Les Whatsapp, Facetime et Skype bientôt sanctionnables comme des télécoms adultes ?

S’ils enfreignent les règles européennes sur la vie privée, la Commission européenne veut pouvoir sanctionner les pratiques des services de communication en ligne tels que Whatsapp, Facetime et Skype comme elle le fait déjà avec les opérateurs télécoms traditionnels et matures. Un article de notre partenaire Euractiv.
Le 10 janvier 2017, Andrus Ansip, commissaire européen au Marché unique numérique, et Vera Jourova, la commissaire européenne à la Justice, lors de leur conférence conjointe pour proposer l'extension des règles appliquées aux opérateurs télécoms traditionnels à tous les services de communication en ligne.

Les services de communication en ligne vont maintenant tomber sous le coup de la loi européenne sur les télécoms, avec la révision des règles sur la vie privée et les communications électroniques.

Andrus Ansip, le vice-président de la Commission européenne en charge du dossier, a reconnu qu'il utilisait Facetime, d'Apple, pour appeler sa famille en Estonie. Les appels via le service Internet devraient être protégés par les mêmes mesures relatives à la vie privée que les appels normaux, estime-t-il.

Demande de consentement obligatoire

Les utilisateurs des services soumis au nouveau règlement devront donner aux sociétés leur accord pour qu'elles collectent leurs données - et les entreprises devront leur rappeler tous les six mois qu'elles continuent de les utiliser, selon la proposition présentée par Andrus Ansip le 10 janvier.

« Je ne pense pas qu'il soit très difficile de demander le consentement des gens », a-t-il commenté devant les journalistes.

Selon une enquête de la Commission européenne, 92 % des personnes ayant répondu ont déclaré vouloir des règles plus strictes pour protéger les informations privées collectées par les opérateurs de télécoms, telles que le contenu, le temps, le lieu ou les métadonnées.

Les défenseurs de la vie privée estiment que le nouveau règlement vient compléter une révision plus large de la protection des données, approuvée l'année dernière et qui entrera en vigueur en 2018.

    >Lire : La protection des données personnelles sort renforcée d'un long toilettage

« Nous sommes à l'aube de l'économie des métadonnées et la question est : voulons-nous une loi qui nous inspire la confiance et qui garantira la sécurité juridique ? », a demandé Joe McNamee, directeur exécutif de l'ONG European Digital Rights. « Ou continuons-nous à hésiter durant les cinq ou six prochaines années ? »

Les lobbyistes de l'industrie ont prévenu qu'avec les nouvelles restrictions, il serait plus difficile pour les entreprises de faire des bénéfices sur les données en utilisant des outils d'analyse. Par ailleurs elles entraveront l'évolution des machines connectées à Internet qui utilisent une énorme quantité de données.

Un lobbyiste des télécoms estime que le secteur est déjà soumis à des normes très strictes et injustes sur la vie privée qui pourraient faire obstacle à la collecte des données de localisation de leurs utilisateurs et à des services de cartographie. Les services comme Google Maps ne seraient toutefois pas sous le coup des mêmes règles.

Andrus Ansip, ancien Premier ministre estonien, insiste sur le fait que le consentement des utilisateurs donnera aux sociétés davantage d'assurance et les aidera à utiliser des données pour créer des produits ciblés pouvant augmenter leur chiffre d'affaires.

Commercialisation des données

« Aujourd'hui, les télécoms ne peuvent pas commercialiser les données qu'elles possèdent. Nous aimerions créer un terrain de jeu équitable et permettre aux télécoms de commercialiser leurs données et métadonnées, mais seulement avec le consentement des utilisateurs », a expliqué Andrus Ansip.

Le commissaire a pris pour exemple un groupe de Lettons se rendant en Estonie pour un concert de Madonna. Selon lui, les données de localisation pourraient être analysées et utilisées pour améliorer les transports publics pour ce grand groupe de voyageurs.

À Bruxelles certains spécialistes craignent que la loi sur la vie privée et les communications électroniques n'aient le même destin que le règlement européen sur la protection des données, approuvé en 2016 après des négociations difficiles qui se sont étendues sur des années. Durant cette période, un nombre record d'amendements ont été apportés à la loi, reflétant son importance pour les groupes de lobbying. Malheureusement, si les discussions sur la nouvelle proposition avec les eurodéputés et les gouvernements nationaux prennent autant de temps, les technologies pourraient déjà être tout à fait différentes au moment de l'entrée en vigueur de la loi.

    >Lire : Une réforme de la directive vie privée prévue en 2017

« Si cela prend autant de temps que le règlement général sur la protection des données au Parlement, nombre de ces services seront déjà sur le marché », a déclaré Laurent de Muyter, avocat spécialisé sur les questions de vie privée. « Le marché ne va pas geler, mais cette proposition risque d'entraver son développement. »

Les sociétés Internet sont remontées face à la proposition de la Commission d'inclure leurs services dans le cadre des règles sur les télécoms. Cela traduit aussi l'échec de leur argument de lobbying selon lequel les services en ligne sont différents des appels et messages traditionnels.

« C'est un exemple classique d'un marché immature qu'il est trop prématuré de réglementer », a déclaré James Waterworth, vice-président de l'association de l'industrie informatique et des communications à Bruxelles, un groupe de lobby qui représente des entreprises Tech comme Google ou Facebook.

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Par Catherine Stupp, EurActiv.com (traduit par Marion Candau)

(Article publié le 11 janv. 2017)

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Commentaire 1
à écrit le 12/01/2017 à 17:13
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Bref Bruxelles, comme d'habitude, se fait le porte parole d'une guerre d'intérêt entre lobbys. "Bruxelles, les lobbies à la manœuvre" http://www.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/05/07/bruxelles-les-lobbies-a-la-man-uvre_4412747_4350146.ht...

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