Facebook : derrière la communication, quelle efficacité contre les « fake news » ?

Le réseau social lance un outil pédagogique dans 14 pays, dont la France, pour aider les internautes à mieux repérer et dénoncer les « fake news ». Une initiative qui s’ajoute au Facebook Journalism Project, à la News Integrity Initiative et à diverses collaborations avec des médias lancées ces derniers mois. Suffisant pour calmer les critiques ?
Sylvain Rolland
Après le Facebook Journalism Project et la News Integrity Initiative, Facebook dévoile le lancement d’un nouvel outil pédagogique, en France et dans 13 autres pays, pour aider les internautes à mieux repérer les fausses informations.

Comment concilier la nécessaire liberté d'expression et la lutte contre les fausses informations, épidémiques sur Internet au point que plusieurs études estiment qu'elles auraient contribué à faire élire Donald Trump à la présidence des Etats-Unis ? Pour Facebook, régulièrement pointé du doigt pour son laxisme en la matière, la réponse est dans la prévention. Jeudi 6 avril, le réseau social a dévoilé sa nouvelle initiative pour lutter contre la propagation des « fake news » : un outil pédagogique déployé dans 14 pays, dont la France, destiné à aider les internautes à mieux les repérer, et donc moins les partager.

Guide pratique pour une « lecture critique » de l'information

L'opération, qui dispose de toutes les caractéristiques d'un gros « coup de com' », durera seulement trois jours et s'accompagnera, en France, d'une campagne publicitaire dans plusieurs médias de presse écrite. « L'objectif est de marquer les esprits avec une opération limitée dans le temps, c'est la méthode la plus efficace », se défend Adam Mosseri, le vice-président News Feed (fil d'actualité) du groupe, en conférence de presse.

Concrètement, un « visuel de sensibilisation » apparaîtra en haut du fil d'actualité. En cliquant sur ce lien, les utilisateurs accéderont à un espace dédié regroupant des conseils pour repérer les « fake news » et les signaler. Première astuce : se méfier des titres.

« Les fausses actualités ont souvent des titres accrocheurs en majuscule avec des points d'exclamation. Si les affirmations du titre semblent invraisemblables, elles le sont probablement », indique le réseau social.

Autres « conseils » élaborés avec le réseau First Draft, qui comprend une trentaine de médias internationaux dont l'AFP et Le Monde : examiner attentivement l'URL de l'article (souvent, les « fake news » imitent l'URL de médias reconnus en changeant une lettre, par exemple), rechercher la crédibilité de la source (s'agit-il d'un site obscure ou d'un média employant des journalistes professionnels ?), être attentif aux mises en forme inhabituelles (fautes d'orthographe, présentation incohérente), contrôler les dates et consulter d'autres articles pour voir si d'autres sources font référence à l'information donnée. Le guide pousse aussi à vérifier si la source est réputée pour ses canulars, à l'image du site parodique Le Gorafi, et indique comment signaler les contenus problématiques.

Une pierre de plus dans un dispositif renforcé ces derniers mois

Critiqué de toutes parts (ONG et associations, médias, ministres et élus, Union européenne...) depuis plusieurs années, Facebook résout le dilemme entre liberté d'expression et lutte contre les fausses informations en jouant la carte de la collaboration avec tous les acteurs de l'information. Depuis le début de l'année, et alors que des échéances électorales importantes approchent en France et en Allemagne, le groupe de Mark Zuckerberg a lancé plusieurs initiatives qui ont le mérite de s'attaquer au problème, même si leur efficacité reste encore à démontrer.

Ainsi, le réseau social a lancé en janvier dernier le Facebook Journalism Project. Un programme pour accroître la collaboration avec les médias, notamment par la mise à disposition auprès des journalistes de nouveaux formats de publication, afin de mieux coller aux usages de consommation de l'information, qui évoluent avec la mobilité et les réseaux sociaux.

En février, Facebook déployait enfin en France son outil de « fact-checking » (vérification de faits). Appliquant dans l'Hexagone une formule lancée en décembre aux Etats-Unis, le réseau social s'est associé à huit médias (Le Monde, l'AFP, BFM-TV, France Télévisions, France Médias Monde, L'Express, Libération et 20 Minutes). L'objectif : permettre aux utilisateurs de « faire remonter » une information qu'ils pensent être fausse, en cliquant sur le coin droit d'une publication. Les liens signalés sont rassemblés sur un portail auquel ont accès les médias partenaires. Si deux « fact-checkers » établissent que le contenu relève de la « fake news », un drapeau apparaîtra sur la publication, ce qui devrait permettre de réduire sa circulation.

Au début du mois d'avril, Facebook a aussi annoncé la création de la News Integrity Initiative, qui regroupe une vingtaine d'entreprises, d'universités et d'organisations à but non lucratif comme l'université new-yorkaise The Cuny (qui pilote le programme), Mozilla, le fondateur de Wikipedia Jimmy Wales, l'UNESCO, l'école de journalisme de Sciences Po Paris ou encore le Craig Newmark Philanthropic Fund, le fonds du fondateur du site américain de petites annonces Craiglist. Ce consortium est doté d'une enveloppe de 13 millions d'euros - une somme qui peut paraître dérisoire pour Facebook -, destinée à « financer de la recherche appliquée et des projets »... qui restent flous.

Crainte d'ouvrir la « boîte de Pandore »

Quid des résultats ? Pour l'instant, il peu peu probants. En pariant sur la sensibilisation, Facebook s'engage sur le long terme avec la News Integrity Initiative, le Facebook Journalism Project et son guide pratique. « Nous ne sommes pas un média mais nous faisons partie de l'écosystème des médias et nous avons une responsabilité dans la publication des informations sur notre plateforme », estime le réseau social.

« Supprimer les contenus qui propagent de fausses informations est délicat car ce n'est pas à nous de juger des limites de la liberté d'expression. Si on faisait cela, on ouvrirait la boîte de Pandore.», ajoute Edouard Braud, le responsable des partenariats médias Europe du Sud chez Facebook France, tout en précisant se conformer aux législations en vigueur dans chaque pays.

De son côté, l'outil de fact-cheking, qui fonctionne en France depuis seulement un mois, a abouti à la relégation aux tréfonds de Facebook d'une petite poignée d'articles viraux, seulement. Ce qui signifie que, sans être supprimés, ils sont désormais identifiés comme faux et ressortiront moins des algorithmes de suggestion de Facebook. Parmi eux, un article sur l'instauration de jours fériés juifs et musulmans, d'autres sur la campagne d'Emmanuel Macron financée à 30% par l'Arabie Saoudite, sur une mise en examen de Benoît Hamon, ou encore sur la volonté d'Emmanuel Macron de taxer les propriétaires, ce dernier ayant été particulièrement partagé.

« Les motivations des fausses informations sont plus idéologiques et moins uniquement financières en France qu'aux Etats-Unis », précise Edouard Braud. Effectivement, les articles qui ont tapé dans l'œil des fact-checkers proviennent essentiellement de la fachosphère, véritable machine à « fake news » pour décrédibiliser les candidats « du système ». Pas étonnant à l'approche d'une élection présidentielle.

L'Allemagne s'énerve et dégaine l'arme de la loi et des amendes

Reste que cette approche « en douceur » ne rassure pas tout le monde. Pour Facebook, il s'agit de traiter le problème « par tous les angles ». Pour l'Union européenne et surtout pour l'Allemagne, il s'agit plutôt d'une mollesse coupable.

Lassée de voir des articles « manifestement délictueux » se propager à vitesse de l'éclair sur Facebook, l'Allemagne a décidé de passer par la manière forte : la législation. Le gouvernement d'Angela Merkel a fait approuver, mercredi 5 avril, un projet de loi pour infliger jusqu'à 50 millions d'euros d'amende aux réseaux sociaux rechignant à lutter contre les contenus haineux et les fausses informations. L'argument, expliqué dans un communiqué, est le suivant:

« Lorsqu'ils ne sont pas combattus de manière effective et ne font pas l'objet de poursuites, les crimes haineux représentent une grande menace pour la coexistence pacifique dans une société libre ouverte et démocratique »

Twitter et YouTube sont aussi dans le viseur. Les réseaux sociaux auront 24 heures pour supprimer ou bloquer les contenus « manifestement délictueux » (racisme, antisémitisme...) après leur signalement. Un délai de sept jours sera appliqué pour les contenus moins ouvertement problématiques (les « fake news » donc), pour laisser le temps aux plateformes d'analyser le contenu. De quoi préserver l'indispensable liberté d'expression, d'après le gouvernement allemand, qui a débattu de long mois pour « trouver un équilibre ».

Et en France ? Le problème a fait l'objet de réunions entre les plateformes concernées et le gouvernement. Mais pour l'heure, aucune solution jugée satisfaisante n'a été trouvée. Un problème délicat de plus auquel sera confronté le prochain président de la République.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 07/04/2017 à 8:49
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Ils payent leurs incapacités à modérer correctement, ils ont tout misé sur la technologie alors que seul un humain peut repérer d'autres humains qui trichent, du coup ils se sont laissés envahir sans se poser plus de question que cela, tant que le fr...

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