Impression 3D : Sculpteo fait le deuil de la révolution grand public

La startup d’Eric Carreel, le cofondateur de Withings, se repositionne en direction des professionnels et va ouvrir une nouvelle usine près de Paris pour augmenter ses capacités de production d’objets imprimés en 3D. Elle travaille aussi en partenariat avec la Poste qui va installer d’autres imprimantes dans ses bureaux.
Delphine Cuny
Eric Carreel le président fondateur de Sculpteo demeure « certain que cette technologie de l'impression 3D va participer à une révolution … elle va changer la vie des industriels. »

Barack Obama a prédit que la révolution de l'impression 3D permettrait de faire revenir des emplois aux Etats-Unis. A une moindre échelle, la startup Sculpteo s'apprête à ouvrir une usine à deux pas de la capitale. Eric Careel, le cofondateur de ce service d'impression 3D en ligne, également cofondateur de la société d'objets connectés Withings (balance, tensiomètre, etc), explique : « nos capacités de production sont insuffisantes, nous sommes obligés de recourir à des prestataires, ce qui n'est pas un modèle pérenne. Nous investissons dans une nouvelle usine, à Villejuif, afin de servir plus rapidement nos clients. Les délais sont un élément crucial dans l'impression 3D et dictent les prix. » Une usine sans ouvrier, mais des ingénieurs autour d'une machine à 150.000 euros environ. Sculpteo se présente comme « un pure player du service de l'impression 3D », un moteur logiciel offrant tous les outils de conception de fichiers 3D, et possède déjà quatre machines dont trois imprimantes utilisant le frittage laser, de l'allemand Eos, dans son atelier d'Arreau dans les Pyrénées. 

Un marché grand public moins important que prévu

La startup implantée à Issy-les-Moulineaux a aussi « l'ambition d'ouvrir une usine aux Etats-Unis, le marché le plus développé » où l'entreprise a d'ores et déjà un bureau, à San Francisco, et livre 25% des pièces qu'elle produit. Fondée en 2009, Sculpteo indique avoir enregistré une croissance de 200% l'an passé (sans dévoiler son chiffre d'affaires), un niveau très supérieur à celle du marché, estimée à 30% (2,9 milliards de dollars). Pourtant, le marché n'a pas pris l'orientation envisagée par la jeune entreprise, qui proposait d'imprimer des figurines à son effigie, des coques de smartphone personnalisées, etc, depuis une application sur son smartphone en quelques clics, « comme une usine 3D dans sa poche. » Une innovation récompensée à l'époque au salon CES de Las Vegas en 2012.

« Nous pensions que, compte tenu de la facilité d'utilisation, le marché grand public décollerait très vite, que nous passerions d'un monde de consommateurs à un monde de co-créateurs. Les gens sont séduits par la personnalisation mais ils se découragent vite car les résultats ne sont pas très bons si l'on n'est pas professionnel. Le marché n'est finalement pas aussi important que nous le souhaitions » confie Eric Carreel.

 L'entrepreneur s'exprimait mercredi dans le cadre de la présentation d'une étude sur le marché de l'impression 3D par Xange Private Equity, le fonds de la Banque postale qui a investi 1 million d'euros dans Scuplteo en décembre 2012. 

La croissance passera par le BtoB

Cette étude insiste sur le potentiel de l'impression 3D dans les secteurs du jouet, du sport, de la joaillerie, des lunettes ou de la mode, au-delà de la médecine, des implants dentaires, de l'automobile et de l'aéronautique, industries qui ont déjà intégré cette technologie. L'étude évalue entre 25% et 30% par an la croissance du marché dans les années à venir, soulignant le succès rencontré dans le BtoB, où l'impression 3D répond aux besoins de production de petites et moyennes séries (quelques milliers de pièces), incompatibles avec la sous-traitance en Asie pour des questions de délais de livraison.

« Nous sommes certains que cette technologie de l'impression 3D va participer à une révolution, mais une révolution moins excitante : le grand public ne le saura pas. Mais cela va changer la vie des industriels, de ceux qui fabriquent les produits pour le grand public. Pour nous, la vraie croissance est là » affirme Eric Carreel le président de Sculpteo. 

La startup, qui emploie 25 personnes, a donc mis le cap sur le marché BtoB et travaille désormais principalement avec des professionnels (30% des pièces), tels que des bijoutiers ou des architectes, et des entreprises. L'impression 3D va permettre à l'industrie de raccourcir le cycle d'innovation, d'accélérer la mise sur le marché de nouveaux produits, de régler les problèmes de ruptures de stocks et de réaliser de réelles avancées dans les processus. Dans l'aviation, il est possible d'imprimer en 3D des pièces creuses donc moins lourdes. Pour autant, Eric Carreel constate qu'il est « difficile de transformer la culture des ingénieurs mécaniciens, qui sont habitués à créer des angles de dépouille pour démouler un objet. »

La Poste amplifie l'expérimentation 3D

Sculpteo travaille aussi pour la Poste, qui a installé des imprimantes 3D professionnelles dans trois de ses bureaux, à Paris (Bonne Nouvelle, La Boétie) et Boulogne-Billancourt, depuis novembre. Six mois après, l'entreprise de courrier indique qu'elle reçoit « 15 à 25 clients par jour » dans ces espaces dédiés, « c'est plutôt une bonne surprise » considère Fabien Monsallier, le directeur de l'innovation, de la prospective et de la transformation digitale de l'enseigne La Poste. Là aussi, contrairement aux attentes, ce sont majoritairement, à 60%, des professionnels, qui ont d'ailleurs des exigences en matière de délai et sont prêts à payer davantage pour obtenir l'objet imprimé en 48 heures plutôt. Quelques centaines d'objets ont été imprimés via la Poste mais seulement 5% des pièces ont été produites sur place, dans les trois bureaux de poste équipés, la quasi-totalité des commandes étant orientées vers Sculpteo.

Mais la Poste estime l'expérience payante, au-delà du coup de com', puisque les trois bureaux ont vu leur fréquentation augmenter de 2% et ont attiré des profils plus jeunes, qui n'étaient pas des clients naturels. Elle va installer d'autres imprimantes 3D, dans un bureau de poste de Bordeaux (Mériadeck) le 1er juillet et vise une machine par région en septembre-octobre. Pour la fête des mères, la Poste lance une opération marketing en proposant de transformer un dessin d'enfant en bijou personnalisé, imprimé en 3D, en argent, moyennant 159 euros.

 

> Consulter l'étude de Xange sur l'impression 3D (en anglais)

Delphine Cuny

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Commentaires 6
à écrit le 03/08/2015 à 18:13
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Passionnant je partage

à écrit le 03/08/2015 à 18:13
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Passionnant je partage

à écrit le 22/05/2014 à 12:57
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A quand l'impression en 3D à domicile des lunettes et des verres suivant la correction ordonnée ?

à écrit le 22/05/2014 à 9:45
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Et la résistance mécanique des objets ? avec de l'impression 3 D ? Comme les voitures hybrides ; C'est une arnaque technologique et c'est encore plus dangereux

à écrit le 22/05/2014 à 8:53
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cette technologie est encore trop chére pour les particuliers(bloc plein 10x10x10) a 1000€, et peu d'intérêt de créer un porte clé ou une tasse a 10€. créer une usine a villejuif ? pour abaisser les coûts installez vous en charente il y a pleins d'...

le 22/05/2014 à 18:12
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les clients sont à paris...... et réactivité forte..... livraison par porteurs....... pour tout ce qui est prototypage......;

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