Pourquoi Publicis divorce d'Omnicom

Neuf mois après l’annonce de sa méga-fusion avec le numéro deux mondial de la pub, le groupe français rejette la responsabilité de l’échec sur son ex-fiancé qui n’aurait pas respecté la promesse d’une équipe dirigeante équilibrée.
Delphine Cuny
Maurice Lévy, le président du directoire de Publicis, se dit profondément déçu mais refuse de parler d'échec.

Après plusieurs semaines de rumeurs d'eau dans le gaz et de déclarations contradictoires des deux fiancés, le français Publicis et l'américain Omnicom ont donc décidé d'annuler leur mariage à 35 milliards de dollars. Une rupture par consentement mutuel qui évite de payer les 500 millions de dollars d'indemnités prévues en cas de dénonciation unilatérale. Pourtant, Publicis laisse entendre qu'il y aurait divorce, ou du moins rupture de fiançailles pour faute : lors d'une conférence téléphonique avec les analystes ce vendredi matin, Maurice Lévy a rejeté à plusieurs reprises sur Omnicom la responsabilité de cet échec du rapprochement entre les numéros deux et trois mondiaux de la pub.

 

« Une fusion entre égaux peut marcher si l'égalité est respectée. Ce n'est pas possible si le directeur général, le directeur financier et le directeur juridique viennent de la même entreprise » a déclaré Maurice Lévy. « Nous nous étions mis d'accord sur le principe d'une équipe dirigeante équilibrée. Je n'ai pas réussi à convaincre John [Wren le patron d'Omnicom] qu'équilibre veut dire équilibre. Il nous fallait au moins le directeur financier. »

 

« Pas une question d'ego »

Derrière les questions fiscales évoquées ces dernières semaines se posait surtout un problème de gouvernance, d'équilibre des pouvoirs. Le groupe français poussait la candidature de son directeur financier, Jean-Michel Etienne, et le groupe new-yorkais celle du sien, Randall Weisenburger. « Ce n'était pas seulement la question de nommer notre directeur financier, la culture est différente. Nous avons une marge plus élevée, il y a peut-être une raison à cela » a fait valoir Maurice Lévy. « Si j'avais l'impression que j'avais fait quelque chose de mal, je partirai. Mais je n'ai pas l'impression que, du côté de Publicis, nous ayons quoi que ce soit à nous reprocher. » S'il s'est déclaré « profondément déçu », après avoir passé « des nuits interminables, des weekends » depuis neuf mois à travailler sur la fusion, il a exclu avoir sous-estimé les difficultés d'une telle fusion transnationale et refusé de parler d'échec, concédant du bout des lèves que l'on ne « peut pas dire que ce soit un succès » dans un entretien au Monde.

 

« J'ai 72 ans, ce n'est pas une question d'ego. Je sais que je dois partir » a-t-il répondu aux nombreuses questions sur sa succession pendant la conférence téléphonique.

 

Co-directeur général du nouvel ensemble avec John Wren, Maurice Lévy devait devenir non-exécutif au bout de 30 mois. A la tête de Publicis depuis 1987, il entend aller au bout de son « mandat qui se termine le 28 décembre 2015 » a-t-il déclaré. La question de son successeur sera à nouveau examinée par le conseil de surveillance « au plus tard en septembre » a-t-il indiqué.

 

« Oui, la taille est importante »

Maurice Lévy ne pourra finalement pas réaliser son rêve ultime de dépasser enfin son meilleur ennemi, Martin Sorrell, et son groupe WPP, pour propulser Publicis au rang de numéro un mondial. Yannick Bolloré, le patron d'Havas, qui assure que la plus petite taille de son groupe est un atout, doit rire sous cape aujourd'hui. Après avoir plaidé que « l'effet de taille est devenu crucial », notamment face aux géants du web, pour justifier ce mariage, le patron de Publicis martèle désormais que cette union n'était « pas une nécessité », mais une opportunité.

Il est, cependant, obligé de convenir que « oui, la taille est importante, dans le monde des « big data. » La question de la taille n'est pas un problème pour aujourd'hui mais pour demain. Avec Omnicom, on faisait d'une pierre deux coups, et même plus ! Nous ne ferons pas de grande acquisition, plutôt des achats ciblés là où nous avons besoin de grandir » a indiqué sans vouloir préciser Maurice Lévy. Des acquisitions vraisemblablement dans le numérique en général, le traitement des données masives (Bigdata) et leur analyse en particulier, ainsi que dans certains pays émergents. Publicis devrait en dire plus en juillet lors de la présentation de ses résultats semestriels. L'action Publicis fait du yo-yo ce vendredi mais est globalement stable à la mi-journée. 

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 10/05/2014 à 6:59
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Maurice Lévy aime trop ses sous pour que le deal puisse marcher !

à écrit le 09/05/2014 à 19:05
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Ca serait pas plutot à cause de la participation d'Elisabeth Badinter qui se retrouvait à payer de l'ISF sur 1.3 milliards d'euros dans la nouvelle structure? L'ISF c'est bon pour vous ou moi, mais pas pour nos maitres...

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