L'intelligence artificielle fait son trou dans le marché de l'art

L'artiste Mario Klingemann a vendu pour 46.500 euros une oeuvre qui diffuse sur deux écrans des portraits générés par une intelligence artificielle. Cette deuxième incursion de l'IA dans l'art marque l'ouverture du marché au code créatif.
François Manens
Memories of Passersby I de Mario Klingemann s'est vendu à 40.000 livres.
"Memories of Passersby I" de Mario Klingemann s'est vendu à 40.000 livres. (Crédits : Mario Klingemann)

Pour 40.000 livres (46.500 euros), un internaute anonyme a acquis l'installation Memories of Passersby 1 de Mario Klingemann. L'oeuvre est composée de deux écrans 4K, reliés par des câbles à du matériel informatique logé dans un meuble en châtaignier. Sur les deux écrans défilent en continu des portraits, plutôt masculins pour l'un, plutôt féminins pour l'autre. Ces visages sont générés de façon unique et en temps réel par les réseaux neuronaux de la machine. Un peu plus de 4 mois après la première vente d'une œuvre générée par une intelligence artificielle, écoulée à plus de 400.000 dollars, Mario Klingemann propose une autre vision des possibilités artistiques permises par la technologie, et ouvre un nouveau volet du marché de l'art.

432.500 dollars pour la première vente en octobre 2018

Le marché de l'art contemporain s'élevait en 2018 à 1,9 milliards de dollars, avec un prix moyen de 28.000 dollars par oeuvre, d'après Art Price. Pourtant de plus en plus reconnu, le milieu du code créatif, dont Mario Klingemann est une des figures, ne prend pas encore sa part du gâteau. Depuis près de 15 ans, l'artiste allemand expose son travail, au MOMA et au MET à New York, ou encore au Centre Georges Pompidou à Paris, mais son travail ne s'était jamais vendu aux enchères. Il fait de nouveau figure de précurseur avec cette vente à 40.000 dollars (la tranche haute de l'estimation), opérée à Londres par Sothebys.

La première vente d'une oeuvre sur la base d'un code créatif a eu lieu en octobre 2018. Le collectif parisien Obvious avait présentée une peinture générée par une intelligence artificielle, ou plus exactement, par des réseaux antagonistes génératifs (GAN, en anglais). Au coin du portrait de Edmond De Bellamy, ses créateurs avaient signé d'une formule mathématique, celle de l'algorithme. Estimée à 8.000 dollars par Christie's, l'oeuvre présentée comme "générée par une intelligence artificielle" s'était vendue à 432.500 dollars."C'est la folie du marché de l'art" avait balayé Mario Klingemann, interrogé par le public du GROW festival de Paris. La formule utilisée était disponible en open source sur GitHub depuis plusieurs années, et avait simplement été mise en application puis imprimée. Ensuite, la communication et le récit autour de cette première avaient fait grimper les enchères.

Memomies of Passersby, une prouesse technologique

La différence est que Memories of Passersby 1 n'utilise non pas un, mais six GAN. Un GAN se compose de deux modules, qui œuvrent en parallèle. Le générateur crée des images similaires aux données fournies par l'artiste. Pour cette installation, Klingemann a nourri sa machine de portraits du 17ème, 18ème et 19ème siècles, peints par de grands maîtres. Le second module, le "discriminateur", recale les images trop proches du matériel original. Le système s'améliore grâce à ces interactions, et génère des images uniques. A partir de cette méthode, le résident de Google Arts et Culture a développé de nouveaux algorithmes. Par exemple, il peut mettre les résultats d'un GAN comme matériau de base d'un autre GAN, ou introduire une erreur volontaire dans le code. Certains trouveront un intérêt esthétique à l'oeuvre, et d'autres apprécieront également le travail technique du développeur.

"Ce n'est pas facile de créer une image aussi grande, affichable en 4K, et c'est compliqué de les faire générer à cette vitesse. Sans vouloir me vanter, je ne connais pas beaucoup d'autres artistes qui pourraient aujourd'hui faire la même chose." précise Mario Klingemann

L'installation générera de nouveaux portraits uniques de personnes qui n'existent pas, à chaque seconde, et jusqu'à ce que la machine tombe en panne. Ne comptez cependant pas sur Klingemann pour dire que l'intelligence artificielle est l'auteur de son oeuvre.  Avec un argument imparable : "est-ce que vous demanderiez à un pianiste si son piano est l'auteur de la pièce ?"

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 06/03/2019 à 20:46
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L’homme n’est pas parfait L’œuvre artistique créé par l’IA n’a t il pas «  un caractère narcissique « ? Une œuvre IA ce sont des formules mathématiques Une œuvre artistique c’est une connexion émotionnelle , intelligente , qui sort «  des tripes » ...

à écrit le 06/03/2019 à 18:01
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Autan je comprend l'utilité de l'IA dans l'agriculture, l'industrie et les services; autan je ne comprend pas l’intérêt de celle-ci dans le domaine des arts

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