L'intelligence artificielle remplace-t-elle votre médecin ?

Le numérique prend peu à peu sa place dans les cabinets médicaux et les hôpitaux. Sur ce créneau très prometteur, les jeunes pépites côtoient les géants du numérique.

La médecine est le nouveau terrain de jeux des géants du numérique. Ils disposent d'une arme redoutable pour s'y affronter : l'intelligence artificielle (IA). Après Watson d'IBM et DeepMind récemment racheté par Alphabet (Google), Microsoft tente d'entrer dans la partie. Fin septembre, l'éditeur de logiciels a annoncé développer une méthode IA pour éliminer le cancer. Étonnant ? Pas du tout. Depuis quelques années, l'informatique s'impose dans la pratique médicale avec de très sérieux atouts. Ses logiciels santé s'appellent des algorithmes, des systèmes experts lorsqu'ils sont très élaborés et même « intelligence artificielle » (IA) quand ils regroupent un très grand nombre d'algorithmes et sont capables de se mettre à jour et d'évoluer, tout seuls, en dehors de toute programmation. Alors que les progrès de l'imagerie médicale et de la génétique ont fait exploser le nombre de résultats d'analyses, les médecins n'ont plus le temps d'étudier toutes les données d'un patient. À l'inverse, avec leurs capacités de calcul phénoménales, les ordinateurs commencent à analyser ces milliers de datas et à établir les corrélations intéressantes en seulement quelques heures.

Pour concevoir un système expert médical, les chercheurs « apprennent » les bases de la médecine à leurs solutions numériques et les spécialisent dans un type d'acte médical ou de pathologie. Ainsi, les logiciels deviennent des aides au diagnostic ou à la décision thérapeutique. Watson s'est distingué sur l'identification des meilleurs traitements pour les patients atteints de cancer du poumon et DeepMind se spécialise dans la radiothérapie des cancers de la tête et du cou.

Il faut dire qu'avec 3 .000 nouveaux articles indexés chaque jour dans la base de données médicales et biologiques PubMed, même le meilleur médecin ne peut plus rester parfaitement à jour dans sa spécialité. De plus, avec les progrès de la génétique, il faut prendre en compte de nouvelles caractéristiques des patients pour mieux les soigner. Porté par ces évolutions, un nouveau marché de la santé numérique est en train de s'ouvrir. Un marché essentiel, dans lequel les géants de la Silicon Valley comptent d'avantageuses positions, tandis que les startups se multiplient et que les meilleures d'entre elles commencent à se faire connaître.

En France, c'est par le biais des objets connectés que le grand public a découvert cette nouvelle façon de soigner. Et l'a rapidement plébiscitée, alors que les autorités médicales et la Sécurité sociale n'y étaient franchement pas favorables. Équipées de systèmes simples, les apps santé grand public sont encore loin de l'intelligence artificielle. Mais elles peuvent aider les patients à comprendre leur état et faire gagner du temps aux praticiens. C'est le cas du docteur numérique de Visiomed (120 salariés et 13,7 millions de CA en 2014), qui propose des consultations virtuelles sur le Net. Début 2015, l'entreprise d'Éric Sebban a intégré à sa plateforme un algorithme décryptant les symptômes pour des prédiagnostics automatisés. Un logiciel utilisé par SOS Médecins Paris et accessible au grand public depuis le printemps !

Le partage des datas santé profite enfin aux startups

Plus spécialisées, de nombreuses solutions se lancent sur le marché B to B à destination des hôpitaux, des cabinets médicaux et des pharmas. L'un des pionniers est le français Ariana Pharma (17 salariés), qui développe des systèmes d'analyse de datas santé depuis 2003. Sur le marché du conseil médical, elle cherche à proposer aux oncologues les meilleurs choix de traitements, seuls ou en combinaison, à partir du profil du patient et de plus de 7. 000 marqueurs génétiques.

Pour son fondateur Mohammad Afshar, l'une des bonnes initiatives du secteur est le partage des datas santé nécessaires à l'élaboration des systèmes experts. Des datas longtemps interdites aux startups françaises, qui les achetaient à l'étranger.

« De plus en plus de chercheurs mettent leurs bases de données en commun au sein de mouvements internationaux. Avec plus de deux millions de résultats de traitements selon les profils génétiques, cela permet d'améliorer nettement l'efficacité de nos solutions. »

Depuis 2011, Sophia Genetics (120 salariés), basée à Lausanne, met au point une intelligence artificielle pour déterminer quelles mutations génomiques se cachent derrière quelles pathologies et quels traitements permettent de les soigner. En travaillant sur les concordances entre profils génomiques, pathologie et réponses aux traitements, son fondateur Jurgi Camblong propose une analyse fiable du big data. Sa bonne idée : créer une méthode pour rendre les analyses comparables, malgré la diversité des outils de production des données, sans perdre la finesse des données. Aujourd'hui, presque 200 hôpitaux accèdent à des diagnostics cliniques en deux heures, via sa plateforme analytique.

« Notre solution facturée au test évolue sans cesse en fonction des nouvelles données des établissements hospitaliers, précise Jurgi Camblong. Et si notre intelligence artificielle est auto-apprenante, chaque évolution est supervisée, afin d'en garantir la fiabilité. »

De l'étude d'images médicales à l'assistance chirurgicale

Avec l'informatique, l'analyse d'images médicales a bénéficié des progrès de la vision par ordinateur et de l'apprentissage machine. Avec ces technologies, la jeune pousse DreamUp Vision cherche à dépister les maladies de l'œil liées au diabète, à partir de l'image de la rétine. Lors d'un hackathon organisé par Novartis, ses fondateurs ont compris que leur algorithme serait utile à la détection des rétinopathies diabétiques. Avantage : un repérage précoce permet de réduire la dégradation des fonctions visuelles, alors que les premiers symptômes mettent du temps à apparaître. Avec DeepMind, Alphabet a aussi spécialisé son IA sur la reconnaissance d'images pour définir les zones à traiter en radiothérapie.

Autre créneau porteur : l'assistance chirurgicale. Déjà, on entend parler de robots en salle d'opération pour des gestes encore plus précis. Médecin et mathématicien, Philippe Cinquin dirige une unité de recherche CNRS sur les applications de l'informatique à la médecine, à Grenoble.

« Dans le champ opératoire, l'étude de toutes les images permettra d'optimiser la trajectoire d'intervention et le positionnement des outils chirurgicaux. Déjà, de nombreuses startups se sont positionnées sur le secteur de la chirurgie assistée par ordinateur, comme Koelis, Endocontrol, Surgi-Qual Institute, Imactis ou Uromems. »

Selon Elsy Boglioli, directrice associée au Boston Consulting Group, la tentative de modélisation de différentes fonctions de l'organisme est un des meilleurs potentiels de l'IA médicale, à l'instar des deux grands projets de modélisation informatique du cerveau : Human Brain Project, doté d'un milliard d'euros par l'Europe et son jumeau américain, Brain Initiative.

« Certaines entreprises commencent à faire des essais cliniques sur plateformes in silico, c'est-à-dire par algorithmes, précise la directrice associée au Boston Consulting Group. Cette modélisation est très longue à mettre en œuvre du fait de l'immense complexité du corps humain. Mais ces modèles vont révolutionner les méthodes de l'industrie pharmaceutique. Ils permettront de réduire le nombre d'essais cliniques et le délai de mise sur le marché des nouveaux traitements. »

C'est bien sur ce créneau que s'est lancée Novadiscovery en 2010. Basée à Lyon, la jeune pousse (10 salariés) modélise les essais pharma in silico pour assister les programmes R et D des biopharmas. Sa solution informatique identifie le profil des patients qui répondront le mieux aux traitements, afin d'améliorer les résultats des essais cliniques « en vrai ». Et d'élargir l'exploration du traitement par des hypothèses mathématiques, peu coûteuses et rapides au regard des essais. Chez Novadiscovery, la modélisation repose sur la littérature médicale et scientifique. Mais contrairement aux traitements big data, ces informations sont d'abord filtrées par des spécialistes.

« Nos biomodélisateurs élaborent un état de l'art de la maladie, traduit ensuite en formalisme mathématique et computationnel, explique son fondateur et PDG François-Henri Boissel. Ce type d'approche est plus fiable, car il repose sur une représentation mécaniste des liens biologiques, contrairement aux approches big data fondées sur des corrélations. »

Un marché français des logiciels santé estimé à 1,5 milliard d'euros

Dans les débats menés autour de la numérisation du médical, la nécessité de l'intermédiation d'un cerveau humain est souvent évoquée. Car les sciences de la vie ont encore de grandes incertitudes sur les biomécanismes cellulaires et les influences génétiques. Selon Patrick Biecheler, associé en charge du pôle Industrie pharmaceutique & Santé du cabinet Roland Berger, c'est l'un des handicaps des datas santé.

« Le médecin devra garder la main sur le développement de ces technologies pour les incorporer à sa pratique, tout en contrôlant l'évolution nécessaire de ces pratiques médicales sous l'effet de l'IA. »

Pousser les praticiens à s'investir dans ces innovations, c'est ce que fait Cécile Monteil avec son ONG Eppocrate. Selon elle, le plus dur reste le modèle économique, car comme toujours dans la santé, les consommateurs potentiels sont des assurés sociaux qui s'attendent à être remboursés. « Lorsqu'un outil comme Diabeo, après plusieurs années de développement et d'essais cliniques, démontre son intérêt pour le traitement du diabète, la Sécurité sociale lui demande en plus de prouver qu'il y a aussi un intérêt en termes de réduction des dépenses de santé, déplore-t-elle. Diabeo serait aujourd'hui en phase d'être finalement remboursé, il aura fallu plus de dix ans ! »

Une fois encore, le modèle économique reste le casse-tête qui peine à faire passer les startups en phase de développement. Par exemple, les assistants chirurgicaux numériques qui améliorent la sûreté et la réussite de gestes opératoires devront affronter de longues procédures pour être inscrits dans la liste des remboursables, afin que le financement des actes médicaux les prenne en compte. Avec sa consultation virtuelle à 4,90 euros par mois, Visiomed se tourne vers les complémentaires santé. « Elles sont les grands payeurs de demain, affirme éric Sebban. La mutuelle interprofessionnelle Eovi Mcd l'a intégrée à sa gamme de complémentaire santé destinée aux 55 ans et plus. »

Avec l'appui d'une quinzaine d'experts, l'université de Stanford vient de publier sa vision des progrès de l'IA d'ici à 2030. Un document qui place beaucoup d'espoirs dans les applications santé, si ces dernières parviennent à gagner la confiance des médecins et des patients. En France, le potentiel du marché des logiciels santé est estimé à 1,5 milliard d'euros (étude DGE E-santé : faire émerger l'offre française). Quelque 30 % de ses acteurs sont des startups affichant moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires...

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Commentaires 2
à écrit le 17/10/2016 à 11:15
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LA MEDECINE PARS VIDEOS N EST PAS UN PROGRES RIEN NE VAUT LE CONTAC HUMAIN ENTRE LE MEDECIN ET SONT PATIENT/ MAIS BEAUCOUP DUTILISATION DE LOGITIEL FAFORISERONS LE PROGRES MEDICAL AVEC LE RASENBLEMENT DES DONNEES SUR LES PATHOLGIES/ PAR CONTRE IL FA...

à écrit le 16/10/2016 à 18:55
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on travaille tous dessus apres, c'est monstrueusement complexe........ on a deja des idees de ou ca coince et comment resoudre certains pbs mais ca sera long par contre certains articles angeliques me font plus que sourire, au meme titre que certai...

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