Smart city : les nouveaux jeux de pouvoir des villes selon OuiShare

Le collectif, qui organise son festival annuel sur le thème de la ville, analyse notamment les relations qui se forment au sein des villes mais aussi entre elles. Samuel Roumeau, directeur du programme du OuiShare Fest, répond aux questions de La Tribune.
Dominique Pialot
L'édition 2017 du OuiShare Fest sera dédiée aux villes : "Cities of the world unite"

LA TRIBUNE - Pourquoi OuiShare s'intéresse-t-il aux villes ?

SAMUEL ROUMEAU - Nous souhaitons prendre position de façon originale, sur un sujet qui reste encore souvent traité sous l'angle de la ville servicielle et de l'innovation, plutôt que de gouvernance.

A l'inverse, nous nous intéressons au sujet sous les angles du pouvoir, de la résilience, de l'inclusion et des services.

Nous observons l'enjeu du pouvoir à deux niveaux. En prenant de plus en plus le pas sur les Etats-nations, les métropoles créent de nouvelles alliances entre elles et pèsent sur les grands enjeux géopolitiques. C'est typiquement le cas des villes regroupées au sein du C40 (réseau de près de 90 villes en pointe dans la lutte contre le changement climatique présidé par la maire de Paris Anne Hidalgo, NDLR).

Conformément à la vision de Benjamin Barber, professeur en sciences politiques à l'université de New York, ancien conseiller spécial de Bill Clinton et fondateur du Global Parliament of Mayors, les grandes métropoles agissent comme une sorte d'ONU, mais à l'échelle infranationale. Par ailleurs, partout, on assiste à une fracture croissante entre les grandes métropoles et le reste du pays, qui se reflète dans les urnes.

Le phénomène des villes-sanctuaires illustre leur capacité de résistance face à l'État fédéral, tout comme les menaces de certaines villes britanniques de vouloir sortir du Royaume pour échapper au Brexit.

Au sein même des villes, l'équilibre des pouvoirs évolue...

En effet, notamment grâce au numérique, de nouvelles alliances se créent entre acteurs publics, entrepreneurs et citoyens. De plus en plus souvent, des projets citoyens entrepreneuriaux contribuent à créer de l'inclusion, ce qui leur confère une nouvelle légitimité. Comment celle-ci peut-elle s'articuler face à la légitimité de la ville qui repose plus sur la propriété du sol, notamment dans le cadre de projets contestés ? On voit émerger de nouveaux rapports de force qui questionnent l'ordre établi. Le développement des réseaux sociaux permet également une nouvelle forme d'appropriation citoyenne, et favorise une plus grande proactivité.

Quels points communs observez-vous entre les villes les plus résilientes ?

Celles qui réussissent le mieux sont souvent emmenées par une personne visionnaire. C'est le cas avec Park Won-soon, le maire de Séoul qui, avec 1,5 million de personnes participant à l'économie collaborative,  apparaît comme l'une des villes les plus avancées sur ces sujets ; ou Milan Renato Galliano, qui a réussi à embarquer les Milanais dans des écosystèmes existants.

De façon générale, les meilleurs profils sont ceux qui favorisent la co-construction avec leurs administrés, tout en étant capables de proposer une vision.

Concrètement, quels sont les moyens les plus efficaces d'y parvenir ?

Le budget participatif est un système très efficace pour que les citoyens s'approprient les projets. Les FabCity, qui s'appuient sur des réseaux de FabLabs, présentent également un grand potentiel. Plutôt que d'importer des produits et exporter des déchets, l'idée consiste à importer des données de façon à pouvoir produire 50% de ses besoins en énergie et en biens de consommation, à l'échelle de la ville. Il ne s'agit pas pour autant de vivre en autarcie, mais en autonomie, tout en faisant preuve de frugalité et en limitant leur empreinte carbone. En parallèle, bien sûr, une logique d'échange, de partage et de collaboration prévaut sur le plan culturel. Cela reste encore marginal, mais un mouvement de convergence émerge entre les projets « grassroots » et l'approche top/down des villes et des entreprises.

Quel lien établissez-vous entre vos thématiques historiques et les enjeux auxquels sont aujourd'hui confrontées les villes ?

 Ce qui nous intéresse, c'est d'évaluer comment le collaboratif, le numérique ou l'innovation sociale peuvent permettre à des villes de taille moyenne de rester dans la course, en construisant un nouveau modèle urbain fait de commerces de proximité, de mobilité douce, de circuits courts...

Comment elles parviennent à bâtir un récit collectif non anxiogène, mais lucide et à construire des alliances qui leur permettent de devenir les nouveaux acteurs d'un monde plus inclusif et résilient, par exemple avec des initiatives qui permettent à des écosystèmes de porter des projets, comme celui des Grands Voisins à Paris.

Notre objectif avec le Ouishare Fest 2017, baptisé « Cities of the world unite », c'est un événement qui réunisse un public et des intervenants très variés, des artistes, des entrepreneurs, des activistes, des cadres de grands groupes, des influenceurs, ainsi que des maires et des élus, qui doit permettre de construire une vision partagée du rôle et de l'influence à venir des villes. En plus de rencontres entre élus et porteurs de projets, le OuiShare Fest donnera lieu à une production intellectuelle, notamment des travaux menés au sein Lab cofondé avec le think tank Chronos autour du programme DataCités.

Enfin les projets urbains structurants étant issus de collaborations multipartites, ce sera aussi l'occasion d'accélérer des projets concrets impliquant  grands groupes, startups et territoires.

Dominique Pialot

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