À Dinan, Sagemcom parie sur des robots pour rafler le marché des Linky

L’industriel français a injecté 12 millions d’euros dans une nouvelle usine largement automatisée en Bretagne pour fabriquer les compteurs électriques intelligents d’Enedis, la filiale d’EDF. But de la manœuvre : maîtriser les coûts et jouer la carte du « made in France » pour décrocher les prochains appels d’offres pour ces lucratifs boitiers.
Pierre Manière
Un des robots de l'usine de Sagemcom dédié à la fabrication des compteurs Linky.

Avec une précision chirurgicale, un bras articulé saisit des cartes électroniques, les glisse dans des machines de test, avant de les sceller dans des capots jaune fluo. Voici comment, en un rien de temps, sont fabriqués les compteurs électriques intelligents Linky d'Enedis, la filiale d'EDF, dans la nouvelle usine de Sagemcom à Dinan (Côtes-d'Armor). Dans un grand hall de production d'environ 1.500 m2, il n'y en a (presque) que pour les robots, qui enchaînent les tâches répétitives à toute vitesse, dans une bruyante chorégraphie. Une grosse vingtaine d'opérateurs, eux, veillent au grain, ou sont cantonnés aux quelques manœuvres que les machines n'ont pas encore cannibalisées.

Sagemcom

Un opérateur de Sagemcom vérifie un compteur. (Photo: DR)

Dans cette usine dernier cri, Sagemcom a déjà investi 12 millions d'euros. Grâce à ce nouvel actif opérationnel depuis février dernier, le fabricant français de box Internet, de décodeurs et autres antennes de télécommunications espère bien honorer la commande de 1,2 million de Linky remportée il y a deux ans. D'après Sagemcom, cet outil de production high-tech est particulièrement adapté à la fabrication de ces compteurs, dont les déploiements ont débuté au mois de décembre dans tout l'Hexagone.

« Linky a l'immense avantage d'être un produit avec peu de variantes, et qui offre une durée de vie commerciale de 6 à 7 ans », argumente Patrick Sevian, le PDG de Sagemcom.

De quoi lui laisser le temps, en clair, « d'amortir un tel investissement ». Au contraire, par exemple, des box Internet, lesquelles évoluent constamment, et n'offrent au mieux qu'une durée de vie commerciale de deux ans.

L'atout du « made in France »

À en croire les cadres de Sagemcom, le choix de l'automatisation s'est imposé pour deux raisons. La première est liée au « haut niveau de qualité de fabrication demandé par Enedis, étant donné que ces boitiers ont été pensés pour être opérationnels pendant 20 ans », affirme Patrice Guegan, directeur industriel et logistique du groupe. Or cette « qualité » est d'après lui davantage garantie par les robots. « Une opération humaine, c'est 3% d'erreur », insiste-t-il. La seconde raison, elle, est liée au coût de fabrication. Patrick Sevian ne le cache pas :

« Nous pensons être compétitifs avec cet outil-là parce que finalement, nous avons besoin de peu d'effectifs pour produire un grand nombre de compteurs. »

Aujourd'hui, trois équipes d'une vingtaine de personnes se relaient jours et nuits dans l'usine. D'ici à cet été, Sagemcom espère monter en puissance, et embaucher 40 collaborateurs supplémentaires.

Sagemcom

Un cadre de Sagemcom (en bleu), explique aux collaborateurs le fonctionnement des bras articulés automatisés. (Photo: DR)

Mais il existe une dernière raison - et pas des moindres : en produisant à Dinan, Sagemcom se présente comme un cador de l'emploi local. Un argument qui, en ces temps de délocalisations industrielles à tout-va, ne laisse ni EDF ni les pouvoirs publics insensibles... Un bel atout social et politique qui, d'après le fabricant français, devrait jouer en sa faveur pour décrocher les prochains appels d'offres pour les Linky. Sous ce prisme, Sagemcom fait d'ailleurs tout pour bichonner son dossier, vantant par exemple les « 250 emplois indirects » créés dans la région grâce à sa nouvelle usine. En plus, le groupe peut se vanter d'avoir conservé, formé et reconverti 32 collaborateurs locaux. Jusqu'à l'ouverture du site de Dinan, tous fabriquaient des « consommables d'impression » (des cartouches d'encre pour fax, par exemple) à Quévert, à moins de deux kilomètres de là. Mais Sagemcom a été contraint de fermer l'unité, son activité étant en plein déclin à l'heure du numérique.

Garnir le carnet de commandes

Avec ces arguments, le groupe espère bien couper l'herbe sous le pied de ses concurrents pour rafler les prochains et précieux appels d'offres. De toute façon, le groupe n'a pas le choix : il a absolument besoin de garnir son carnet de commandes pour a minima rentrer dans ses frais. Interrogé à ce sujet, Patrick Sevian répond sèchement : « Oui, on a pris le risque d'investir parce qu'on pense qu'on peut gagner », lance-t-il, bravache et sûr de lui. Une issue qui, à n'en point douter, est également très attendue par Charterhouse. Le fonds britannique vient tout juste de racheter l'industriel français au mastodonte américain Carlyle. En bon spécialiste du capital-investissement, il compte logiquement, à moyen terme, récupérer ses billes avec une belle prime.

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 02/11/2016 à 17:47
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Regardez le documentaire Arte : Nos collègues, les robots. L'industrie 4.0 arrive, c'est un autre système de société qui est à concevoir, ne plus lier travail et salaire, l'humain devra se rediriger vers des domaines essentiels pour son avenir, le...

à écrit le 01/11/2016 à 16:20
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La robotisation est inévitable, ainsi que la destruction d’emplois qui va avec, à voir les prévisions de l’OCDE. Alors autant être précurseur et sauver la technologie, au lieu de freiner l’évolution et de mener des combats d’arrière garde. D’ail...

à écrit le 01/11/2016 à 9:00
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Merci de rectifier l'intitulé en SAGEMCOM. Un lecteur attentif

à écrit le 01/11/2016 à 8:06
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C est bien .... Encore moins d emplois

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