3 start-up qui gagnent des millions grâce à l'imagination collective

L'innovation participative, qui consiste par exemple à lancer des concours auprès d'internautes, d'étudiants ou d'autodidactes pour créer logos, publicités voire pour créer de nouveau produits est une tendance qui s'installe depuis plusieurs années. Des start-up surfent sur la tendance qui proposent des sites ad hoc pour mettre en relation "la foule" et les entreprises. Voici le portrait-robot de trois d'entre elles.
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L'une a été lancée en Australie puis s'est implantée à San Francisco. L'autre est née en France et vient d'ouvrir un bureau à Sao Paulo. La dernière fait ses premiers pas depuis un incubateur du treizième arrondissement... Toutes les trois ont trouvé dans le concept de création collaborative un fond de commerce juteux. Et si l'on en juge par leur expansion et les levées de fonds qu'elles parviennent à réaliser, la formule fonctionne! Voici les fiches d'identité de ces champions de l'imagination 2.0.

 

? 99designs, l'australo-américaine spécialisée dans le design

Date de naissance: 2008 à Melbourne. Deux ans plus tard, les fondateurs de 99designs installent leurs bureaux à San Francisco.

Fondateurs: Mark Harbottle, Australien et, Matt Mickiewicz, Canadien (tous deux alors âgés de moins de trente ans). L'entreprise est dirigée par un Australien, Patrick Llewellyn.

Taille: 80 employés à san Francisco, Melbourne, Berlin et Paris

Le principe: Des entreprises, principalement, des PME, cherchent un logo, un visuel, une maquette pour leur site internet. Elles lancent un concours sur le site auquel des designers indépendants peuvent répondre. Depuis le 20 février, les entreprises peuvent lancer des challenges "privés" ouverts aux designers qu'ils connaissent déjà. Il est également possible d'acheter des logos déjà créés et proposés sur le site par des designers. Il faut préciser qu'une fois le design choisi par l'entreprise qui a lancé le concours, les droits associés à ce design sont cédés à cette entreprise.

Le modèle économique: Cette idée génère pour 99designs plusieurs sources de revenus. La première consiste à proposer des "packs" pour chaque concours lancé par les entreprises. Un concours pour "inventer" une page sur un réseau social (Facebook, Twitter ou YouTube par exemple), peu coûter de 149 à 599 dollars. Pour le design d'un site internet, les prix sont plus élevés: de 599 à 1599 dollars.  A noter: en France, les prix sont convertis en euros, donc pour le site internet, le concours démarre à partir de 479 euros. Plus les prix sont élevés, plus le nombre de participants au concours sera élevé et plus la qualité est censée s'améliorer, puisque seuls les designers les plus reconnus sont éligibles pour participer aux concours les mieux dotés. Deuxième source de revenu: l'achat de designs déjà réalisés. L'entreprise ponctionne 5% sur chaque facture émise. Des paiements par internet sont possibles.

Investisseurs: Une première levée de fonds en avril 2011 réunit Accel Partners et les investisseurs en capital-risque Michael Dearing (eBay, Harrison Metal), Dave Goldberg (Survey Monkey), Stewart Butterfield (Flickr) et Anthony Casalena (Squarespace). En tout, 35 millions de dollars sont injectés.

Développement:  En août 2012, l'entreprise rachète un concurrent européen, 12designers et installe un siège à Berlin, en novembre, elle lance une version française puis une italienne en janvier 2013.  En 2013, 99designs déclare compter 207.000 designers inscrits sur sa plate-forme. Toujours d'après des chiffres fournis par l'entreprise, quelques 21 millions de "créations graphiques" ont été mises en ligne de puis la création du site, et 48 millions de dollars ont été redistribués aux créateurs.

Le mot du patron: Pour Patrick Llewellyn, la construction du modèle de 99designs s'est faite grâce aux suggestions des designers. "Notre modèle économique a été créé par notre communauté", affirme-t-il ainsi. Son conseil à tous ceux qui souhaiteraient sortir de la foule et se faire remarquer? "Il faut trouver des sujets de spécialisation. Se poser la question: 'dans quoi suis-je le meilleur?' Et se perfectionner". Quant aux critiques qui taxent le site d'utiliser l'imagination des créatifs sans les rémunérer, l'Australien leur répond: "je crois qu'elles proviennent de gens qui ne comprennent pas ce que nous faisons, ce sont des gens qui ont dû oublier comme il était difficile de démarrer, surtout quand on vient d'une petite ville et comme il est excitant de créer quelque chose de beau".

Concurrents: Wilogo

 

? eYeka, le pionnier français François Pétavy

Date de naissance: 2006 à Paris

Fondateurs: Gilles Babinet, web-entrepreneur et ancien président du Conseil national du numérique, et Franck Perrier. DG: François Pétavy.

Taille: Environ 40 employés dans le monde. EYeka cherche à embaucher des commerciaux.

Le principe: Il est proche de 99designs mais ne se limite pas aux logos ou sites internet et vise avant tout des entreprises -surtout des "grands comptes" comme Coca-Cola, Unilever ou encore Procter & Gamble. Quand celles-ci ont besoin de faire appel à la créativité d'une communauté d'internautes sur un thème précis, elles lancent un concours sur eYeka en définissant des récompenses pour les trois gagnants de chaque challenge. Ceux-ci se partagent quelques milliers d'euros. Entre temps, eYeka conseille ses clients sur la façon de lancer le concours et sur l'analyse des résultats avec la participation de sémiologues. Par exemple, s'il s'agit d'imaginer une publicité, les réponses des internautes permettront d'appréhender la façon dont ils conçoivent la marque en question.

Le modèle économique: "Nous ne faisons pas du low-cost", prévient le directeur général François Pétavy. Les tarifs sont comparables à ceux d'autres agences de conseil, donc de quelques dizaines à une centaine de milliers d'euros. 90% du chiffre d'affaires serait réalisé hors de l'Hexagone, selon le patron du groupe. Certains de ses clients sont des agences de conseils, comme Adeka au Japon.

Les investisseurs: eYeka a levé 2,5 millions d'euros auprès de Generis Capital Partners, actionnaire de l'agence d'informations loisirs Relaxnews ou encore de la chaîne allemande 123TV.

Développements: Le site, qui fonctionne en 12 langues, comptabilise 250.000 membres. Un bureau a été ouvert début 2013 à Sao Paulo, au Brésil.

Le mot du patron: "Nous sommes le plus grand terrain de jeu créatif au monde", se félicite François Pétavy qui voit un grand avenir pour son secteur: "2013 est l'année ou la co-création est en train de devenir énorme". Sa réponse aux critiques? "Il y a quelques années il y a eu ce fantasme qui consistait à penser que le consommateur allait tout faire, mais ce n'est pas vrai. C'est un quatre mains", avec les entreprises, juge-t-il. Et de renchérir: "C'est un moyen de créer un monde meilleur car les gens ont le sentiment de participer au bien commun."

Concurrents: Planet Innov, Lumenogic, Spigit, IdeaScale, Imaginatik, BrightIdea et tous les autres... L'entreprise se présente comme "leader mondial" sur un marché encore difficile à mesurer, d'après une enquête du cabinet Forrester.

? Studyka, le petit français qui vise la communauté étudiante

Date de naissance: 2011à Paris

Fondateurs: Charles Thou, sorti d'HEC, Yohan Attal (ESIEA / HEC et Telecom ParisTech) et Yohann Melamed (Telecom ParisTech)

Taille: Une vingtaine d'employés. Les dirigeants de Studyka prévoient d'embaucher si le" développement se poursuit comme prévu".

Le principe : Entreprises et organisations peuvent lancer des "challenges" à une communauté. A l'origine, il s'agit surtout d'étudiants mais le concept a été élargi aux clients et aux collaborateurs de l'entreprise. Studyka met à disposition sa plateforme technique et, comme toutes les autres, prodigue ses conseils pour bien mener son opération de co-création. Les produits livrés sont beaucoup moins "concrets" que dans les deux cas précédents: il s'agit de documents dans lequels les étudiants répondent à un problème posé par l'entreprise. But affiché: faire en sorte que les étudiants participants aux challenges soient embauchés par les entreprises qui lancent les concours auxquels il participent.

Le modèle économique: Studyka vise elle aussi des grands comptes. Parmi ses clients: Canal+, Veolia, Mazars ou encore Renault. Là aussi, le coût dépend du nombre de participants au challenge et des lots promis. Les tarifs varient en moyenne entre 20.000 et 100.000 euros, en fonction de l' "effort de communication nécessaire" au projet du nombre de participants aux challenges . Les participants aux challenges perçoivent pour toute rémunération des lots (voyages, tablettes... ).

Les investisseurs: Bouygues Telecom Initiatives, le fonds d'amorçage créé par des employés de l'opérateur a annoncé le 25 février son entrée au capital de Studyka pour un montant non dévoilé. La start-up souhaite elle aussi rester discrète sur ce montant que le tour de table n'est pas terminé.

Développements: Pour l'instant, Studyka compte une trentaine d'entreprises dans son portefeuille de clients. Les challenges réunissent en moyenne 200 participants. L'entreprise déclare 600% de croissance depuis sa création.

Le mot du patron: "Le principe, c'est d'aboutir à des recrutements" de la part des entreprises qui font appel à ses services, indique Charles Thou, président et co-fondateur de Studyka. Dans le cas contraire "nous pouvons refuser le dossier", précise-t-il. "Nous incitons les participants à produire des projets sous licence creative commons pour que les travaux puissent être réutilisés", ajoute-t-il. Aux éventuelles critiques, il répond: "la logique n'est pas d'être exploité, mais de faire ses preuves".

Concurrents: Open innovators

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Commentaires 9
à écrit le 09/09/2013 à 10:57
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Je suis surpris par deux choses : - Cet article ne parle pas de Nov'in (http://www.novin.fr), la plateforme française d'innovation participative qui pousse le plus loin le concept évoqué ci-dessus, mais sans spolier les participants. En effet, Nov'i...

à écrit le 06/03/2013 à 11:30
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Pour avoir participé à de nombreux challenges sur certains de ces sites, je peux vous dire que c'est vraiment une expérience extrêmement enrichissante qui permet de se créer un véritable réseau en se construisant une vitrine (et en plus de gagner des...

à écrit le 05/03/2013 à 15:36
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"La logique n'est pas d'être exploité, mais de faire ces preuves pour continuer à être exploité " business is business

à écrit le 05/03/2013 à 15:33
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En leur retirant tout droit de propriété sur leur création pour un misérable lot ou un paiement en cash, je vois pas ce qu'il y a de positif. Ce que je vois c'est qu'il y a un donneur d'ordre qui récupère un travail à coût réduit, un intermédiaire (...

à écrit le 05/03/2013 à 14:01
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Je recommence j'ai été censuré je dis que ni mes enfants qui font des études supérieures ni moi expert financier et lobbyiste à mes heures ne donneront la moindre idée à c genre de boites, des exploiteurs à bon compte, c'est scandaleux qu'on puisse f...

à écrit le 05/03/2013 à 13:18
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Tout de même choquant comme concept: 999/1000 rejets pour un heureux gagnant, qui a la joie de voir son design bradé dans le seul but d'enrichir ces entreprises. Les marques baissent les budgets pour les agences et le résultat est en général peu conc...

le 05/03/2013 à 14:31
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c'est au contraire assez positif de donner leur chance à des créatifs débutants (étudiants et amateurs) plutôt qu'à des grands pontes de la pub qui sont souvent peu inspirés!

le 05/03/2013 à 15:26
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Je pense que vous seriez bien inspiré de parler aux gens qui participent à ce genre de concours. vous constaterez combien ils sont heureux d'avoir des opportunités d'être mis en relation avec des marques et de pouvoir s'essayer à des vrais concours. ...

le 05/03/2013 à 18:03
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Reconnaissance aussi rapide qu'éphémère, maigre lot de consolation qui permet en réalité d'acheter vos droits d'auteur sur la chose créée, vous n'êtes pas d'accord ? quelqu'un le sera à votre place et gagnera le concours. J'ai déjà participé à ce ge...

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