Numérique 3.0 : une incidence économique (encore) mal évaluée

Comment mesurer les effets de la diffusion d'Internet et du numérique à l'ensemble de l'économie ? Comment évaluer les gains de productivité et d'efficience dans les entreprises ?
Philippe Mabille

« Mesurer l'impact réel de l'économie numérique nécessitera de nouveaux outils statistiques »... c'est la conclusion un rien désabusée à laquelle est parvenue l'OCDE au terme d'une enquête approfondie parue début décembre (« Measuring the Digital Economy »).

Les macro-économistes avouent leur impuissance à appréhender précisément cette révolution numérique qui échappe à toutes les catégories des statisticiens nationaux, tant les effets induits sont variés (automatisation des tâches, dématérialisation, désintermédiation...) et les incidences transversales.

Bien sûr, on sait mesurer le poids des industries productrices de TIC (technologies de l'information et de la communication). Elles représentaient en 2012 environ 6 % de la valeur ajoutée totale, 3,8 % des emplois et 12 % des investissements fixes des pays de la zone OCDE.

Et la productivité du travail mesurée dans ce secteur est largement supérieure à la moyenne, de quelque 60 %. L'OCDE note que les entreprises du secteur TIC ont globalement mieux résisté à la crise, sans jamais renouer néanmoins avec les records de l'année 2001, l'année de la bulle Internet, où elles avaient totalisé 4,1 % des actifs.

Qu'en est-il en France ?

Selon une étude de McKinsey publiée en septembre 2014, « en 2013, la valeur ajoutée générée par le numérique, calculé par la dépense, s'élevait à 113 milliards d'euros, soit 5,5 % du PIB de la France », soit plus que l'agriculture (2 %) ou les services financiers (4,8 %). Le secteur numérique fournit ainsi 880 000 emplois directs en France (3,3 % du total de l'emploi salarié) et entre 1,5 et 2 millions d'emplois en incluant les emplois indirects (soit plus de 6 %).

Mais les TIC ne représentent que la partie émergée d'une réalité bien plus complexe à appréhender. Le Syntec numérique s'y est essayé, en inventant une nouvelle classification, au sein du monde des ESN (entreprises de services numériques), nouveau nom des ex-SSII du XXIe siècle : au sein des activités traditionnelles (conseil, logiciels et services informatiques), qui pèsent 49,5 milliards d'euros en 2014, place désormais aux Smacs (Social, Mobility, Analytics, Cloud, Security). Ces Smacs traduisent les investissements dans le numérique des entreprises et représentent 13 % du marché total des ESN. C'est aussi celui qui connaît la plus forte croissance (18 % cette année comme l'an prochain), selon Guy Mamou-Mani, le président de Syntec numérique.

Alors que le marché global a stagné cette année (+0,7 %) et ne progresserait que de 1,5 % en 2015. Des efforts de mesure louables, mais qui ne rendent compte là encore que d'une fraction de la vague numérique qui touche la France.

L'économie du partage, comme le covoiturage ?

On conçoit bien que la transformation numérique de la société déforme l'ensemble de la chaîne de valeur, avec des effets positifs chez les uns et destructeurs chez les autres. Mais personne ne sait mesurer précisément ce mélange entre Schumpeter et Darwin.

Une étude de Roland Berger a ainsi évalué à 42 % les emplois qui pourraient disparaître avec la robotisation et le numérique.

Soit 3 millions d'emplois d'ici à 2025. Mais on n'a pas encore chiffré les créations de postes qui s'y substitueront (voir notre dossier sur les 100 métiers du futur pour la génération Z).

Il y a donc encore un mystère derrière la révolution numérique. C'est le retour du fameux paradoxe de Robert Solow, qui, en 1987, s'était étonné de « voir des ordinateurs dans tous les bureaux, mais pas dans les statistiques de productivité ». Or, aujourd'hui, on voit Internet partout, sauf dans les statistiques de croissance. Certains économistes, comme Robert Gordon, estiment que le monde va connaître une période de stagnation séculaire et que la révolution numérique n'a pas la même portée que l'invention de l'électricité. D'autres, au contraire, considèrent que nous ne sommes qu'à l'aube de la véritable transformation et que le numérique nécessite, pour prendre sa pleine puissance, une phase d'apprentissage et d'appropriation, dans laquelle nous sommes seulement en train d'entrer.

Philippe Mabille

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Commentaires 3
à écrit le 29/12/2014 à 16:28
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C'est curieux, Gépé n'a pas encore envoyé son commentaire sur la taxation de l'énergie ???

à écrit le 29/12/2014 à 15:55
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Dans cet article, il est tout de même timidement question des emplois qui sont détruits par le numérique et la robotique. C'est un élément qu'on mesure mal.

le 29/12/2014 à 17:22
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Ils font même le contraire en faisant la promotion des quelques emplois créé pour la gestion de l'informatique et les maintenance des machine en ignorant les milliers d'emplois détruits...

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