Télécoms en Europe : la concentration va s’accélérer dans le mobile et le câble

Le chiffre d’affaires des opérateurs devrait baisser de 1,6% par an d’ici à 2016 ce qui conduira à plus de rapprochements, selon une étude d’Arthur D. Little et Exane. Les câblo-opérateurs vont accentuer la pression sur les historiques, les challengers seront pris "entre le marteau et l'enclume."
Delphine Cuny
Pour les opérateurs alternatifs, le choix d'investir dans la fibre ne sera financièrement viable qu'avec une part de marché significative, supérieure à 20%, selon l’étude d’Arthur D. Little et Exane.
Pour les opérateurs alternatifs, le choix d'investir dans la fibre ne sera financièrement viable qu'avec une part de marché significative, supérieure à 20%, selon l’étude d’Arthur D. Little et Exane. (Crédits : DR)

Si les opérateurs se lamentent de la baisse des prix et des difficultés à rentabiliser leurs réseaux 4G, « 2014 sera une année record en matière d'investissement dans les télécoms » prédisent le cabinet Arthur D. Little et le courtier Exane BNP Paribas dans leur étude annuelle sur le secteur en Europe. « La poursuite d'un effort soutenu d'investissement dans les réseaux […] n'est pas compatible avec une dégradation soutenue des revenus des opérateurs » a pourtant mis en garde la Fédération française des télécoms (FFT), qui réunit les principaux opérateurs, à l'exception notable de Free et Numericable, cet après-midi dans un communiqué en réaction à à la publication d'une étude de l'UFC Que choisir se réjouissant des prix très bas du marché français.

Or, bien que le chiffre d'affaires des opérateurs européens doivent continuer de baisser, de l'ordre de 1,6% par an d'ici à 2016 dont -3% dans le mobile selon les experts d'Arthur D. Little et d'Exane, leurs efforts d'investissement ne devraient pas faiblir. Au contraire, selon les 118 entretiens de dirigeants du secteur réalisés dans le cadre de l'étude. 

Concurrence des « câblos » pour les historiques

« Le secteur est entré dans un nouveau cycle d'investissement », considèrent Antoine Pradayrol et Bertrand Grau, les auteurs de l'étude. Les entreprises du secteur comptent accélérer leurs dépenses, tout d'abord du fait des évolutions technologiques : la migration vers la 4G dans le mobile et vers la fibre dans le fixe. Les investissements devraient ainsi augmenter de 10% cette année et atteindre 16% du chiffre d'affaires, contre 12% à 13% traditionnellement. La concurrence accrue des câblo-opérateurs, « qui vont accroître leur avance », va aussi mettre la pression sur les opérateurs historiques, lesquels seront « forcés de dépenser 20 milliards d'euros en plus de ce qu'ils ont déjà prévu d'investir dans le fixe, soit une hausse de 20% au cours des dix années à venir » selon les experts d'Exane et d'Arthur D. Little. 

 

« Les réseaux câblés permettent des débits beaucoup plus rapides que les réseaux fixes et ce n'est pas fini : dans quelques années, la technologie Docsis 3.1 pourra offrir des vitesses de téléchargement de 1 Gigabit par seconde. Même si les consommateurs n'ont pas besoin d'une telle vitesse tout de suite, cette capacité du câble à offrir plus pour moins cher va rester une arme concurrentielle. »

 

De quoi faire bondir les concurrents et relancer la guerre de communication sur les débits : en octobre dernier, Free avait commencé à communiquer sur un débit jusqu'à 1 Gigabit/s en fibre optique, suivi par SFR et Orange. Dans cette bataille des historiques contre les "câblos", Orange a prévenu qu'il n'allait pas laisser Numericable « continuer à bénéficier de régimes dérogatoires, d'avantages fiscaux et de subventions alors qu'il n'est pas si moribond » vu les montants mis sur la table (17 milliards d'euros dont 13,5 milliards en cash) pour s'offrir SFR, et comptait le signifier à l'Autorité de la Concurrence.

 

Encore plus de consolidation

Comparant deux technologies déployées avec 40 à 50 ans d'écart, les experts d'Arthur D. Little et d'Exane observent que le câble couvre 50% des foyers en Europe contre seulement 9% pour la fibre… Or le déploiement de la fibre coûte cher. Du coup, « les opérateurs alternatifs fixes, qui, à la différence des câblos ne possèdent pas leur propre boucle locale, sont pris entre le marteau et l'enclume ce qui devrait également amener à plus de consolidation » prédit l'étude. Dans les pays, où les opérateurs déploient de la fibre optique jusqu'au domicile (FTTH), comme la France (avec l'Espagne et le Portugal), les alternatifs, à savoir Free et Bouygues Telecom, puisque SFR est sur le point de se marier à Numericable, « ont l'option de co-investir […] mais le choix d'investir dans la fibre ne sera financièrement viable qu'avec une part de marché significative, supérieure à 20%, et si le déploiement est réalisé à faible coût, maximum 300 à 350 euros par ligne. »

Le problème se posera de façon particulièrement aiguë pour Bouygues Telecom qui ne compte que 2 millions d'abonnés dans le haut et très haut débit fixe, soit cinq fois moins qu'Orange et presque trois fois moins que Free. De quoi relancer les rumeurs de rapprochement entre Bouygues, candidat éconduit au rachat de SFR, et Free. 

Partage de réseaux mobiles moins risqué ?

A moins que d'autres scénarios se dessinent. En effet, du côté du mobile aussi, la hausse des investissements des opérateurs leaders « va compliquer l'équation financière des challengers » et plaide en faveur de la consolidation de ces acteurs qui n'ont pas les mêmes ressources ni la taille critique. « Les pays où la consolidation mobile sera probablement tentée sont la France et l'Italie », relève l'étude, qui note aussi que ce sont les marchés, avec l'Espagne, la Belgique et le Royaume-Uni, où « la pression financière est la plus forte sur les challengers mobiles. » Cependant, les experts croient d'une manière générale plutôt en d'autres options qu'une fusion, comme le partage de réseau, soulignant que « plus de 50% des synergies de coûts d'une fusion dans le mobile ont trait à l'intégration des réseaux et peuvent être atteintes par un accord moins risqué de network sharing. »

Ce sera certainement l'un des sujets de l'année en France : l'accord de mutualisation de Bouygues Telecom et SFR sera-t-il remis en cause, alors qu'Orange vient de l'attaquer devant l'Autorité de la Concurrence ? Bouygues se tournera-t-il vers Orange ou bien Free pour mutualiser son réseau ou aller au-delà ? Les réponses à ces questions seront déterminantes pour l'avenir du paysage des télécoms en France, et partant l'investissement dans le très haut débit fixe et mobile…

Delphine Cuny

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Commentaires 4
à écrit le 06/05/2014 à 15:40
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Attention les approximations techniques dans l'article sur le cable et le DOCSIS (EuroDOCSIS) Le DOCSIS 3 permet d'ores et déjà un débit de 1,2 Gbps/216 Mbps. Numéricable a annoncé le lancement prochain (avant la fin de l'année) du débit de 1 Gbps....

à écrit le 05/05/2014 à 22:23
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Il faut se préparer à une séparation des infrastructures fixes comprenant non seulement le câble mais aussi les capacités radio, du service réseau qui lui sera purement logiciel et global. Le marché sera alors mondial avec des opérateurs comme Google...

à écrit le 05/05/2014 à 21:02
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Fédération Française des Télécoms, qui rassemble les principaux opérateurs,... à l'exception de Free et de Numéricâble !! Qui reste-t-il, à part Orange ???

le 06/05/2014 à 0:20
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Bouygues?

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