En s'offrant la Ligue des champions, SFR change la donne dans la télé payante

L'opérateur de Patrick Drahi vient de casser sa tirelire pour décrocher les droits de la prestigieuse compétition européenne au nez et à la barbe de Canal+ et de beIN Sports. Cette emplette pourrait bien changer le paysage de la télévision payante en France.
Pierre Manière
Patrick Drahi, le propriétaire d'Altice, la maison-mère de SFR.

Sur le front des contenus, SFR a frappé très, très fort. Le groupe de Patrick Drahi vient de rafler les droits exclusifs de la Ligue des champions et de sa petite sœur, la ligue Europa, pour la période 2018-2021. Dans un communiqué, l'opérateur au carré rouge précise qu'il couvrira "les deux compétitions dans leur intégralité". Ce qui représente 343 rencontres, depuis les matchs préliminaires jusqu'aux finales.

Pour mettre la main sur ces compétitions prestigieuses, SFR a, une fois encore, signé un chèque faramineux. Pour ces deux épreuves, l'opérateur va payer quelques 370 millions d'euros par saison. Ce qui représente une sévère inflation du coût de ces droits, qui ont plus que doublé par rapport au précédent appel d'offres. En déboursant autant d'argent, SFR a aussi découragé ses rivaux Canal+ et beIN Sports, qui diffusaient jusqu'alors ces compétitions phares.

Gros revers pour Canal+ et beIN

Pour eux, il s'agit d'un sacré revers. Depuis l'irruption de SFR dans les médias et les contenus sportifs, la chaîne de Vincent Bolloré a vu son portefeuille de droits fondre. Outre la Ligue des champions, Canal+ avait notamment perdu, il y a deux ans, la Premier League au profit de l'opérateur de Patrick Drahi pour la période 2016-2019. Désormais, côté football, il ne lui reste que la Ligue 1. Et ce, alors que ces droits, qui intéressent aussi SFR, seront remis en vente début 2018 pour les saisons après 2020.

Mais pour l'heure, c'est pour beIN que la perte de la Ligue des champions est franchement problématique. De fait, si Canal+ n'avait accès qu'à un match de premier choix par journée, la chaîne qatarie avait, en plus d'une confrontation premium, accès au reste du tournoi. Elle, qui a fait du football le porte-étendard de son offre, devra donc bientôt faire sans la plus cotée des compétitions du Vieux Continent.

beIN va-t-il sortir du marché français?

Analyste médias chez Natixis, Jérôme Bodin estime ainsi qu'"il faut peut être voir ici le signe d'une sortie progressive de beIN Sports du marché français". "Par ailleurs, puisque SFR est dorénavant un concurrent solide, il est possible que cette perte de droits conduise l'Autorité de la concurrence à accepter une distribution exclusive de beIN Sports par Canal+ à partir de juillet 2017, poursuit-il. Ce qui reviendrait à une alliance entre les deux groupes. Jusqu'en 2020, la Ligue 1 serait ainsi disponible en exclusivité via le pack sport de Canal+. Cela permettrait probablement de fortement limiter le churn [fuite d'abonnés à la concurrence, NDLR] lié à la perte des droits de la Ligue des champions."

Pour SFR, l'objectif est clair : en étoffant son portefeuille de contenus et de droits sportifs, l'opérateur veut d'abord mettre un terme à ses pertes de clients, en chiper à la concurrence, et doper le revenu moyen par abonné. Pour rappel, entre la fin 2014 et la fin 2016, SFR a perdu plus de 2 millions de fidèles - notamment déçus par la dégradation du réseau suite à une longue suspension des investissements. Et sur les trois premiers mois de l'année, près de 150.000 clients se sont évaporés.

Bientôt un accord entre Orange et Canal+?

Malgré l'énormité du montant déboursé pour la Ligue des champions et la Ligue Europa, Vincent Maulay, analyste télécoms chez Oddo Securities, juge que cette offre, couplée avec la Premier League, peut constituer un bel aimant à fans de ballon rond. D'après lui, "dans un scénario bas, SFR peut justifier de quasiment 300 millions d'euros d'Ebitda en prenant 1 million de clients en Over The Top [soit des abonnements via son appli, disponible sur mobile, tablette et PC, NDLR] à beIN, et 500.000 nouveaux clients télécoms en provenance des autres opérateurs". "En clair, dans cette hypothèse, le retour sur investissement ne semble pas mauvais", indique-t-il.

Face à cette menace, il y a fort à parier que les Orange, Bouygues Telecom et Free ne vont pas rester les bras croisés. L'opérateur historique réfléchit d'ailleurs depuis de longs mois à s'allier avec Canal+ dans les droits sportifs. A ce stade, les deux groupes ne sont toujours pas arrivés à se mettre d'accord. Mais peut-être que la perte de la Ligue des champions, couplée à l'impératif de préserver de belles affiches en Ligue 1, vont accélérer les négociations.

Pierre Manière

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Commentaires 8
à écrit le 18/05/2017 à 9:38
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On assiste a une grande migration vers de vente liée entre le contenu et le tuyau qui force le consommateur a acheter les deux à un même fournisseur... On va bientôt devoir être abonné a plusieurs fournisseurs d'accès selon le programme que l'on veut...

à écrit le 13/05/2017 à 8:30
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Le foot va finir comme la F1 J'espère que les footeux vont organiser des. Journées stade vide pour qu on arrête cette course Pas sur que sur la durée ce soit rentable pour le foot Il faudrait parler un peu de la montagne de dette de altice qui pay...

à écrit le 12/05/2017 à 17:00
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Comme cela fut le cas il y a quelques années, la mégalomanie ultra financière est au centre de ce malsain monopoly dont on ne sait où le jeu s'arrêtera. Ce Drahi est une erreur de la finance et des banques françaises en particulier car son endette...

à écrit le 12/05/2017 à 15:42
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est ce vraiment des fonds propres? cassé la tirelire ou faire un crédit sur le dos de l'état et suite à la faillite...nous connaissez la suite...

à écrit le 12/05/2017 à 13:32
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Bienvenue en Macronie occidentale, amis amis, bling bling, bobos en tous genre...On va avoir Sarko en pire dix ans après...La dictature des médias est déjà en marche (facile)

à écrit le 12/05/2017 à 10:59
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SFR avec ses acquisitions coûteuses va finir par réussir l'exploit de : -Rendre les services de plus en plus chers pour les amateurs -Faire perdre des milliards à ses créditeurs (qui sont-ils ??? j'espère pas les banques françaises) et donc risque...

à écrit le 12/05/2017 à 10:36
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Les abonnes vont payer la #. Pas tres grave, la variable d'ajustement est toujours le con sommateur. Quant aux fouteux, ils devront raquer un max, pour assister aux jeux du cirque dans les stades. L'arnaque totale. Bien joue Mr Drahi.

à écrit le 12/05/2017 à 10:08
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ca serait marrant qu'orange et bouygues leur collent un proces pour position dominante et que l'arcep leur impose de mettre a titre quasi gratuit a ses concurrents pour qu'ils puissent faire de bonnes offres promotionnelles....

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