Anne-Charlotte Vuccino, le yoga au bureau par essence

Créatrice d'une nouvelle méthode de yoga « corporate » qui fait fureur aujourd'hui, Anne-Charlotte Vuccino a bien failli passer à côté de sa vocation. À tout juste 32 ans, la voilà à la tête de Yogist, société qu'elle a créée il y a deux ans et qui ne cesse de se développer depuis.
Valérie Abrial

« Finalement c'est vrai : "Tout ce qui ne me tue pas, me rend plus fort" ! » lance Anne-Charlotte Vuccino comme une évidence.

Cela pourrait paraître un peu cliché, mais il faut bien reconnaître une certaine vérité à la fameuse phrase de Nietzsche. Celle d'Anne-Charlotte en tout cas, dont le parcours a de quoi embellir les esprits les plus moroses.

D'abord, il y a le caractère enthousiaste et énergique qui habitent la jeune femme par nature. L'histoire commence aux oraux du concours de Normal Sup à Lyon où, à la lecture du sujet « Changer de vie », Anne-Charlotte ressent un déclic qui la pousse à quitter la salle immédiatement.

« J'avais 20 ans, j'ai compris que je voulais faire quelque chose de concret. Je me suis inscrite à HEC où j'ai traversé un certain nombre de doutes malgré tout. Jusqu'à ce que je découvre une association qui réalisait des actions de microcrédit au Bénin. J'ai décidé de m'engager et suis partie avec une équipe pour diriger le projet. »

Six opérations en six mois

Anne-Charlotte se lance à fond dans l'aventure humanitaire ; hélas, celle-ci est stoppée prématurément lorsque la jeune femme se fait percuter violement par un gendarme en moto sur une piste de terre. Transportée dans un dispensaire de brousse, Anne-Charlotte reçoit les premiers soins mais sa jambe est si abîmée que le rapatriement à Paris est organisé au bout de trois jours. De l'opération qui s'ensuit survient une forte fièvre, résultat d'une première infection nosocomiale.

Première... car au total, ce sont cinq infections de ce type qui vont faire de la vie d'Anne-Charlotte un cauchemar. En six mois, elle subit six opérations. D'acte chirurgical en acte chirurgical, la gangrène menace. La douleur vire à l'angoisse ; les chirurgiens envisagent l'amputation.

« À ce moment, j'ai eu un réflexe de survie. J'ai vaincu une à une les infections. J'ai fini par sortir de l'hôpital et ai commencé la rééducation avec une jambe complètement raide. Les médecins alors, sont formels : mon genou est foutu, je ne remarcherai plus jamais normalement. »

Là encore, c'était mal connaître la force de caractère d'Anne-Charlotte Vuccino, qui, optimiste dans l'âme, était loin d'avoir dit son dernier mot.

Le yoga sur une chaise, c'est possible !

Alors qu'elle rejoint le monde de l'entreprise et reprend des activités de conseils, Anne-Charlotte, toujours aussi mal en point physiquement, se laisse entraîner par une collègue de bureau férue de yoga, et expérimente la pratique.

« J'avais tout tenté en termes de rééducation, j'étais très fatiguée par la morphine et les antidouleurs, et je découvre le yoga. Je constate que petit à petit je récupère, je suis moins raide. Je pars en Inde pour pratiquer là-bas. La douleur s'estompe et j'espace la prise de médicament. J'arrête de voir mon kiné et mon chirurgien. Je fais du yoga tous les jours. Je change mon alimentation. Les inflammations diminuent. Je vais mieux. Beaucoup mieux. J'ai envie de partager mes expériences et ce mieux. »

Et c'est ce qu'Anne-Charlotte s'attache à faire. Avec l'aide d'un ami qui lui met à disposition son atelier de cuisine, transformé pour l'occasion en studio de yoga, la jeune femme donne ses premiers cours à quelques collègues et relations amicales. Et ça marche ! Tous reviennent.

« Je me rends compte que mes cours sont utiles et j'en parle de plus en plus autour de moi. À un client particulièrement, à la tête d'une grande entreprise, qui avait pris l'habitude de m'appeler "la yogist". Et c'est lors d'une réunion de travail que je lui propose quelques exercices. À l'issue de la séance, mon client a été bien plus reconnaissant avec moi que lorsque je lui transmettais les tableaux Excel durant mes six années de consulting. Forcément, cela me fait cogiter. Et c'est à ce moment que me vient l'idée de se faire côtoyer le monde de l'entreprise et celui du yoga. De créer un pont. J'étais l'exemple même des bienfaits de ce lien. J'avais le sentiment que ma légitimité était ailleurs et l'idée de faire quelque chose d'utile me réjouissait. »

De fil en aiguille et de bouche-à-oreille, le yoga au bureau d'Anne-Charlotte se fait connaître et de grands groupes commencent à faire appel à ses services pour des séminaires. Sans en avoir l'air, Yogist est en train de naître.

« Il fallait imaginer une nouvelle méthode qui pourrait se pratiquer au bureau, sur tapis quand cela est possible mais surtout sur chaise. Je suis donc partie en Inde me former au yoga thérapeutique, j'en suis rentrée diplômée et ai écrit une méthode adaptée aux personnes qui travaillent en bureau. J'avais bien sûr identifié les parties du corps qui souffrent quand on est assis devant un ordinateur. »

La méthode Yogist, validée par des ostéopathes et des psycho-ergonomes, prend de la hauteur. Anne-Charlotte créé sa société en septembre 2015 et édite la méthode quelques mois plus tard. Les clients se multiplient. Rien d'étonnant en ces temps où la déconnexion devient urgente et où la jeune génération souffre de maux habituellement plus familiers aux quinquas, comme l'arthrose, les lombalgies et les problèmes cervicaux et articulaires.

Semer et développer

Après un an de formation en ayurveda (médecine traditionnelle indienne), Anne-Charlotte devient la spécialiste du bien-être au bureau, lance des séances en e-learning, forme des professeurs de yoga à la méthode Yogist, et a récemment ouvert deux nouvelles adresses à Londres et São Paulo.

« Mon expérience me prouve que lorsque vous avez un concept qui vous correspond, vous pouvez allier passion et profession. J'y suis arrivée seule, sans financement. Et même si je suis sans filet, nous avons été rentables dès la première année. J'aime l'idée qu'avec Yogist, nous semons. L'idée que d'autres peuvent le faire. Ce qui compte c'est d'écouter son intuition et d'être en accord avec soi-même. »

Et l'avenir ?

« Nous développons Yogist avec des relais en régions et dans les métropoles ; avons le projet d'ouvertures à Singapour, à Dubaï, en Europe et aux États-Unis. Nous allons également créer un centre de formation en 2018, développer l'e-learning et étendre la méthode à d'autres secteurs que celui du bureau comme ceux des équipementiers et de la vente ». Le bien-être pour tous, en somme.

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TIMELINE

  • 1985 Naissance à Paris.
  • 2003-2005 Hypokhâgne et Khâgne spécialité Philosophie au Lycée Henri IV. Admissible à L'ENS, intègre le programme grande école HEC.
  • 2006 Accident sur le terrain lors d'une mission humanitaire avec Action pour le Bénin.
  • 2008-2009 Double Master CEMS en management international à la Copenhagen Business School.
  • 2009-2014 Directrice conseil au sein de Footprint Consultants, bras droit de Philippe Manière.
  • 2014-2015 Directrice de projets Web Allociné, Webedia.
  • Avril-septembre 2015 Formation de yoga thérapeutique en Inde, rédige la méthode Yogist, créé la Sasu Yogist, recrute et forme les premiers professeurs.
  • Septembre 2016 Publie l'ouvrage Comme un yogist aux éditions Solar et produit le programme de e-learning « Bien au bureau ».
  • Juillet-août 2017 Intègre la Station F et élargit son équipe, cré deux filiales, au Brésil et au Royaume-Uni.
Valérie Abrial

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Commentaires 2
à écrit le 21/11/2017 à 0:18
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Une bien belle histoire comme on nous en raconte souvent sur les "entrepreneurs"...en revanche aucun chiffre sur les emplois durables ou la valeur créés...

à écrit le 18/11/2017 à 12:47
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Un sacré parcours! Bravo.

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