Ville inclusive : comment l'Afrique saute les étapes

[ CITIES FOR LIFE ] Les villes des pays émergents peuvent-elles devenir inclusives, comme leurs homologues occidentales ? En Afrique, la jeunesse est prête à passer directement du sous-développement à la révolution numérique.
Pour Patrick Klugman, adjoint à la Maire de Paris, chargé des relations internationales et de la francophonie, « il est faux de croire que les grandes métropoles africaines connaîtront un développement long et lent : les jeunes construisent le présent dès maintenant ». (Photo : Jeremiah Murimi, étudiant en génie électrique à l'Université de Nairobi (Kénya), fait la démonstration de son chargeur intelligent qui, connecté à un vélo, peut recharger un téléphone mobile, en juillet 2009).

"Je dis aux investisseurs : "Osez l'Afrique ! Nous avons une jeunesse et des populations qui ont un savoir-être superbe. Et vous vous sentirez utiles", plaide Mariam Sy Diawara, présidente de l'Afrique Web Festival, plateforme d'information et de formation au numérique lancée il y a trois ans. Dans le même ordre d'idées, Noomane Fehri, ancien ministre des technologies de l'information et des communications de Tunisie, assure que les jeunes Africains sont entrés dans la modernité et maîtrisent les codes de la révolution numérique :

"Ils vivent dans le 21e siècle, quand nos dirigeants écoutent avec des oreilles du 20e siècle. Il existe un fossé entre eux et les jeunes. Et ce n'est pas fini, car le changement va être plus rapide d'ici cinq ans que durant les cinquante années précédentes."

Pour ce spécialiste des technologies de l'information, l'inclusion passe par un effort du gouvernement pour assurer à chaque famille l'accès à l'Internet, et pour garantir l'égalité des chances à l'école. Il milite également pour « la création d'un écosystème de startup connecté avec le monde d'ici 2020 ».

L'inclusion urbaine passe aussi par les infrastructures, en particulier pour l'approvisionnement en eau. C'est le métier de Suez depuis sa création : "L'Afrique fait partie de nos gènes", rappelle José Munoz, directeur délégué Euro-Méditerranée de Suez Environnement:

"Nos 80.000 employés dans le monde sont dédiés au bien-être humain en réduisant le stress hydrique et en accompagnant les organisations locales pour améliorer l'attractivité des pays et des métropoles autour de la Méditerranée. Chaque année, 400 à 500 de nos ingénieurs sont formés sur les campus des universités africaines."

Passer directement du néolithique au numérique

Région la plus jeune du monde (l'âge médian des Africain.e.s est de 20 ans, contre 40 en moyenne en Europe), l'Afrique ne va pas se développer au même rythme que les pays développés. Pour Patrick Klugman, adjoint à la maire de Paris, chargé des relations internationales et francophonie, « il est faux de croire que les grandes métropoles africaines connaîtront un développement long et lent : les jeunes construisent le présent dès maintenant ». L'Association internationale des maires francophones, dont fait partie Paris, met en œuvre des projets concrets dans les villes africaines, comme la rénovation de la distribution de l'eau dans un quartier de Casablanca (Maroc).

"Certes, le budget de 1,2 million d'euros est modeste, mais cette opération a bouleversé la vie de ce quartier", se réjouit Patrick Klugman.

La fondation Africa France est un autre acteur de la modernisation des villes africaines. Présidée par Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin, la fondation a été créée en février 2015 pour relancer les relations économiques entre la France et l'Afrique. Elle rassemble aujourd'hui 1.800 entreprises françaises et africaines. "En Afrique, l'État souverain est un peu empesé, la démocratie est plus réussie à l'échelle des collectivités locales", estime l'économiste franco-béninois. Lionel Zinsou rappelle aussi que les villes sont « des sujets bien identifiés et des débiteurs solvables. On peut imaginer des obligations perpétuelles pour soutenir leur développement ».

D'autres pistes sont avancées par Lionel Zinsou : des levées de fonds liées à la transition énergétique, des green bonds, des fonds d'impact investing (investissement à impact social). Mais il ne néglige pas les manques encore criants en matière d'infrastructures physiques ou immatérielles :

"Dans certains cas, comme dans mon pays, le Bénin, les offreurs de services africains doivent passer directement du néolithique au numérique."

Une situation qui possède néanmoins un côté positif : l'ubérisation n'est pas un danger, puisque les structures à déstabiliser n'existent pas encore.

Patrick Cappelli,
correspondant de La Tribune à Cities for Life

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POUR ALLER PLUS LOIN

>Lire, dans LA TRIBUNE n°188 (10-16.11.2016) consacrée à "L'Afrique, à l'aube de la croissance verte", le supplément LA TRIBUNE AFRIQUE intitulé : "Leapfrog, les raison d'y croire" (version papier en kiosque et numérique sur notre site)

Leapfrog, La Tribune Afrique,

+ Lire aussi : Dossier complet sur le Forum Smart City du Grand Paris

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