Le jour où Steve Jobs décida de "breveter tout l'iPhone"

Dans une longue enquête sur la dérive de la guerre des brevets, le « New York Times » explique la genèse de la stratégie d'Apple en la matière. Après avoir été attaqué sur son baladeur iPod, Steve Jobs a décidé de breveter la moindre innovation de son smartphone.
Steve Jobs présentant le premier iPhone. Copyright Reuters
Steve Jobs présentant le premier iPhone. Copyright Reuters (Crédits : Reuters)

On le sait, Steve Jobs était prêt à partir « en guerre thermonucléaire » contre Android, le système d'exploitation pour mobile de Google, qu'il accusait d'avoir pillé l'iPhone. Mais son obsession pour les brevets était bien antérieure. Dans une longue et passionnante enquête sur la dérive de cette guerre des brevets qui fait rage entre fabricants de smartphones, le « New York Times » révèle une série d'anecdotes sur la genèse de cette stratégie de propriété intellectuelle chez la firme de Cupertino (lire l'article « The patent used as a sword », "le brevet utilisé comme une épée"). Si Apple était déjà un adepte du dépôt de brevet, c'est une affaire qui remonte à l'iPod et à 2005 qui a semble-t-il joué le rôle de déclencheur et convaincu Steve Jobs de la nécessité d'en faire une politique systématique.

L'amer précédent de Creative et de son lecteur Zen
Après un bras de fer juridique d'un an, Apple se résout en août 2006 à conclure un règlement amiable avec un de ses concurrents, le groupe Creative Technology basé à Singapour, fabricant du lecteur MP3 Zen, qui lui reproche d'enfreindre un de ses brevets avec son baladeur iPod, déjà écoulé à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires. Apple accepte de payer en une fois 100 millions de dollars à Creative pour pouvoir utiliser dans tous ses produits une technologie d'interface de navigation dans une liste de fichiers MP3, que le singapourien a fait valider le brevet en août 2005. Dans le communiqué commun, Steve Jobs soulignait que Creative était « très chanceux » de s'être vu octroyé ce brevet, notamment sur la base de l'antériorité du produit et du dépôt de la demande auprès du bureau américain des brevets. Une amère expérience qui servira de leçon. Peu après, lors d'une réunion secrète au siège d'Apple, le co-fondateur de la firme à la pomme a réuni les principaux dirigeants pour leur parler de l'iPhone et les prévenir : « nous allons entièrement le breveter. »

« Faire breveter la moindre idée, en outil défensif »
L'ancienne directrice juridique d'Apple, Nancy Heinen, résume la philosophie de Steve Jobs en la matière : « sa conception était qu'il fallait déposer toute idée que quelqu'un pouvait imaginer chez Apple, parce que même si on ne la développait jamais cela pouvait être un outil défensif. » Apple s'est donc mis à organiser des réunions internes mensuelles de divulgation d'inventions. A la moindre innovation logicielle présentée par les ingénieurs d'Apple, les juristes spécialistes en propriété intellectuelle répondaient « ça, c'est un brevet !» Nancy Heinen explique : « même si on savait que cela ne serait pas approuvé, on déposait quand même la demande. Au minimum, cela empêcherait une autre entreprise de déposer la même idée. » Surtout, à force d'abnégation, la demande, légèrement modifiée, peut finir par être acceptée. Ainsi Apple a dû s'y reprendre à dix reprises et attendre sept ans pour faire valider, en décembre dernier, le fameux brevet « N° 8.086.604 » portant sur une forme de moteur de recherche combinant voix et texte, qui correspond aujourd'hui à son assistant vocal intelligent Siri pour l'iPhone. La première demande remonte à l'hiver 2004, alors que l'iPhone n'existait pas encore, ni encore moins Siri, et elle fut rejetée car considérée à l'époque comme « une variation évidente » d'idées existantes... Ce fut un des brevets utilisés cet été dans le procès contre Samsung en Californie, à l'issue duquel le sud-coréen a été condamné à payer 1 milliard de dollars de dommages et intérêts à son rival. Selon le cabinet spécialisé dans l'analyse des brevets M-CAM, Apple aurait obtenu 4.100 brevets depuis 2000, contre 2.700 pour Google et 21.000 pour Microsoft.

 

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Pour en savoir plus :

>> Infographie du New-York Times portant sur les brevets
Par AMY SCHOENFELD, SHAN CARTER and XAQUÍN G.V. | Sources : Thomson Reuters, James Bessen, M-CAM, U.S. Patent and Trademark Office.

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Commentaires 4
à écrit le 20/02/2013 à 13:26
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un brevet c'est simple c'est avoir un avantage sur ses concurrents directs pour une période donnée , ils peuvent aussi vous verser des royalties si vous accepter de leurs léguer le brevet , sinon vous etes en monopole et vous pouvez enrichir l'entrep...

à écrit le 11/10/2012 à 9:36
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Pas besoin d'une enquête du New York Times pour savoir ça... Les brevets dans les grosses entreprises ne sont qu'un frein à la concurrence, rien d'autre. Ça a toujours marché comme ça, pourquoi pointer du doigt Apple quand "tout le monde" fonctionne ...

à écrit le 11/10/2012 à 7:39
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Et depuis c'est une vraie course à l'armement, avec tous les dégâts à venir chez les jeunes pousses (startup) qui n'auront pas les budgets pour vérifier si leur "idée" ne viole pas l'un de ces brevets.

à écrit le 11/10/2012 à 1:23
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Est-ce qu'il a breveté la loi d'ohm ?

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