Le crowdfunding pour mettre à l'abri (numérique) "Les parapluies de Cherbourg"

La comédie musicale de Jacques Demy, Palme d'or au festival de cannes en 1964, fera renaître les mélodies de Michel Legrand en version numérique, notamment grâce à la participation de mécènes-internautes réunis sur le site de financement participatif Kisskissbankbank. Une première en France qui braque le projecteur sur les enjeux du financement public de la numérisation des oeuvres numériques.
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"Les Parapluies de Cherbourg, le premier film français en couleur, entièrement chanté", clamait en 1964 la bande annonce de la célèbre comédie musicale de Jacques Demy. Cinquante ans plus tard, l'oeuvre est aussi la première en France à faire appel au financement participatif pour sa numérisation. Car, si l'appel aux portefeuilles des spectateurs via une plateforme web pour financer un projet de réalisation était bien connu, l'idée d'en passer par le mécénat 2.0 pour lui refaire une beauté est bien neuve.

Tout Varda et Demy en version numérique

"Dans le cadre de l'exposition Jacques Demy à la cinémathèque, nous nous sommes lancés comme défis de numériser tous ses films ainsi que ceux d'Agnès Varda (...) Mais à plus de 100.000 euros par film, la société Ciné-Tamaris fondée par ma mère dans les années 1950, ne pouvait pas tout financer", raconte Rosalie Varda-Demy, la fille du couple de réalisateurs. L'an dernier, une oeuvre d'Agnès Varda, Cléo de 5 à 7 était l'un des premiers à entrer dans le programme de numérisation et de restauration des films du patrimoine du Centre national de la cinématographie. Les Parapluies de Cherbourg, Palme d'or en 1964, eux, connaissent un renaissance bien plus originale.

115.000 euros la cure de jouvence

Le film est en effet sélectionné pour être diffusé lors de la prochaine quinzaine du festival. A cette fin, il faut convertir son support, une bobine 35 mm, en un fichier numérique DCP, ce qui lui permet au passage de retrouver ses couleurs d'origine et d'éliminer les tâches apparues avec le temps. Une cure de jouvence qui coûte 115.000 euros. Plusieurs partenaires soutiennent le projet, à commencer par le Festival de Cannes. Participent également, la ville de Cherbourg, qui profite d'une publicité gratuite depuis cinquante ans grâce à la comédie musicale et LVMH - "très intéressé par le fait de valoriser le savoir-faire français", selon Rosalie Varda-Demy. Après ce premier "tour de table", il restait "un peu plus de 25.000 euros à trouver".

47.000 euros récoltés auprès des internautes

Il vient alors l'idée de faire appel à la plateforme Kisskissbankbank pour trouver le reste. Comme pour le projet de production d'adaptation de Veronica Mars, outre-Atlantique, le principe de ce mécénat collaboratif consiste à proposer aux internautes de financer un projet en échange de souvenir et de cadeaux dont l'importance varie en fonction du don. Il n'y a donc aucun retour sur investissement à attendre. Et visiblement, l'aura des Parapluies de Cherbourg reste forte chez les cinéphiles. En effet, l'opération se termine le 15 avril, mais, déjà, près du double du montant espéré, soit environ 47.000 euros, a été récolté auprès de près de 850 fans de Jacques Demy, Catherine Deneuve ou du musicien Michel Legrand. "Le film, tout le monde se l'approprie", commente à cet égard Rosalie Varda-Demy. Le surplus servira à financer une ressortie en salle de l'?uvre.

"Chaque film a une économie"

Pourquoi ne pas avoir demandé aux acteurs traditionnels de financer la totalité du projet ? "Chaque film à une économie", affirme l'héritière des cinéastes, "en France, nous avons la chance d'avoir un cinéma aidé par l'Etat, mais celui-ci ne peut pas tout financer. Il appartient aussi aux ayants droit de participer". De fait, si l'Etat a décidé en 2011 de débourser 10 millions d'euros pour la numérisation de quelques 10.000 films antérieurs aux années 2000, ce financement public serait aujourdhui en danger. A la fin de l'année dernière, Eric Garandeau, le président du CNC, s'inquiétait d'une éventuelle ponction de 150 millions d'euros sur les fonds de son organisme, ce qui aurait pour conséquence de couper dans les budgets justement alloués à la numérisation. Une crainte partagée au Sénat.

Plus cher en version numérique

Quant aux entreprises privées, Rosalie Varda-Demy estime qu'eux non plus n'avaient pas à financer là totalité du projet car à ses yeux "chacun doit y mettre un peu du sien", ce qui permet de répartir l'argent sur d'autres projets éventuels. Sachant que la conservation des films numérisés coûte beaucoup plus cher que celle des bonnes vieilles bobines - notamment parce que les supports sont moins pérennes - la solution du financement participatif est peut-être celle de l'avenir. Après les Parapluies de Cherbourg, les héritiers de Jacques Demy envisagent même d'y recourir à nouveau.

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Commentaires 2
à écrit le 15/04/2013 à 10:46
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Le crowdfunding trouve décidément des applications dans tous les secteurs, de la culture à l'industrie en passant par la création et l'innovation. Il faut sans doute y voir une prolongation d'un nouveau modèle de marketing de co-création de valeur e...

à écrit le 13/04/2013 à 12:31
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Mouais on nous bassine avec ces films ou ces artistes qui se financent "grâce" à mymajor kisskiss et autres alors qu'ils ont déjà pléthore de financements derrière et des poches bien remplies dans leur contacts qui viennent alimenter leur campagne. l...

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