Comment Vitis veut convaincre les villages de passer à la fibre

Spécialisé dans l’Internet fixe à très haut débit, ce nouvel opérateur parie sur le peu d’entrain actuel des Orange, SFR, Free et Bouygues Télécom pour les zones les moins peuplées du territoire. Son président, Mathias Hautefort, estime disposer d’une période de « deux ans » pour rafler un maximum d’abonnés avant que les « quatre gros » ne se réveillent.
Pierre Manière
Encore embryonnaire, ce marché n’en demeure pas moins énorme. Au total, quelques 43% de la population, soit environ 17 millions de logements, sont situés dans ces zones peu peuplées.
Encore embryonnaire, ce marché n’en demeure pas moins énorme. Au total, quelques 43% de la population, soit environ 17 millions de logements, sont situés dans ces zones peu peuplées. (Crédits : © Lisi Niesner / Reuters)

Il n'y a pas de temps à perdre. La semaine dernière, le fabricant de box et de décodeurs Netgem, la caisse des dépôts et le groupe de télécoms Océinde se sont alliés pour lancer un nouvel opérateur dédié au très haut débit fixe. Baptisé Vitis, celui-ci est entièrement dédié à la fibre optique, une technologie ultra-rapide qui doit remplacer l'ADSL et le vieux réseau cuivré ces prochaines années. Reste que Vitis a une particularité : de ne s'intéresser qu'aux clients dans les campagnes ou dans les zones les moins denses de l'Hexagone.

En effet, les villages et bourgs peu peuplés ne sont, pour l'heure, pas la priorité des Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom. Lesquels privilégient les grandes agglomérations, beaucoup plus faciles, sur le papier, à rentabiliser. Conscient de ce problème, l'Etat, à travers le Plan France Très haut débit, a subventionné le déploiement de réseaux fibrés dans les zones les moins denses du territoire. Pour ce faire, après appels d'offres, les collectivités ont fait appel à des opérateurs d'infrastructures (dont Axione, Covage, Altitude, mais aussi Orange et SFR à travers des filiales dédiées). Ceux-ci rentabilisent ensuite ces réseaux dits « d'initiative publique » (ou RIP) en louant leur accès aux fournisseurs d'accès à Internet.

Encore embryonnaire, ce marché n'en demeure pas moins potentiellement énorme. Au total, quelque 43% de la population - soit environ 12 millions de logements -, vivent dans ces zones peu peuplées... Sous ce prisme, il y a fort à parier que le peu d'intérêt des grands opérateurs ne durera pas... En témoigne Stéphane Richard, le PDG d'Orange, qui nous confiait en juin dernier vouloir mettre un coup d'accélérateur dans les RIP. En attendant, Vitis et d'autres opérateurs alternatifs comme Coriolis y voient une opportunité en or pour rafler un maximum d'abonnés. « On a environ deux ans devant nous », assure Mathias Hautefort, le président de Vitis.

Outre cette intéressante fenêtre de tir, le patron est persuadé de disposer de l'offre idéale pour convaincre les clients de laisser tomber leur vieil ADSL. En bon commercial, il assure être « le seul, aujourd'hui », à proposer pour un prix unique de 39,90 euros une offre triple play (Internet, télévision et téléphonie fixe), incluant des vidéos à la demande et les programmes en replay. Sa fibre est commercialisée sous le nom Vidéofutur, ex-cador des vidéoclubs, qui bénéficie encore d'une certaine aura. L'avantage de cette étiquette, pour Mathias Hautefort, c'est aussi qu'elle lui permet de communiquer sur les contenus et son catalogue de 15.000 films en VOD. Aux yeux du président de Vitis, la vidéo est aujourd'hui un élément essentiel pour vendre une offre Internet à très haut débit. Il n'exclut pas, d'ailleurs, de se renforcer dans les contenus sportifs. Et notamment via des partenariats avec Canal, BeIn ou SFR Sport. « Je suis en discussion avec les trois, indique-t-il. Naturellement, si je peux les distribuer un jour, je le ferai... »

Une possible incursion dans le mobile

Reste que pour le moment, tout reste à faire, ou presque, pour Vitis. L'opérateur dispose aujourd'hui de 150.000 abonnés Vidéofutur. Sur les quelques dizaines de milliers de fidèles en France, seule une petite minorité dispose d'un accès à la fibre. Vitis vient de lancer ses offres sur les RIP de Covage en Seine-et-Marne et dans l'Essonne, lesquels couvrent aujourd'hui 20.000 habitations. Mais Mathias Hautefort l'assure : il compte signer « dans les prochaines semaines ou les prochains mois » avec deux autres opérateurs d'infrastructures importants, Axione et Altitude. Ce qui pourrait lui permettre d'accéder à plus d'un demi-million de foyers d'ici la fin de l'année prochaine, notamment dans le Calvados, l'Aisne, l'Ardèche ou la Sarthe. Sachant que Vitis vise une part de marché de 10% dans les RIP où il est présent.

Si la priorité est à la conquête d'abonnés, Mathias Hautefort songe aussi à proposer du mobile en plus de l'Internet fixe. Cette perspective est tout à fait « imaginable », dit-il. « Quand ? Je ne sais pas. Mais je suis très heureux de compter Océinde parmi mes actionnaires. Ils viennent de gagner une licence 4G à La Réunion, et vont donc d'ici peu disposer d'un savoir-faire [en matière de mobile, Ndlr]. »

Proposer une offre télécoms plus complète pourrait, à terme, faciliter sa croissance. Car les grands opérateurs - et notamment Orange, qui affiche parfois une part de marché de plus de 60% sur l'ADSL dans les campagnes - font bien sûr leur possible pour retenir leurs clients sur le réseau cuivré là où ils n'ont pas de fibre. « Parmi les freins du passage de l'ADSL à la fibre, certains clients nous indiquent avoir été réengagés par leurs opérateurs juste avant l'ouverture du RIP, précise-t-on chez Vitis. D'autres craignent de perdre le bénéfice de leur offre mobile [après avoir eu leur opérateur au bout du fil, Ndlr]. » Les évolutions technologiques n'y changeront rien : le monde des télécoms demeure un vrai panier de crabes.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 16/11/2016 à 7:35
Signaler
150.000 clients Internet fixe ? Il n'y aurait pas une confusion entre Internet et la VoD ?

à écrit le 15/11/2016 à 23:04
Signaler
ben c'est sur que ça marchera en campagne car dans beaucoup de coins même la tnt ne fournit pas toutes les chaînes (zônes noires) mais bizarement en bord de mer, zônes devenues de plus en plus peuplées toute l'année, le très haut débit avec la fibre...

à écrit le 15/11/2016 à 9:24
Signaler
Voilà un bon sujet, merci. Il est scandaleux que ce soit aux villages d'investir dans les installations liées à internet alors que bénéficiant uniquement, en entrée d'argent, aux fournisseurs d’accès à internet. Pourquoi ce ne sont pas les mu...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.