Après PayPal et Paylib, Amazon investit le business prometteur du paiement en ligne

A l'occasion du forum américain "Money 2020", Amazon a annoncé le 8 octobre le lancement de "Login and Pay", un moyen de paiement sur Internet grâce auquel ses membres pourront acheter sur des sites tiers sans communiquer leurs coordonnées bancaires. Un deal à double tranchant pour les e-commerçants: du trafic supplémentaire contre la connaissance de leurs clients.
Les e-commerçants qui accepteront ce nouveau moyen de paiement seront prélevés de 0,30 dollar + 2,9% de la transaction à chaque commande.

Non content d'être le site de e-commerce le plus consulté en France, avec 14.449.000 visiteurs uniques par mois en moyenne, loin devant eBay (4e), le géant américain Amazon lance sa propre solution de paiement sur un site tiers et vient concurrencer directement PayPal, filiale d'eBay.

Les détenteurs d'un compte Amazon - ils sont 215 millions à travers le monde à ce jour - vont pouvoir passer leurs achats par le biais de ce compte, sans avoir à communiquer leurs données bancaires (numéro de carte, date d'expiration, cryptogramme) au site tiers sur lequel ils commandent.

Service gratuit pour les consommateurs

Le système, baptisé « Login and Pay with Amazon» (authentification et paiement par Amazon) sera proposé à l'Internaute à la fin de sa commande, aux côtés des traditionnels paiements par carte bancaire ou autres portefeuilles en ligne. Le service sera gratuit pour les consommateurs et disponible aussi bien sur ordinateur que sur terminal mobile (tablettes et smartphones).

Côté e-commerçants, ceux qui se laisseront convaincre seront prélevés à chaque achat réglé par ce biais : ils verseront à Amazon l'équivalent de 0,3 dollar plus 2,9% du montant de la transaction. Un tarif relativement élevé, mais exactement identique à celui de PayPal.

Fluidifier l'acte d'achat pour engranger plus de recettes

« Ce nouveau service va changer la donne » estime Jean-Philippe Wozniak, directeur associé du cabinet de conseil en e-commerce CoJT. « Il va faciliter l'acte d'achat pour les consommateurs », assure-t-il. Ceci permettra alors aux e-commerçants d'améliorer leur taux de transformation, c'est-à-dire la part des visiteurs de leur site qui décident d'acheter, grâce aux achats impulsifs, typique d'Internet.

« Cela va obliger les banques à améliorer leurs moyens de paiement pour les rendre plus transparents », précise-t-il, faisant référence au re-routage sur une page n'ayant pas d'URL lors du paiement par carte bancaire avec la garantie 3D Secure.

« Login and Pay s'insère tout à fait dans la stratégie de diversification mise en place par Amazon, elle va leur permettre d'augmenter encore leur puissance », complète François Ziserman, fondateur de la société qui commercialise le moteur de personnalisation pour site e-commerce Target2Sell.

Une solide expertise technique

Amazon dispose d'une expertise technique solide et va proposer aux e-commerçants une solution clé en main couvrant le paiement mais aussi toute la gestion qui s'y rattache (système anti-fraudes, gestion des remboursements…).

Une aubaine pour les petites entreprises qui souhaitent se lancer dans l'océan inconnu du e-commerce. Amazon, historiquement commerçant en ligne, profite de son expertise pour se diversifier et proposer des services en B to B de gestion de la relation client.

Le Big Data en embuscade

Justement, attention : « Ce nouveau service risque d'être à double tranchant », prévient Jean-Philippe Wozniak. « Le bémol, c'est qu'il y a un risque de problèmes de confidentialité », complète Frédéric Durand, fondateur Diabolocom, créateur et opérateur de solutions de gestion des interactions client.

Car ce qui incite Amazon à proposer son propre portefeuille électronique, c'est la possibilité de collecter des données sur le comportement d'achat de ses clients, dans le but de leur proposer ensuite des services et produits adaptés à leurs profils et intentions d'achat supposées… et de générer ainsi encore plus de recettes.

« Amazon va savoir quels sont les produits, les marchés, les secteurs qui marchent bien chez d'autres e-commerçants », précise Frédéric Durand. L'américain avance donc encore un peu plus dans la logique du Big Data, enjeu actuel crucial, dans le domaine du marketing notamment.

>> "Big Data" is big business. Vraiment !

C'est ce qui fait dire au directeur associé de CoJT que « le service d'Amazon sera probablement jugé cohérent par le tout venant des e-commerçants car il leur garantit une augmentation du trafic. En revanche, les grosses plateformes risquent fort d'être réticentes à l'idée de confier leurs données clients à un tiers ».

D'autant que les données récoltées par Amazon sont stockées sur des serveurs américains, donc lointains et incontrôlables par les e-commerçants européens. Un point sensible à l'heure où la sécurité des données est remise en cause suite au dévoilement du programme Prism des services secrets américains.

10 à 15% de ventes supplémentaires

A chaque e-commerçant donc de lire en détails les conditions d'utilisation du service et d'évaluer son intérêt si Amazon se réserve le droit d'utiliser les données collectées sur leurs propres clients. Il est probable que les sites n'ayant pas les moyens d'exploiter à grande échelle ces données soient séduits par les 10 à 15% de ventes en plus que fait miroiter le fait d'ouvrir le paiement via un portefeuille électronique.

En revanche, plus de réticences pourraient se faire sentir du côté des sites bénéficiant déjà de larges audiences, tels voyage-sncf.com ou Booking.com qui risquent fort de refuser de confier la clé de leur business à un concurrent !

Amazon avait d'ailleurs déjà essuyé un relatif échec avec la solution de paiement « Checkout by Amazon », lancé en Allemagne et au Royaume-Uni en mars 2011, car les e-commerçants refusaient déjà de partager leurs données clients.

Les solutions de paiement en ligne, un business qui sucite beaucoup d'intérêt

L'initiative d'Amazon de cet automne s'inscrit en tous cas dans une tendance générale : le paiement en ligne suscite actuellement un fort intérêt. C'est même l'un des enjeux principaux dans le secteur du commerce en ligne.

A côté de la carte bancaire, utilisée par environ 80% des e-acheteurs selon les données 2013 de la fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), les solutions de portefeuilles électroniques ambitionnent de grappiller des parts de marché.

Si bien que des acteurs comme Facebook s'y intéressent. Le leader des réseaux sociaux a commencé à tester en août un système permettant à ses membres de payer des achats depuis leur appareil mobile en utilisant leurs données de connexion à son réseau.

Apple, leader incontestable

eBay se renforce en achetant la plateforme de paiement Braintree, le mois dernier. Google avec son portefeuille électronique Google Wallet et Bouygues avec le service Buyster sont également déjà présents sur le secteur du paiement via téléphone portable.

Mais pour l'instant, le leader incontestable, c'est Apple. Avec iTunes, l'entreprise fondée par Steeve Jobs a déjà constitué une base de 575 millions de comptes utilisateurs. Une mine précieuse !

Les banques aussi investissent - enfin - le domaine : la Société Générale, BNP Paribas et la Banque Postale ont lancé  ensemble leur propre solution de paiement en ligne le mois dernier : Paylib. « Cela leur permet de garder un contact direct avec le client final et elles pourront proposer ce service en plus dans leurs packs », souligne Frédéric Durand.

Le e-commerce croît de 15% par an

Il n'est pas étonnant que ces différents acteurs espèrent se tailler la part du lion, quand on sait que d'après une étude Xerfi-Precepta dévoilée en avril 2012, le secteur du e-commerce ne cesse de croître (+15% par an) et qu'il représentera au moins 66,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 5,4% de la consommation des ménages en 2015, rien qu'en France !

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