Bpifrance met le paquet sur l’international

Alors que les 235 salariés de Coface, l’agence dédiée au développement des entreprises à l’étranger, intégreront BPIFrance en septembre, la banque publique renforce ses produits financiers en direction des startups, PME et PMI qui souhaitent s’internationaliser. Et compte déployer un véritable arsenal de guerre en 2016.
Sylvain Rolland
BPIFrance s'attaque désormais à un chantier ambitieux : l'internationalisation des pépites françaises.

Jeudi 11 février, 19h30. Plus de deux cents entrepreneurs sont pendus aux lèvres de cinq business men français, tous exilés - avec succès - aux Etats-Unis. Le public, fasciné, ne perd pas une miette du récit de l'épopée américaine de ces frenchies qui ont osé franchir l'Atlantique pour développer leur activité. Cela tombe bien, c'était précisément l'objectif de la soirée, intitulée "Embarquement pour les USA", organisée par BPIFrance avec le réseau French Founders. Et le message a été reçu cinq sur cinq.

Nicolas Dufourcq, le directeur de la Banque publique d'investissements (BPIFrance) a posé clairement les enjeux:

"Aujourd'hui, une entreprise qui réussit a besoin d'avoir un pied en France et l'autre à l'international. Maintenant que BPIFrance s'est imposée comme un acteur incontournable pour le financement des entreprises de l'Hexagone, il est temps devenir aussi la banque des entrepreneurs conquérants à l'international, et même des Français de la diaspora !".

"On va aller taper aux portes des entreprises"

Depuis sa création, début 2013, BPIFrance a fait beaucoup de chemin. En 2017, la banque publique aura déjà investi 8 milliards d'euros dans les entreprises de France et de Navarre. Axée sur le développement de l'innovation et de la culture de l'entrepreneuriat auprès des startups, des PME et des ETI, BPIFrance s'attaque désormais à un chantier tout aussi ambitieux : l'internationalisation. Il y a du travail : la part de marché de la France dans les exportations mondiales est passée de 6,2% à 3,3% en vingt-cinq ans. Autre chiffre révélateur de cette faiblesse française : l'Hexagone compte deux fois moins d'entreprises exportatrices que l'Italie, et trois fois moins que l'Allemagne.

Pourtant, "l'internationalisation s'impose comme un relais de croissance important et un enjeu majeur de la nouvelle donne économique", explique Pedro Novo, le directeur de BPIFrance Export. D'où la volonté de mener, à partir de cette année, un travail de simplification et de pédagogie auprès des entreprises. "Toute une génération d'entrepreneurs de startups a compris que l'accélération de croissance passe par l'internationalisation. Mais il reste encore un gros travail auprès de certaines PME et ETI", précise-t-il.

Les freins sont bien identifiés : la peur d'aborder un marché inconnu, le manque de réseau sur place et la complexité de l'installation, doublée d'un manque d'information et de clarté sur les aides financières disponibles. "Beaucoup d'entreprises doivent encore effectuer cette démarche mentale et psychologique de l'internationalisation, c'est pour cela qu'on va aller taper à leur porte pour leur expliquer pourquoi ils doivent le faire".

Le "guichet unique" des entreprises en quête d'internationalisation

Pour joindre les idées à la pratique, BPIFrance mène actuellement un vaste chantier de développement de produits financiers et de simplification des démarches pour devenir le "guichet unique" des entreprises qui regardent vers l'étranger.

La fusion avec Coface -et l'intégration de ses 235 salariés, prévue pour la fin septembre- devrait faciliter les choses. Tout comme le renforcement du partenariat avec Business France, acté début février. L'objectif : créer des "chargés d'affaires internationaux" spécialement dédiés à l'accompagnement des startups à l'étranger. Sur le modèle des 45 chargés d'affaires français qui agissent dans les régions françaises.

La banque vise surtout à faire connaître et à déployer ses nombreux produits financiers, dont la plupart peuvent se combiner avec un financement privé. Ainsi des Prêts Croissance International (PCI). Destinés aux PME et ETI, ils ambitionnent de les aider dans leurs investissements liés à l'export et pour alimenter leurs fonds de roulement. En 2015, 500 millions d'euros de ces prêts remboursables sur 7 ans ont été accordés, soit une nette progression par rapport à 2014.

Autre dispositif très apprécié : les Garantie de projets à l'international (GPI), une sorte d'assurance qui permet à une entreprise de récupérer 50% de sa mise en cas de défaillance de sa filiale créée en dehors de l'UE. Couplée à une série d'outils de "court terme", comme des avances sur des créances contractées à l'étranger, ces produits fournissent une panoplie assez large d'outils à la disposition des entrepreneurs.

Donner aux startups un "soft power" local

Cette stratégie s'accompagne aussi d'un soutien renforcé des entreprises dans le pays où elles investissent. Le développement des "fonds crossboarders" semble même être l'un des grands chantiers de 2016. L'objectif ? Offrir aux startups un "soft power", c'est-à-dire leur faciliter l'accès au marché local en les mettant en relation avec des fins connaisseurs de l'écosystème local, à l'image de sociétés de gestion implantées dans les deux pays.

C'est le cas du fonds franco-chinois, lancé en juillet 2015. Créé par Cathay Capital, très présent en Chine, avec le soutien de China Development Bank, il investira dans 12 à 18 sociétés innovantes situées en Chine et en France. Dans la même veine, un fonds franco-tunisien a été inauguré le 2 février dernier. Et un fonds "franco-africain" devrait voir le jour en 2016.

Jusqu'à financer les Français qui créent directement leur entreprise à l'étranger ?

Ces initiatives seront-elles suffisantes pour désinhiber les entrepreneurs français ?  "Les mentalités évoluent vite", estime Pedro Novo.

En effet. Pris dans son élan, BPIFrance ne compte pas s'arrêter là. L'organisme aimerait aussi devenir "la banque de la diaspora française", en aidant les Français montent leur startup... à l'étranger. Une volonté qui se situe à contre-courant, donc, du patriotisme économique ambiant, comme Nicolas Dufourcq l'a expliqué jeudi 11 février:

"Aux Etats-Unis, l'Etat du Delaware abrite de nombreux sièges d'entreprises car c'est un paradis fiscal. Les actionnaires [de BPIFrance, NDLR, dont l'Etat] veulent qu'on se concentre sur l'emploi en France, mais ce tabou ne nous intéresse pas. Aujourd'hui, la barrière est tombée, on veut aussi aider les talents français qui créent leur boîte à l'étranger".

Ce combat-là sera plus difficile à mener. "Il faut en finir avec la vision que chacun doit investir chez soi", ajoute Pedro Novo, qui affirme avoir constaté "un vrai besoin de financement" des entrepreneurs français installés à l'étranger. Pour l'heure, il n'existe aucun moyen de financer de Paris une entreprise créée dans un autre pays. Pas sûr qu'il soit une priorité dans le contexte économique et politique actuel.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2016 à 11:40
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c'est bon ça. espérons que les Français vont suivre. il va falloir insister sur l'apprentissage de l'Anglais (et/ou autres langues). financer ceux qui créent à l'étranger peut paraître osé. mais ces entreprises auront probablement une implantation e...

à écrit le 23/02/2016 à 8:47
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oui, s'internationaliser c'est tres dur, et ca demande bcp de travail et ca coute tres cher ( credocs, couvertures de change, etc, voire pire, implantation a l'etranger!) alors il faut de preference des boites rentables avec fonds propres corrects ...

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