En 2017, le début de la révolte contre la technologie (Laurent Alexandre)

[ SERIE 2/5 ] Des personnalités marquantes de la high-tech ont confié à "La Tribune" leur vision de l'année 2017 dans l'univers des nouvelles technologies. Ces contributions sont extraites du dossier "Technologies : quelles disruptions en 2017 ?" paru dans "La Tribune Hebdo" n°194, en kiosque la veille de Noël. Aujourd'hui, la parole est à Laurent Alexandre (*)(**), président de DNA Vision.
Laurent Alexandre (*)(**), président de DNA Vision.

En 2016, le monde a connu une nouvelle accélération technologique, avec les débuts de la voiture autonome, la victoire de Google face au champion du monde de go, l'arrivée de l'intelligence artificielle dans les smartphones. Cette mondialisation par la science engendre de nouvelles guerres économiques, où la Californie et la Chine font la course en tête. À quoi peut-on s'attendre en 2017 ? Voici les prédictions les plus folles de six experts !

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Le début de la révolte contre la technologie

Par Laurent ALEXANDRE(*)(**), président de DNA Vision

Le début du vertige face à l'intelligence artificielle. Le numérique et la robotique ont déjà commencé à transformer des métiers appelés à disparaître. L'intelligence artificielle va amplifier le phénomène en touchant des professions qui ne s'y attendent pas, des emplois tertiaires, intermédiaires ou même très qualifiés, qui vont être rapidement dépassés par l'IA et les algorithmes. Comptables, juristes, chauffeurs, radiologues seront remplacés par l'IA avant que le dernier ouvrier ne se voie substituer un robot... La société est tétanisée par ce tsunami annoncé et on voit apparaître les néoluddites qui pensent résoudre le problème en interdisant le smartphone ou en taxant les robots. La seule bonne réponse est la formation, mais notre classement Pisa est un désastre. La guerre de l'IA sera gagnée par les cerveaux asiatiques.

Le début de l'offensive des professions libérales contre les chatbots. Les « robots conversationnels » associés à l'intelligence artificielle et à la réalité augmentée vont changer non seulement notre façon de consommer, mais aussi impacter tous les métiers de conseil. C'est une bombe à retardement pour les professions libérales, avocats, notaires, médecins, mais aussi les professeurs et les médias. Ces professions intellectuelles vont - comme les taxis avec Uber - demander des législations pour les protéger de cette concurrence. En 2025, les chatbots inclus dans nos smartphones nous connaîtront intimement et seront en mesure de nous offrir des services customisés, personnalisés, à la demande. 2017 sera le début de la prise de conscience de l'impact de cette révolution qui sera complètement dominante d'ici à quinze ans.

Le refus de la complexité technologique par les peuples. Les leaders populistes ont convaincu les peuples qu'il existe des solutions simples au moment même où le monde est plus complexe que jamais. Problème, on ne va pas encadrer l'économie numérique, l'intelligence artificielle ou les thérapies géniques avec des lois simples. Le conflit issu de ce choc est inévitable.

La montée d'une opposition de gauche contre le transhumanisme. Venu de la côte Ouest des États-Unis, le rêve transhumaniste entraîne une montée de la réaction bioconservatrice contre l'intelligence artificielle. De nouveaux intellectuels, comme le philosophe Éric Sadin en France, exigent de nouvelles législations pour arrêter le futur au nom d'une vision techno conservatrice.

La poursuite de la loi de Moore. Face aux difficultés d'Intel depuis 2015 pour inventer des processeurs plus puissants, certains en ont déduit que la fameuse loi de Moore, selon laquelle la puissance informatique double tous les dix-huit mois, touchait à son terme. Mais de nouvelles technologies de miniaturisation sont venues prendre le relais et les scientifiques pensent qu'avec des microprocesseurs de 10, puis de 5 voire de 3 nanomètres de large, la loi de Moore va se prolonger jusqu'en 2025. Parallèlement, le relais est pris par le développement de l'intelligence artificielle associée aux gigadonnées. L'expérimentation de l'autoapprentissage montre que le nouveau levier de la puissance informatique repose sur la data. Une IA, même médiocre, assise sur beaucoup de data, est beaucoup plus pertinente qu'une bonne IA avec peu de data. L'effet volume du big data prend le relais de la puissance informatique et c'est la raison pour laquelle les grandes plateformes américaines et chinoises ont pris une avance difficile à rattraper.

L'arrivée des BATX chinois en Occident. Les BATX, c'est-à-dire Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi, l'équivalent chinois des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) partent à la conquête d'un marché européen vulnérable et déjà colonisé par les géants américains du digital. En l'absence de marché unique européen numérique, l'Europe est prise en sandwich entre les Gafa et les BATX et ne parvient toujours pas à bâtir ses propres « licornes ». On est en 1937 à la veille de la Seconde Guerre mondiale et l'Europe pense à tort se protéger en bâtissant une ligne Maginot numérique. Pendant ce temps, chez Baidu, le Google chinois, le patron de l'intelligence artificielle a sous sa responsabilité 2 500 chercheurs.

Le déclin des objets connectés. La révolution de l'IoT est une forme d'illusion qui se limite pour l'instant à des gadgets sans réel usage. Le seul véritable objet connecté est le smartphone que l'on garde toujours avec soi, ainsi toute la valeur va se concentrer dans le mobile et ses applications. Même le marché des montres connectées ne décolle pas. Le problème, c'est qu'il est compliqué de recharger autant de « wearables » différents.

La fin des Bisounours géopolitiques. Poutine a été la star de 2016 et formera avec Trump le couple star de 2017. Comme en 1937, l'Occident va devoir prendre conscience que l'histoire du monde est tragique, comme l'a montré notre impuissance face au drame d'Alep. Notre culture pacifiste et sociale-démocrate ne nous a pas armés pour vivre dans ce monde qui connaît déjà le retour de la guerre. L'Europe va devoir s'occuper à nouveau de sa défense mais n'en a ni les moyens financiers ni la capacité politique, surtout avec le Brexit. Elle est désarmée technologiquement face aux conflits du futur alors que la cyberguerre a déjà commencé et peut potentiellement être plus destructrice que les guerres conventionnelles. La course à l'intelligence artificielle va être militaire.

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(*) Coauteur, avec Jean-Michel Besnier, de Les Robots font-ils l'amour ? Le transhumanisme en douze questions (Dunod, 2016).

(**) Laurent Alexandre est actionnaire à hauteur de 28% de "La Tribune".

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>> VOIR AUSSI Débat : Est-on libre de disposer de son corps ?

>> VOIR AUSSI Débat : Quelle place pour l'homme dans la transition digitale ?

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Déjà publié :

En 2017, la France en tête du capital-risque ? par Gilles Babinet, Digital Champion auprès de la Commission européenne

En 2017, la nouvelle drogue n'est pas chimique mais technologique (Yacine Ait Kaci, Elyx), par Yacine Ait Kaci, dessinateur d'Elyx, ambassadeur virtuel de l'ONU.

En 2017, instabilité mondiale et importantes avancées technologiques, par Philippe Cahen, prospectiviste.

En 2017, biodiversité, mobilité, services seront les enjeux majeurs de la Living City, par Carlos MORENO, spécialiste de la ville intelligente et humaine.

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Commentaires 22
à écrit le 12/01/2017 à 15:48
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Bonjour, Je ne suis pas entièrement convaincu par cette phrase, je cite: "C'est une bombe à retardement pour les professions libérales, avocats, notaires, médecins, mais aussi les professeurs et les médias." concernant l'impact des chatbots. Pour ...

à écrit le 11/01/2017 à 14:58
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rien à jeter, je pense pareil :) https://medium.com/suisse-romande/le-prix-de-l-inégalité-des-ia-au-secours-des-hommes-5774d08bbd19

à écrit le 10/01/2017 à 10:43
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L IA devait exploser quand j etais en ecole d ingenieur (c etait a la fin des annees ... 80 !). Je pense que l auteur se leurre sur le big data. Surtout qu il l oublie l effet de retro action : les gens se sachant surveilles vont modifier leur compor...

le 10/01/2017 à 14:33
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C'est faux, t'as vu facebook est le maitre du monde, avec google. Donc y a aucun espoir. Tu as tout faux.

à écrit le 09/01/2017 à 15:50
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Comment peut-on "se révolter" contre la technologie ? La technologie n'a aucun pouvoir, seuls les hommes en ont.

à écrit le 09/01/2017 à 7:08
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Ca fait un bail que l'on devrait se poser de serieuses questions sur l'avenir du travai en France. Les planques de la politique francaise se soucient comme d'une guigne de l'avenir. Il ne pense qu'a se faire elire: Fric, pouvoir etc... Ici en Asie, ...

le 09/01/2017 à 15:48
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Pour ma part je trouve que l'avenir de l'humanité appartient à la planète. Celle-ci fournit des ressources, mais elles ne sont pas illimitées, et surtout les extraire et les transformer créent des dégâts environnementaux irréversibles. Pendant combie...

le 09/01/2017 à 16:11
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J'ai bien rigolé, yann lecun, les usa, l'allemagne et le japon sont les seuls à être au top de la robotique et de l'IA, la chine vaut rien, la corée aussi vaut rien, trois pays seulement, bien entendu on a des Français monstrueux mais ils ne pourront...

à écrit le 08/01/2017 à 20:16
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Limiter la technologie aux objets connectés, à l'informatique et aux réseaux est bien réducteur, car tous les objets techniques et toute les machines sont technologique. Il est certain qu'il va se développer un rejet des appareils connectés, intrusif...

à écrit le 08/01/2017 à 18:31
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En effet nos dirigeants européens gèrent le déclin de l'UE. Nous suivons un leadership allemand qui dirige l'européen pour ses seuls intérêts, on est mort si un électrochoc ne survient pas rapidement. Vite un frexit, tentons de sauver les meu...

à écrit le 08/01/2017 à 11:24
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Limiter la technologie aux objets connectés, à l'informatique et aux réseaux est bien réducteur, car tous les objets techniques et toute les machines sont technologique. Il est certain qu'il va se développer un rejet des appareils connectés, intrusif...

à écrit le 08/01/2017 à 7:41
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La relation est presque parfaite mais la dans la pratique ça laisse à désirer!

à écrit le 07/01/2017 à 14:35
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Version plus complète : La solution est fiscale : le remplacement des cotisations par la TVA, un partage de celle-ci par une redistribution partielle et forfaitaire, comme de la TIPP , et l'indexation de la masse salariale sur 50 % de la valeur ajou...

à écrit le 07/01/2017 à 14:13
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La solution est fiscale : le remplacement des cotisations par la TVA, un partage de celle-ci par une redistribution partielle et forfaitaire, comme de la TIPP , et l'indexation de la masse salariale sur la valeur ajoutée de toute entreprise. Les patr...

à écrit le 07/01/2017 à 12:57
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Les spectateurs visionnent depuis des décennies des films de science-fiction qui montrent tous les effets pervers de ces "avancées". Ils commencent maintenant à les vivre mais il n'y a pas encore d'arrêt sur image. Paradoxalement l'ère de l'humanisme...

le 09/01/2017 à 3:53
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Cela ne vous a pas effleuré un seul instant l'esprit que ces films de science-fiction ne correspondent justement pas au réel et que c'est destiné à vous faire peur, vous faire adopter des réflexes conservateurs et technophobes pour vous opposer aux n...

le 10/01/2017 à 10:15
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Une société de liberté John? Si pour te sentir libre tu es obligé de te soumettre à la technologie, c'est que tu n'es pas libre. Le monde réel est pire que la fiction car non soumis à l'autocensure et aux limites que s'imposent les auteurs. Tu es lib...

à écrit le 07/01/2017 à 9:59
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d'un côté une pression concurrentielle monstre et une recherche d'automatisation à l’extrême pour diminuer les coûts salariaux. de l'autre des millions de gens mis en dehors de l'emploi salarié classique. La formation ne peut pas forcément apporter l...

à écrit le 06/01/2017 à 10:52
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Comme souvent un point de vue intéressant de M. Alexandre. Son mérite est de nous éloigner du faux-problème (actuel en tout cas) de la conscience des IA, remis au gout du jour par Bill Joy, pour nous recentrer sur l'effet réel et immédiat de la su...

à écrit le 05/01/2017 à 20:14
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Toujours aussi drôle ce Monsieur. Il ecrit la même chose depuis 10 ans.... Et ça doit toujours arriver l'année prochaine. Entre autre la disruption ne vient jamais deux fois fois des mêmes acteurs

à écrit le 05/01/2017 à 11:29
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Je viens tout juste d'écrire dans un autre post à propos d'un "objet connecté" (Mattel) pour les enfants que je considère les objets connectés pour enfant et plus globalement en général portent bien leur nom: CONnectés. La connerie humaine n'a d'égal...

à écrit le 05/01/2017 à 10:57
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J'entends parler ici des réactions épidermiques: Législation report rejets reflux. Mais ce n'est que temporaire. A chaque révolution industrielle ce genre de phénomène à existé et n'a rien arrêté du tout. Le fait est que le progrés continue et app...

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