Neutralité du Net : nouveau bras de fer en vue entre éditeurs de services et opérateurs télécoms

Les opérateurs télécoms historiques souhaitent réglementer au niveau international la participation des éditeurs de services, comme YouTube ou Dailymotion aux infrastructures.
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L'avenir d'Internet est menacé. C'est en tout cas la mise en garde qu'a tenu à faire l'Association des Sites Internet Communautaires (ASIC), qui regroupe notamment Google, Dailymotion, Skype, eBay, Deezer, Microsoft, face à une nouvelle offensive des opérateurs télécoms contre la neutralité d'Internet. «En fin d'année, à Dubai, se tiendront des discussions sur la réglementations internationales des télécoms lors de la prochaine conférence de l'Union internationale des télécommunications (UIT), qui fait partie de la galaxie onusienne», a déclaré Benoit Tabaka, directeur des relations institutionnelles de Google, et secrétaire général de l'ASIC.

Filtrage et cybercriminalité

Dans cette entité, chaque voix des 193 pays représenté compte, celle du Kazakhstan autant que celle de la Chine ou de la France. De manière récurrente, certains tentent d'étendre le champs de compétence de l'UIT, qui se limite à la fixation de règles techniques des réseaux de télécommunications (notamment d'interconnexion). Ainsi, une palanquée d'amendements ont déjà été déposés par des pays comme la Chine ou la Russie, qui caressent le rêve de faire «fixer des règles sur la cyber-criminalité, avec comme sous-jacent la possibilité de mettre en place du filtrage», a indiqué Benoît Tabaka.

Heureusement, ces démarches ne vont jamais au bout. «Cela fait des années que l'on entend parler de menaces sur l'UIT, on se rend compte qu'il y a une grande part de fantasmes», a modéré Mathieu Weill, directeur général de l'Association française des noms de domaines (AFNIC), et membre de l'ASIC.

Les opérateurs télécoms veulent de l'argent

Plus que d'hypothétiques menaces sur du filtrage, l'ASIC veut plutôt combattre la dernière offensive des opérateurs télécoms (en l'occurrence Deutsche Telekom et Orange...), qui ont fait leur proposition via l'ETNO, leur lobbying international. L'ETNO souhaite ainsi graver dans le marbre l'idée que les éditeurs de services doivent payer pour les infrastructures.

«Les opérateurs de réseaux doivent garantir la capacité à fournir des services de télécommunications suffisants. Pour arriver à cet objectif [...], ils doivent négocier des accords commerciaux de façon à trouver un système pérenne de juste compensation pour les services de télécommunication. [...] ETNO ne demande pas plus de régulation mais veut établir une référence pour des négociations commerciales», dans la mesure où «les besoins en investissements sont causés par la rapide hausse du trafic», indique la proposition.

Autrement dit, les opérateurs télécoms rêvent qu'une réglementation leur permette (enfin) de faire participer YouTube, Dailymotion et autre Skype au financement du réseau. L'idée n'est pas nouvelle. C'est même le leitmotiv des opérateurs qui depuis longtemps dénoncent un partage de la valeur injuste avec les géants américains du Net. Dans un contre-argumentaire toute aussi connu, un consultant mandaté par l'Asic a ainsi rappelé mardi que le coût unitaire du trafic sur le réseau baissait mensuellement, et que globalement les coûts pour les opérateurs stagnaient.

Mais les éditeurs de services ne veulent surtout pas prendre le risque de voir apparaître un précédent réglementaire, qui les défavoriserait, avec le risque d'une récupération par les opérateurs au niveau national. «La France n'a toujours pas émis de position formelle à l'IUT», s'inquiète Benoit Tabaka. «Le lobby européen des opérateurs cherche à piper le débat. La terminaison d'appel data serait également concernée», a lancé de son côté Félix Tréguer de la Quadrature du Net.

La ministre appelée à rouvrir le dossier de la Neutralité du Net

Tous souhaiteraient donc que Fleur Pellerin rouvre le débat de la neutralité du Net, actuellement dans les limbes. «Nous avons appelé le gouvernement à ouvrir une consultation publique sur le sujet», a indiqué Benoit Tabaka. «Le rôle de l'Etat est de mettre de la transparence sans prendre position dans les batailles commerciales entre SFR et Skype ou Google et Orange. Qu'ils s'écharpent entre eux sans que le grand public en fasse les frais», a indiqué Mathieu Weill. Après avoir voulu légiférer en soutenant les propositions des députés Laure de la Raudière et Corinne Erhel sur le sujet, la ministre des PME et du numérique a visiblement refermé le dossier.

 

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Commentaires 3
à écrit le 03/10/2012 à 10:13
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Les opérateurs français sont les propres victimes de leurs offres d'accès internet triple play banalisées à 30? avec de "l'illimité partout". Comme on ne peut pas encore "légalement" filtrer les flux, les gros éditeurs de services profitent de la ban...

le 03/10/2012 à 18:51
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Un opérateur de service investi dans son infrastructure afin de pouvoir répondre à la demande de consommation du-dit service (Youtube, Netflix, Skype et autres). Ces services ne sont pas gratuits. Pour arriver jusqu'au consommateur, ils empruntent le...

le 04/10/2012 à 17:46
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L'état et les collectivités locales paient en France bien plus que les opérateurs pour les infrastructures.

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