Aux Etats-Unis, Altice se rêve en champion du câble

Fraîchement introduit à Wall Street, le groupe de télécommunications et de médias de Patrick Drahi souhaite rapidement changer d’échelle au pays de l’Oncle Sam. En témoigne son intérêt pour Charter, le numéro deux américain du câble.
Pierre Manière
Patrick Drahi, lors de l'introduction de sa filiale Altice USA à Wall Street, en juin dernier.

Patrick Drahi ne l'a jamais caché : lorsque le propriétaire d'Altice, le géant des télécoms et des médias, investit dans un pays, c'est pour devenir rapidement « numéro un ou numéro deux ». Les médailles de bronze ou en chocolat, « ça ne [lui] plaît pas beaucoup », comme il l'affirmait lors d'une audition au Sénat, en juin 2016. Voilà pourquoi lorsqu'il n'arrive pas à figurer dans le top 2, Patrick Drahi n'hésite pas à jeter l'éponge. C'est la raison pour laquelle, il y a huit mois, il a revendu tous ses actifs en Belgique et au Luxembourg. Une première dans l'histoire du groupe.

Aux Etats-Unis, le milliardaire affiche sans sourciller la même ambition que dans tous les pays où il est présent. Aujourd'hui numéro quatre du câble (avec environ 2% du marché, soit 9 milliards dollars), après avoir réuni ses câblo-opérateurs Suddenlink et Cablevision sous la bannière d'Altice USA, Patrick Drahi ne veut pas en rester là. Comme l'a révélé CNBC au début du mois d'août, il songe notamment à s'offrir Charter, qui n'est autre que le numéro deux américain du câble derrière le géant Comcast. A première vue, une telle opération apparaît forcément très difficile à financer. Outre-Atlantique, Charter vaut aux alentours de 180 milliards de dollars, dette comprise - c'est-à-dire près du double d'Altice ! Mais par le passé, Patrick Drahi, chouchou des banquiers et des fonds d'investissement depuis plusieurs années, a montré qu'il n'avait pas son pareil pour trouver des financements et avaler des sociétés beaucoup plus grosses que la sienne. Sans se soucier, au passage, d'alourdir à chaque fois son énorme dette, qui dépasse aujourd'hui les 50 milliards d'euros. Pour rappel, en 2014, Altice a racheté SFR par le biais de Numericable, alors que ce dernier affichait un chiffre d'affaires dix fois moindre que celui de l'opérateur au carré rouge.

Altice désormais côté à Wall Street

Ironie de l'histoire: alors qu'il se lançait aux Etats-Unis, il y a deux ans, Altice a déjà songé à racheter un autre géant du câble : Time Warner Cable. Mais c'est finalement Charter qui a décroché la timbale, contre un chèque de plus de 55 milliards de dollars. Quelques mois après le deal, Patrick Drahi a confié, devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, qu'il ne se sentait « pas prêt » pour un si soudain changement d'échelle. Tout en précisant, au passage, qu'il disposait des fonds nécessaires à cette gigantesque opération.

Aujourd'hui, Patrick Drahi juge vraisemblablement qu'il a les épaules assez larges pour grandir sans se brûler les ailes. Pour croître sur le marché américain, il a notamment introduit sa filiale Altice USA à Wall Street en juin dernier. « L'avantage est double, estimait dans nos colonnes Vincent Maulay, analyste télécoms chez Oddo Securities. En s'introduisant en Bourse, Patrick Drahi met d'abord un prix sur Altice USA. Et comme celui-ci est plutôt flatteur, cela lui permet de mieux valoriser son groupe. En parallèle, il se créée une monnaie d'échange, c'est-à-dire que s'il veut faire des deals, il peut plus facilement les payer en papier, ou en levant plus facilement de la dette à travers Altice USA. »

Passage de témoin

Si Altice devait mettre la main sur Charter, l'opération ressemblerait à un passage de témoin. De fait, le premier actionnaire de Charter n'est autre que John Malone, surnommé le « roi » américain du câble. Or depuis ses débuts, Patrick Drahi le considère comme un modèle. Lui qui s'est, comme lui, bâti un empire industriel à coups de rachats par endettement.

Pour séduire les banquiers et évincer les autres prétendants, Patrick Drahi compte sur les « nouvelles façons de gérer [ses actifs] » qui lui ont permis, en quelques années, de devenir numéro deux des télécoms en France. Comme il l'expliquait aux sénateurs l'an dernier, il estime pouvoir gagner beaucoup plus d'argent que ses rivaux aux Etats-Unis, où les tarifs des abonnements télécoms sont largement plus élevés qu'en France. Dans l'Hexagone, « on a été obligé de survivre dans un environnement »« les prix sont très, très, très bas », argumentait-il. « On sait gérer avec des bouts de chandelles. » Il est vrai que SFR, qui a taillé dans ses coûts et est en train de supprimer près d'un tiers de ses effectifs (près de 5.000 postes), en est un exemple frappant.

Pierre Manière

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Commentaires 5
à écrit le 29/08/2017 à 5:12
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Plus dure sera la chute.

à écrit le 29/08/2017 à 3:57
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L'article ne dit pas que le titre a chuté de 59% sur 12 mois!! Une dette colosssale en augmentation qui fait douter les investisseurs! Allez! Passez du baume! Altice! Ca glisse au pays des merveilles!

à écrit le 28/08/2017 à 18:56
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Fortune écrivait en 09/2016 que l'abonnement mensuel moyen au câble aux US est de $103. cela doit être pas loin du double du tarif français. Yahoo écrivait en 09/2015 (Finance.yahoo.com, "Average cable bill hits a record $99, but can it last ?", 09/...

à écrit le 28/08/2017 à 17:27
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Pourquoi monsieur Drahi ne rembourse t-il pas d' abord ses 50 milliards de dettes ...? https://www.franceinter.fr/emissions/l-enquete/l-enquete-03-septembre-2016

à écrit le 28/08/2017 à 17:21
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Il faut maintenant, pour chaque français mettre de l'argent de côté pour se préparer à payer le sauvetage de l'empire de Drahi quand ce dernier s'effondrera, car on se doute que l'état devra intervenir comme pour les banques, too big to fall. Perso, ...

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