Sur le Web, le business des langues se délie rapidement

Reconnaissance et synthèse vocales, recherches sémantiques, analyses automatiques de contenus… avec l’explosion du Web 2.0 et du Big Data, les spécialistes des technologies linguistiques multiplient les marchés où se développer.
Avec Systran Link, le français Systran rend la traduction de sites Web accessible aux PME./ DR

Pour des milliards d'internautes qui les utilisent librement au quotidien, sans dépenser un centime, la reconnaissance vocale, la recherche de contenu et la traduction automatique sont devenues des outils naturels et indispensables. Conséquence : le marché des technologies linguistiques pèserait 8,6 milliards d'euros en Europe en 2015.

« Il s'agit d'un secteur très fragmenté, constitué de petites entreprises », observe Philippe Wacker, secrétaire général de l'association LT-Innovate.

Créée en Belgique en 2012, l'association regroupe 170 acteurs évoluant dans les technologies linguistiques. Dont un grand nombre d'éditeurs de logiciels spécialisés dans l'interaction vocale, la traduction ou le traitement intelligent de contenus. Des domaines largement investis par les géants du Web comme Google et Microsoft pour la traduction et le moteur de recherche. Ou Apple pour l'interaction vocale via les mobiles notamment.

Traduit simultanément en 78 langues

Exemple typique de ces nouveaux business : Translate Your World. Forte de 49 salariés, cette start-up basée à Atlanta, aux États-Unis, a mis au point une solution capable de traduire simultanément en 78 langues des discours ou des échanges oraux.

« Notre logiciel baptisé TYWILive permet d'organiser des conférences internationales ou d'offrir la possibilité à deux ou plusieurs personnes de dialoguer entre elles, chacune dans sa langue respective », affirme Sue Reager, la présidente de la jeune entreprise, qui parle elle-même dix langues couramment.

Point fort de son logiciel, les échanges sont traduits simultanément et automatiquement en temps réel sur les ordinateurs.

« La traduction s'effectue soit par une voix de synthèse que l'on peut choisir, soit à l'aide de sous-titres qui s'affichent sur l'écran », souligne Sue Reager.

L'entreprise propose ce service distant moyennant 18 euros par mois. En matière de traduction automatique, l'Europe n'est pas en reste, comme en témoigne le français Systran, ténor de la traduction automatique de textes écrits. La société a lancé cette année une nouvelle version, Systran Links, qui rend la traduction des sites Web accessible aux PME et sites d'e-commerce.

« Avec notre logiciel, le créateur d'un site peut inviter des personnes à traduire ses pages de manière collaborative, ce qui permet d'avoir rapidement des sites multilingues à moindre coût », indique Jean Senellart, le directeur scientifique de l'entreprise.

Laquelle réalise 10 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 70 salariés (chercheurs, linguistes et ingénieurs), dont 50 à Paris et 20 à San Diego, en Californie.

Le Big Data démultiplie les capacités des applis

Créé il y a quarante-cinq ans, Systran est un des pionniers de la traduction automatique qui sert à trois applications. Pour le grand public, il s'agit de comprendre grosso modo le sens d'un texte. Côté professionnel, elle permet de pré-traduire un texte avant l'intervention d'un traducteur professionnel.

D'autres l'utilisent comme « un filtre pour rechercher dans un très grand volume d'informations des données pertinentes et les extraire », observe le directeur scientifique de Systran.

Ce dernier lance cette année une librairie d'analyse multilingue qui s'intègre aux applications du Big Data.

« Notre logiciel intervient en amont pour analyser et filtrer les données dont seront extraites des phrases clés qui contribueront à réduire le volume d'informations à traiter. »

Le Big Data, un puissant moteur de développement

Car le Big Data constitue en effet désormais un puissant moteur de développement pour les technologies linguistiques.

« Avec le Web 2.0, chaque utilisateur produit de très grandes quantités de données qui constituent, pour les entreprises, un formidable gisement d'informations à valoriser. Dans ce contexte, grâce à la précision et à la puissance de leurs algorithmes, les logiciels d'analyse et de recherche de contenu vont fortement se développer », analyse le secrétaire général de LT-Innovate.

Cette association a primé cette année trois entreprises dont Systran ainsi que deux start-up, Syllabs et Dictanova. Cette dernière est spécialisée dans l'analyse qualitative des discussions entre internautes.

« Nous avons développé des outils qui réconcilient les entreprises avec leurs clients », résume Fabien Poulard, président et cofondateur de l'entreprise nantaise Dictanova.

Un logiciel qui décrypte les discussions sur les réseaux sociaux

Celle-ci compte, parmi ses six salariés, deux docteurs en traitement automatique des langues et un spécialiste du Big Data. La start-up vient d'ailleurs de sortir un nouveau logiciel, Le lab du Web Social, qui décrypte les discussions sur les réseaux sociaux.

« Notre solution intéresse les entreprises françaises et étrangères qui veulent savoir comment leur marque est perçue par les francophones. »

Créée il y a sept ans, Syllabs s'apprête pour sa part à lancer ses premiers logiciels de génération automatique de contenus destinés, entre autres, au secteur du e-commerce. L'entreprise, qui compte six informaticiens et six linguistes, a développé des technologies dans le domaine de l'analyse sémantique, du Web Mining (processus d'extraction d'informations stockées dans les serveurs Web), et dans la génération automatique de contenus.

translate world
L'américain Translate Your World propose une application sur PC et smartphone de traduction simultanée capable de gérer 78 langues. / DR

Des textes automatiques et agréable à lire

En se fondant sur des caractéristiques techniques fournies par un fabricant de produits, le logiciel de Syllabs va produire des fiches d'information agréables à lire.

« Notre solution intéresse les places de marché électroniques qui ont des catalogues produits à créer », précise Claude de Loupy, dirigeant et cofondateur de cette entreprise parisienne.

« Notre force, c'est d'être capable, pour une même famille d'articles, de produire des fiches techniques différenciées de manière qu'elles soient bien référencées par les moteurs de recherche comme Google », souligne le dirigeant. Syllabs prépare d'ailleurs d'autres logiciels, notamment pour produire des rapports d'analyse financière ou catégoriser des flux d'informations en vue de construire des flux RSS spécialisés.

Savoir exploiter les échanges avec les clients

Savoir exploiter les données et les échanges avec les clients est devenu un nouveau facteur de compétitivité. C'est du moins ce que démontre Exalead, le moteur de recherche français. L'entreprise, qui compte 150 personnes, a été rachetée il y a trois ans par Dassault Systèmes. Cette année, elle prend une longueur d'avance sur le marché avec son logiciel Exalead OneCall, destiné aux centres d'appels.

« Notre solution donne à leurs agents une vision unifiée des informations sur le client », décrit Grégory Grefenstette, directeur scientifique.

Disponible depuis le début de 2013, OneCall indexe les informations dispersées dans les différentes applications internes de l'entreprise (logiciels de gestion, de relation clients, e-mails, etc.) et sur le Web. Le but ? Les agréger, les analyser puis les restituer aux équipes qui sont ainsi plus efficaces dans leur interaction avec le client.

Parallèlement, Exalead s'adresse aux concepteurs et ingénieurs avec sa solution Exalead OnePart, qui agrège l'information existante concernant les pièces et composants de produits complexes, issus des logiciels de CAO 2D/3D (conception assistée par ordinateur), mais aussi dans toutes les applications connexes.

« Les industriels peuvent ainsi réutiliser l'existant, réduire la production de nouvelles pièces et mieux gérer les stocks. »

Un million d'heures économisées...

Aux internautes que nous sommes, les technologies linguistiques font aussi gagner un temps considérable. C'est l'objet de Kwaga, une start-up parisienne de dix personnes dont trois linguistes.

Lancé il y a deux ans, son service Evercontact actualise les bases de données clients des entreprises ainsi que le carnet d'adresses électronique de ses 50.000 abonnés, principalement américains.

« Sur 1 milliard de courriels traités, nous avons mis à jour 400 millions d'adresses. Soit une économie de temps estimée à 1 million d'heures », précise Philippe Laval, le DG de Kwaga.

Pour développer son service commercialisé entre 4 et 12 euros par mois, l'entreprise a levé près de 3 millions d'euros auprès notamment de Kima Ventures (le fond de Xavier Niel), Seedcamp et Financière fonds privés. Loin de s'arrêter là, Kwaga vient de sortir une nouvelle version de son produit qui permet de détecter automatiquement les coordonnées professionnelles sur les pages Web.

Aider et configurer des assistants personnels

Quant à Xbrainsoft, il s'agit d'une start-up très prometteuse basée à la fois à Lille et dans la Silicon Valley. Xbrainsoft se range au service des utilisateurs finaux grâce à une plate-forme qui aide et configure des assistants personnels.

« À la différence des aides traditionnelles, les nôtres sont capables d'interpréter et de comprendre le sens d'une requête en fonction de la situation dans laquelle elle est émise, précise Emmanuel Mouclier, directeur commercial de l'entreprise entrée en phase d'industrialisation avancée. Les premières démonstrations vont arriver l'an prochain et concerner notamment l'éducation, la santé, la domotique ou encore l'automobile. »

Un exemple ? Les automobilistes pourront être avertis de manière proactive de toute anomalie de leur véhicule ou des meilleurs prix d'essence possibles sur leur itinéraire.

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>>> FOCUS La traduction à la portée des sourds et malentendants

En France, il y aurait entre 100.000 et 150.000 personnes actives souffrant de problèmes auditifs. Avec le recul de l'âge du départ à la retraite, ce nombre va augmenter. D'où l'intérêt des services lancés par le français Delta Process.

« Nous proposons aux entreprises une plate-forme sur Internet très sécurisée qui permet à leurs salariés sourds ou malentendants de suivre des réunions ou de converser par téléphone ou encore d'accéder à des services publics », explique Hervé Allart, le PDG de l'entreprise.

delta process
La plate-forme de Delta Process permet aux salariés malentendants de suivre une réunion grâce au langage des signes. / DR

Créée il y a vingt ans, la PME réalise environ 5 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 80 collaborateurs. Ses interprètes sont formés à la langue des signes et à la sténo pour les salariés qui préfèrent communiquer par écrit.

« En 2014, nous enrichirons la traduction écrite avec des symboles qui identifieront les formes paraverbales [intonations de la voix, ndlr] des conversations orales. »

Ce qui aidera les salariés à mieux apprécier les tendances d'une négociation en cours. Autre amélioration prévue, le recours à des lunettes de type Google Glass qui permettront aux salariés de lire les traductions tout en regardant leur interlocuteur ou leur présentation écrite.

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Commentaire 1
à écrit le 13/11/2013 à 9:06
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Quan d on voit la fiabliité de certains logiciels genre Googletranslate, on peut se dmander la capacite des machines à tradui re des langues parlées. Je rest dubittaif. (les fautes de frappes sont voulues: votre cerveau a parfaitement pu lire et com...

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