Comment le Free Mobile américain tente de bousculer le marché

Si l’on est loin de la guerre des prix en cours en France, l’opérateur T-mobile gagne des clients en misant sur les forfaits sans engagement et les coups de com’, critiquant vertement le manque de transparence de ses concurrents, en particulier AT&T.
Delphine Cuny
John Legere, le patron de T-Mobile, critique les "pièges" des contrats avec engagement de ses concurrents.

Imaginez Xavier Niel s'invitant à une soirée organisée par Orange, ou SFR, et se faisant expulser par le service de sécurité. C'est un peu ce qu'il vient de se passer à Las Vegas, en marge du CES, le grand salon de l'électronique grand public : John Legere, le patron du quatrième opérateur mobile américain T-Mobile USA, s'est « incrusté » à la soirée donnée par AT&T dans un grand hôtel de la ville en clôture de sa conférence pour les développeurs, arborant blouson de cuir et t-shirt rose fluo estampillé du « T », logo de l'opérateur, avant de se faire gentiment raccompagner vers la sortie.

L'énième coup d'éclat de ce patron anticonformiste, « flamboyant » comme le décrivent les médias américains qui se régalent de ses interventions décoiffantes, n'arrive pas par hasard, quelques jours après une offensive commerciale frontale d'AT&T : depuis le 3 janvier, le numéro deux américain du mobile, juste derrière Verizon, propose jusqu'à 450 dollars aux clients de T-Mobile pour quitter leur opérateur ! Aux Etats-Unis aussi, tous les coups sont permis, même si l'on est très loin de la guerre des prix qui ne faiblit pas en France depuis l'arrivée de Free Mobile...

Racket, pièges et coûts cachés

Interpellant le patron d'AT&T, Randall Stephenson, John Legere a ironisé sur son compte Twitter : « Des problèmes de mémoire, Randall ? En septembre vous disiez que T-Mobile n'avait pas d'impact sur votre activité. C'est pour ça que vous soudoyez les clients ! » A la différence de Xavier Niel, John Legere, qui aime se comparer à Batman à défaut de Robin des bois, n'est ni le fondateur de l'opérateur, ni son principal actionnaire (et donc multimilliardaire), mais un simple salarié de la filiale de Deutsche Telekom.

Ce qui ne le prive nullement d'une grande liberté de ton. Il partage avec le dirigeant de Free un certain goût de la provocation et un discours « anti-opérateurs » (en place) : c'est même le slogan (« uncarrier ») et la stratégie de T-Mobile. « Ne respectez pas les règles », « libérez-vous » exhorte le site de T-Mobile qui critique le manque de transparence, les « pièges » des engagements de 2 ans, les coûts cachés de la concurrence et parle même du « racket des frais d'itinérance internationale. » Comme un air de déjà-vu pour les consommateurs français.

Stratégie commerciale et marketing payante

Fin 2012, T-Mobile a décidé d'arrêter de subventionner l'achat des téléphones et de changer radicalement la structure tarifaire de son offre, en se concentrant sur le sans-engagement et en proposant de l'illimité à des prix très compétitifs (20% à 30% moins cher que la concurrence) et en communicant abondamment sur le sujet.

Toutefois, les tarifs restent très élevés par rapport à l'Europe et la France en particulier : 50 dollars hors taxe pour le forfait le moins cher avec seulement 50 Mo d'Internet mobile. Cette stratégie commerciale et marketing s'est révélée payante : T-Mobile a réussi en même temps à baisser ses coûts et à reconquérir des abonnés, plus d'un million par trimestre depuis six mois, également grâce à l'iPhone qu'il propose enfin, mais il demeure déficitaire.

Avec ses 45 millions de clients, il reste aussi loin derrière Verizon Wireless et AT&T (119 et 109 millions respectivement) et même Sprint (54 millions). Cependant, la réaction commerciale ciblée d'AT&T prouve que la dynamique retrouvée de son concurrent l'inquiète : en France aussi, Orange, SFR et Bouygues proposent une prime de bienvenue aux clients venant d'un rival, quel qu'il soit, plutôt de l'ordre de 50 à 100 euros. « C'est un geste désespéré de la part d'AT&T après ce qui a dû être un quatrième trimestre exécrable » a commenté John Legere dans une réaction très officielle sur le site de T-Mobile.

Manque de taille critique et de fréquences

AT&T, dont le projet de rachat à 39 milliards de dollars de T-Mobile avait été bloqué par les autorités en 2011, est la bête noire du quatrième opérateur, qui se montre beaucoup plus clément avec Sprint, le numéro trois du marché : le nouvel actionnaire de ce dernier, le japonais SoftBank, envisagerait sérieusement une OPA sur T-Mobile selon le « Wall Street Journal. » Cela réglerait son problème de taille critique et son manque de fréquences.

En attendant, la filiale à 67% de Deutsche Telekom, désormais cotée en Bourse depuis sa fusion avec l'acteur régional MetroPCS, n'a pas dit son dernier mot : l'opérateur a promis de continuer à bousculer ce marché peu fluide, où le verrouillage des téléphones mobiles reste légal même après l'échéance du contrat. Il doit annoncer « la suppression d'autres points de frustration des clients » ce mercredi lors d'une conférence au CES. La rumeur circule qu'il va proposer de régler les frais de résiliation des clients engagés ailleurs.

Delphine Cuny

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