La ville du quart d'heure : pour un nouveau chrono-urbanisme

Comment concilier le développement irréversible d'un monde urbain avec les besoins impératifs liés à une réelle qualité de vie ? Les nouvelles relations qui ont transformé nos vies et le travail par l'usage de nouvelles technologies ont changé aussi le rythme de la ville. Par le professeur Carlos Moreno spécialiste de la ville intelligente.
La chronologie séquentielle de la ville, héritière du fordisme industriel et de l'opposition entre la ville du jour (qui travaille) et celle de la nuit (qui s'amuse mais aussi dangereuse), est en perdition, cédant sa place à la ville multi-rythmée.

A Paris, le Salon mondial de l'Automobile, rendez-vous international majeur, a ouvert ce dernier week-end de septembre, dans un moment de bascule pour cette activité. En Inde, au même temps, la décision de signer l'accord de Paris (COP21) donne le coup d'envoi historique à une accélération de la lutte contre le réchauffement du climat. Avec l'arrivée de ce 62e pays signataire (qui est aussi le 3e pollueur au monde), ce sont presque 52% des émissions de gaz à effet de serre qui sont maintenant couverts par l'accord. Le seuil de 55% est désormais à portée de main avec la prochaine signature de l'Union Européenne, permettant ainsi à cet accord (qui remplacera le Protocole de Kyoto à partir de 2020) d'entrer en vigueur très prochainement, à l'occasion de la COP22 à Marrakech.

Il faut créer 1 milliard de logements d'ici à 10 ans

Le 3 octobre s'est aussi tenue la journée mondiale de l'Habitat avec pour thème « Le logement d'abord ». Faut-il encore rappeler que, pour accueillir 50 millions de nouveaux citadins chaque année -l'équivalent de 80% de la population française-, c'est 1 milliard de logements qu'il faut créer dans le monde d'ici à 10 ans... ?

Comment concilier alors le développement irréversible d'un monde urbain avec les besoins impératifs liés à une réelle qualité de vie ?  Nos villes, partout sur la planète, se trouvent confrontées à une croissance permanente, mais elles sont encore portées par le paradigme de l'ère du pétrole et de ses impacts sur la voirie et l'urbanisme en général. L'ère de la voiture omniprésente, associée à un mode de vie fondé sur la propriété de son véhicule comme élément de statut social, est encore présente, mais elle vacille. Une prise de conscience se généralise concernant nos villes devenues irrespirables par le triple effet des émissions produites par les bâtiments, les réseaux de chaleur et de froid, et le transport à essence tous azimuts.

Ubiquité massive et ville "à temps continu"

En outre, la réponse se trouve aussi dans une autre caractéristique de la ville du XXIe siècle, celle de l'ubiquité massive, signe d'une autre ère nouvelle, celle de la ville "à temps continu". Les nouvelles relations qui ont transformé nos vies et le travail par l'usage de nouvelles technologies ont changé aussi le rythme de la ville. La chronologie séquentielle de la ville, héritière du fordisme industriel et de l'opposition entre la ville du jour (qui travaille) et celle de la nuit (qui s'amuse mais aussi dangereuse), est en perdition, cédant sa place à la ville multi-rythmée. Chacun de nous l'est devenu aussi. On peut par exemple, acheter à n'importe quelle heure via les plateformes, se faire livrer dans un point de proximité, faire des nocturnes de toutes sortes ; tout cela est devenu courant. Certaines villes ont nommé des « maires de la ville de nuit » pour montrer l'importance de cette ville qui ne s'arrête jamais. Ce néo chrono-urbanisme, est parfaitement visible avec des évènements comme la « Nuit blanche », qui s'est déroulée à Paris ce week-end.

Rapprocher demande et offre: tout à moins d'un quart d'heure

Concilier les exigences de la ville durable mais également les nouveaux rythmes avec d'autres manières de vivre, d'habiter, de travailler et de prendre du loisir, passe par une transformation de l'espace urbain encore fortement mono fonctionnel, avec la ville centre et ses différentes spécialisations vers une ville polycentrique, portée par 4 composantes majeures : la proximité, la mixité, la densité, l'ubiquité.

C'est la ville du ¼ d'heure, de l'hyper proximité, de « l'accessible » à tous et à tout moment... Celle où, en moins de 15 minutes, un habitant peut accéder à ses besoins essentiels de vie.

Il s'agit alors de rapprocher la demande de l'habitant de l'offre qui lui est proposée, d'assurer une mixité fonctionnelle en développant les interactions sociales, économiques et culturelles, d'assurer une densification non négligeable, tout en augmentant les espaces de rencontres et de brassage publics, d'optimiser la palette de services grâce au numérique et aux modèles collaboratifs et de partage, de faire devenir les rues des espaces de mobilités décarbonnées par la découverte à pied ou en vélo, de réinventer les nouvelles hyper-proximités comme les « super blocks » à Barcelone ou à Tokyo, de redécouvrir la biodiversité dans son lieu de vie en encourageant des circuits courts...

C'est aussi mailler nos hyper-proximités pour vivre dans les métropoles ou les mégalopoles avec des services publics de mobilités de nouvelle génération, 24/24h, 7/7j, de bus à la demande (avec ou sans chauffeur), et des services multimodaux et partagés...

Plus que jamais cette hyper-proximité sera source de nouveaux modèles économiques et sociaux dans nos villes, et ils sont aujourd'hui en émergence.

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