mises en œuvre, mais le prochain président donnera le "la" sur les ambitions climatiques nationales.

Propos recueillis par Dominique Pialot

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Commentaires 3
à écrit le 10/04/2017 à 12:11
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rien ne vaut une bonne propagande.......on ne comprend pas pourquoi il faut exclure certaines depenses des ratios chaque depense a une bonne raison d'etre sortie, du moment qu'on cherche des idiots pour financer gratuitment ( he oui sinon il faut au...

à écrit le 08/04/2017 à 12:04
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Concernant l’énergie, la difficulté avec les grandes métropoles concerne surtout la production. On ne peut pas installer des centrales de production en ville. Autant il est relativement facile d'optimiser la consommation d’énergie, ou de réduire la ...

à écrit le 06/04/2017 à 9:12
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"Sur ces sujets, nous partons toujours d'une page blanche. Les financements européens ne parviennent toujours pas aux villes, les relations avec le système bancaire sont complexe" Dans ce cas pourquoi être européiste ? L'europe c'est les banques,...

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