Inondations à Cannes : de la nécessaire résilience des villes

Les catastrophes naturelles vont croître les prochaines années, sous la pression du réchauffement climatique. Les villes n'ont pas le choix, et se doivent d'apprendre le pragmatisme.
La tragédie de Alpes de Haute Provence a représenté en quelques heures un coût de 600 millions d'euros pour 60.000 sinistrés, 1.800 entreprises impactées avec 10.000 emplois menacés.

Des inondations meurtrières en France dans les Alpes maritimes le 3 et 4 octobre sont venues se rajouter à une longue liste qui grossit jour après jour dans le monde et en particulier dans les zones côtières, exposées en première ligne aux conséquences du changement climatique et les défaillances de la vision stratégique de l'homme dans leur occupation et urbanisation.

Parler de résilience dans nos territoires nous oblige à avoir en permanence un devoir de mémoire dans un monde urbanisé qui par l'activité humaine met en danger nos vies et celles des générations à venir.

Quand la nature se rappelle à nous

Tristes anniversaires à rappeler : le 10 novembre 2013 le Typhon Hayan s'est abattu en Asie du Sud Est semant la désolation dans un décor de fin du monde avec des vents de 360 km/heure et laissant 10000 mors sur son passage.  Il y a à peine quelques semaines c'était l'anniversaire du dévastateur ouragan Sandy à New York. Son intensité a été telle qu'après son passage l'ancien vice-président Al Gore a posé la question du changement de l'échelle de mesure Saffir-Simpson  de 1 à 5 dans la classification des ouragans. Kerry Emmanuel, professeur au MIT spécialiste des cyclones tropicaux estime que cette échelle est déjà obsolète.

Kerry Emanuel avait été sélectionné à l'époque par  le Time Magazine comme « l'une des 100 personnes qui changent notre monde ». Il est aussi considéré aux États-Unis comme « l'homme qui avait prévu Katrina ».

Malheureuses coïncidences ? Au même moment, les négociations sont tendues en vue de la COP21 - qui aura lieu dans quelques semaines à Paris - pour tenter de parvenir à un accord contraignant de réduction de gaz à effet de serre (GES), à l'origine du réchauffement. La communauté internationale à le devoir d'atteindre l'objectif de limiter le réchauffement à 2°C.  Or, nous ne sommes pas encore là et plus on s'éloignera de cet objectif plus les événements extrêmes vont  se multiplier, inéluctablement.

De conférence en conférence, la nature se rappelle à nous. Au départ, loin de nos territoires, cette fragilité nous la portons aussi, comme nous venons de le voir dans la région cannoise. Nos villes qui grandissent sans cesse, sont un moteur majeur dans l'amplification du phénomène par les apports aux émissions de gaz à effet de serre qui sont le transport motorisé, les bâtiments et les réseaux de chaleur et de froid.

Des catastrophes plus puissantes

Le lien entre les phénomènes météorologiques et le changement climatique est durement discuté entre climatologues, mais ils s'attendent quand même à des événements de plus en plus violents liés au réchauffement de la température des océans. Il n'y a pas plus de cyclones, mais ils semblent être plus forts, « On va aller vers des phénomènes plus puissants, associés à des pluies plus intenses, d'environ 20 % supérieures ».

Ces phénomènes météorologiques violents puisent leur énergie dans la température de la surface de la mer. Ces températures ont augmenté de 0,3 degré au cours des 30 dernières années. Ce qui explique le lien que font les experts entre le réchauffement climatique et la multiplication de ce type de phénomènes.

Avec de la désolation, sinistrés et morts dus aux catastrophes naturelles nous sommes en face des situations qui bouleversent le cours de la vie des populations affectées de manière durable. Les 13 morts dans notre région des Alpes Haute Provence, suite à des pluies torrentielles survenues en un temps record nous montrent cette évidence qui est la grande fragilité grandissante de nos villes et territoires.



Des coûts astronomiques

Ici et là nous nous trouvons avec des régions, des territoires dévastés, des infrastructures lourdes emportées et à reconstruire, des populations qui doivent ré apprivoiser leurs lieux de vie, des services qui doivent émerger, dans d'autres configurations... voilà des chaînes complexes du ré apprentissage de la vie à faire.

L'évaluation de coûts de Sandy à New York  fut de l'ordre de 50 milliards de dollars et de 80 milliards de dollars pour Katrina. Faut il rappeler que trois ans après le passage de Katrina des milliers des personnes au Mississipi et en Louisiane vivaient encore dans des caravanes ?

La tragédie de Alpes Haute Provence a représenté en quelques heures un coût de 600 millions d'euros pour 60.000 sinistrés, 1800 entreprises impactées avec 10000 emplois menacés. Signe des temps de la multitude, pour la première fois une opération de crowfunding  été lancée pour venir au secours via la plateforme « BulbInTown »

Un intéressant rapport de l'Académie des Etats Unis,  « Disaster Resilience : A national imperative» et l'initiative « Launching a National Conversation on Disaster Resilience in America» montrent l'échelle de la réflexion considérant un impératif national la démarche autour de la gestion de crises et la résilience. Cette réflexion est globale et nous concerne tous.

La planisphère des risques bouleversée

Je cite les travaux de la Banque Mondiale autour des impacts dans les villes côtières de la montée de la mer. Le français Stéphane Hallegate auteur principal de ses travaux publiés dans la revue « Nature Climate Change » a fait part des synthèses « Le coût total des inondations dans les grandes villes côtières de  la planète pourrait atteindre à l'horizon 2050, si rien n'est fait pour endiguer les flots, la somme astronomique de plus de 1 000 milliards de dollars (750 milliards d'euros) par an »

L'étude montre que le planisphère des risques va être bouleversé. « En tête des agglomérations aujourd'hui les plus menacées figurent, derrière Canton, trois villes américaines : Miami, New York et La Nouvelle-Orléans. Au milieu du siècle, le risque majeur se déplacera vers des villes en développement : derrière Canton, toujours en tête, on trouvera Bombay et Calcutta, même si Miami, New York et La Nouvelle-Orléans restent parmi les dix plus exposées. Si l'on regarde cette fois les villes où le risque va proportionnellement croître le plus en cinquante ans, la carte est encore tout autre. Le pourtour méditerranéen y est surreprésenté, avec des villes comme Alexandrie, Naples, Beyrouth, Istanbul, Athènes, mais aussi Marseille ».

Renforcer la résilience des nations face au catastrophes

L'Organisation des Nations Unies au travers de UN HABITAT développe des initiatives internationales sous le thème résilience et de la mobilité urbaine. UN Habitat rappelle que « les catastrophes ne connaissent pas de frontières » et appelle les nations à contribuer à la mise en oeuvre d'un cadre globale d'action pour renfoncer la résilience des nations et de communautés face aux catastrophes.

« Tous les acteurs doivent travailler ensemble pour sauver des vies, protéger des actifs et offrir la continuité des services de garantie quand les désastres frappent. La planification est essentielle » a signalé le Secrétaire Générale de l'ONU.

La vision de la Smart City Humaine, de la ville vivante, doit impérativement intégrer cette réflexion au cœur de sa stratégie. La ville par son essence propre de son impermanence est une ville fragile, sensible, qui à tout moment peut basculer dans des évènements imprévisibles la mettant à l'épreuve.  Plus que jamais la rendre plus accessible et résistante face aux aléas et à sa vulnérabilité est un enjeu d'avenir. La ville doit  être à la hauteur de besoins et des exigences de ses habitants et parmi les premiers besoins, rappelons- le  il y a celui de sa résilience.

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