Un ordinateur français qui devine ce que vous voulez écrire

Un ordinateur qui devine ce que le sujet veut écrire: à Lyon, des chercheurs expérimentent les interactions entre cerveau et machine, un domaine prometteur pour les paralysés, en cette "Semaine du cerveau" qui se donne jusqu'à dimanche pour sensibiliser le grand public.
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Le parc de l'hôpital psychiatrique du Vinatier, à Bron, dans la banlieue lyonnaise, abrite le Centre de recherche en neurosciences, institut de pointe associant notamment l'Inserm et le CNRS. Assise dans la pénombre, Margaux Perrin, doctorante, porte un bonnet élastique. Un ingénieur y place 32 capteurs pour relever en temps réel l'activité électrique de son cerveau. Sur un écran de "stimulation", un faisceau lumineux balaie l'alphabet. La jeune femme se concentre sur une lettre. Dès qu'elle est éclairée, son cerveau envoie une onde particulière, nommée P300, qui fait que la machine la sélectionne.

L'opération prend 6 à 7 secondes pour chaque lettre. L'équipe cherche à améliorer cette performance, en intégrant notamment au logiciel utilisé l'écriture prédictive, où un mot est suggéré à partir de quelques lettres. Et pour remédier aux erreurs qui se produisent encore sur les lettres sélectionnées, ces scientifiques ont une solution: le cerveau envoie un signal particulier dans ce cas, et la machine rectifie alors en proposant une autre lettre probable. "Nous essayons de rendre la machine plus intelligente" grâce à de savants calculs algorithmiques, explique Jérémie Mattout, qui dirige ces travaux et "teste actuellement ces améliorations chez des sujets sains". Au total, 80 volontaires s'y sont prêtés en quatre ans.

Des applications pour le "locked-in syndrome"

L'outil, appelé "P300 speller" (dérivé de l'anglais épeler), a aussi été testé en 2010 par l'équipe sur une patiente souffrant du locked-in syndrome (enfermement). "Mais cela ne peut marcher chez tous, selon l'atteinte des capacités du cerveau", prévient M. Mattout. Les applications potentielles des interfaces cerveau-machine sont multiples: communiquer mais aussi détecter des baisses de vigilance (dans l'aérien, l'automobile...), entraîner ses capacités d'attention ou encore pour le développement de jeux vidéos intégrant des commandes du cerveau.

Pour affiner sa connaissance du fonctionnement cérébral, l'équipe travaille ponctuellement sur un neuromagnétomètre, grosse machine existant à cinq exemplaires en France. Elle mesure les champs magnétiques créés par l'activité neuronale, si ténus qu'ils sont enregistrés en chambre blindée. Le sujet s'installe sous un casque équipé de 275 capteurs. Ils permettent de localiser à quelques millimètres près les zones activées pour effectuer tel geste, entendre tel son.

Depuis un an et demi, cette impressionnante machine est aussi utilisée pour des épileptiques, afin de mieux déterminer où opérer. "Nous accueillons également des tétraplégiques ayant quelques mouvements résiduels, pour aider leur rééducation", explique Claude Delpuech, responsable du département. Quelques bureaux plus loin, Karim Jerbi, docteur en sciences cognitives, travaille avec des épileptiques ayant des électrodes implantées dans le cerveau, pour notamment décoder les signaux neuronaux lors de gestes. Des personnes ayant perdu leur motricité pourraient à l'avenir profiter de ces études, avec des prothèses qui réagiraient à leurs intentions de mouvement.

"Le cerveau ne cesse de poser des défis et garde encore beaucoup de mystères", tempère Jérémie Mattout.

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Commentaires 7
à écrit le 18/03/2012 à 5:11
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Chut n'en dites pas trop, et il faut déposer les brevets en urgence car sinon les Apple fans vont vous beugler à la face que c'est Steve Jobs qui l'a imaginé, peut être même confirmé par un journaliste qui écrit la biographie à géométrie variable de ...

à écrit le 17/03/2012 à 21:50
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Je trouve cela vraiment très intéressant, deviner ce que je écrire vraiment c'est ingénieux. Pour ma part je serais cirieux de voir comment cela fonctionne, car ça me penser un peu à quelqu'un qui voit à ciel ouvert que je me suis procuré une malette...

le 19/03/2012 à 20:45
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Effectivement une telle machine serait bien utile ne serait-ce que pour comprendre ce que tu écrit.....

à écrit le 17/03/2012 à 14:25
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Mais ne sommes nous pas encore une fois à contre courant ? les marchés chinois seraient plus intéressés par un logiciel permettant de deviner ce qu'un utilisateur voudrait voir à l'écran afin, éventuellement, d'en empêcher l'affichage. Une version an...

à écrit le 17/03/2012 à 14:10
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mais c'est pas nouveau, et c'est bien français; on a déjà une version light qui tourne en période électorale, utilisée par les candidats aux électione ça réagit à la présence d'une caméra où d'un micro, le candidat n'a qu'à penser au type d'électeurs...

le 17/03/2012 à 14:43
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la version 2012 fonctionne en réseau : une idée générée pour un utilisateur se propage dans la tête de tous les autres sans qu'ils leur soit demandé de se relogger sous la bannière d'un autre parti. Mais on attend avec impatience la version 2017 qui ...

à écrit le 17/03/2012 à 10:07
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Il y a au moins une dizaine d'année que l'on peut taper des lettres grâce à une lecture d'EEG (c.f. http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/303589.stm), maintenant on en est à vraiment lire les pensées en labo (http://singularityhub.com/2012/02/15/...

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