CES 2016 : le marathon de Macron, VRP des startups françaises

Le ministre de l’Economie profite du CES de Las Vegas pour se transformer, du 6 au 9 janvier, en ambassadeur de l’innovation française auprès des investisseurs internationaux et des géants du Net américains. Décryptage d’une opération de communication bien huilée.
Sylvain Rolland
Les équipes du ministre de l'Economie ont mis sur pied un marathon de trois jours à Las Vegas et dans la Silicon Valley pour promouvoir l'innovation française.

Un parcours calibré au millimètre. Pour son deuxième voyage officiel à Las Vegas et dans la Silicon Valley, Emmanuel Macron se transformera, du 6 au 9 janvier, en ambassadeur privilégié de l'innovation made in France. Le meilleur allié des entrepreneurs.

Le ministre de l'Economie profitera de la présence massive d'entreprises françaises au CES (190 au total, soit 30 de plus que l'an dernier) pour vanter les réussites hexagonales, améliorer l'image de la France comme terre d'innovation et inciter les investisseurs à soutenir les pépites françaises à l'image de Sigfox, Netatmo ou Devialet, qui ont toutes confirmé être sorties de l'ombre lors de l'édition 2015.

Deux "séquences" bien remplies

Cette grande opération de communication a été pensée dans ses moindres détails par son équipe, qui a préparé deux "séquences" américaines, menées tambour battant.

La première se situe à Las Vegas, où se tient, du 6 au 9 janvier 2016, le Consumer Electronics Show (CES), la grand-messe mondiale de l'électronique grand-public. Dès sa sortie de l'avion, le mercredi 6, le ministre sera l'attraction principale d'une "soirée French Tech" organisée dans le luxueux hôtel-casino Linq. L'occasion de "faire du networking" en présence de patrons de startups françaises exposantes au CES, d'investisseurs, et de la presse française et internationale.

Le lendemain, le ministre passera la journée dans les allées bondées du CES. Au programme: une "déambulation" parmi les Français exposés dans l'Eureka Park, l'endroit privilégié où sont regroupées les startups les plus innovantes. La France y est particulièrement bien représentée avec 128 startups (68 l'an dernier), soit le deuxième contingent mondial. Seuls les Etats-Unis font mieux (193 startups), mais les autres pays sont loin derrière (17 startups pour Israël, 14 pour le Royaume-Uni, 10 pour l'Allemagne).

La présence du médiatique Emmanuel Macron à Las Vegas vise à faire des startups françaises les stars du CES en obtenant des articles dans les médias internationaux et en fournissant aux télévisions de nombreuses images. "L'idée est d'amplifier l'impact de leur présence pour améliorer leur chiffre d'affaires", affirme David Monteau, le directeur de la Mission French Tech.

Une logique de "show à l'américaine" qu'explique bien Eric Morand, le directeur du département Tech et Services de Business France:

"L'an dernier, les startups françaises étaient déjà l'attraction de la presse internationale, le CES a fortement contribué à changer l'image de l'écosystème d'innovation français. Cette année, on est attendus au tournant, il faut faire les choses en grand."

>> Lire : CES 2016 : les Français dans les starting-blocks

Rencontre avec Tim Cook et le patron de Google X

La deuxième "séquence" d'Emmanuel Macron sera tout aussi expéditive que la première. A la différence près qu'elle se délocalisera dans la Silicon Valley, le temple mondial de l'innovation, du jeudi 7 au soir au samedi 9 au matin.

Loin de l'effervescence du CES de Las Vegas, le passage dans la baie de San Francisco visera à "se frotter à la culture de la Silicon Valley", prise en exemple pour le dynamisme de son écosystème entrepreneurial. Cela passera par une rencontre avec la communauté française lors d'un "afterwork French Tech", jeudi soir. Jean-François Rudelle, le patron de Critéo et auteur du livre "On m'avait dit que c'était impossible", qui vit dans la Silicon Valley, sera présent.

Le ministre, qui dit souvent à ses interlocuteurs étrangers que ""entrepreneur" is a french word", rencontrera également le vendredi soir "une dizaine" de venture capitalists, des investisseurs au portefeuille bien garni, et quelques "licornes" [startups valorisées plus de 1 milliard de dollars, Ndlr]. Pour leur faire comprendre que la France compte dans l'innovation mondiale, il pourra s'appuyer sur le soutien inattendu de John Chambers, le patron de Cisco, en octobre dernier. Celui-ci déclarait sur l'antenne d'Europe 1 qu'il doublait ses investissements dans l'Hexagone car "la France, c'est l'avenir" de l'Internet des objets.

Emmanuel Macron profitera aussi de son séjour dans la Silicon Valley pour récolter conseils et bonnes pratiques auprès des géants de la high-tech. Pour cela, rien de tel que les GAFA. Après un petit-déjeuner avec Astro Teller, le Pdg du laboratoire futuriste Google X qu'il avait déjà vu à Paris, Emmanuel Macron rencontrera Tim Cook, le Pdg d'Apple, ainsi que des académiciens comme le futurologue Paul Saffo, également professeur à la prestigieuse université de Stanford.

La communication, une arme de mieux en mieux maîtrisée par la French Tech

Depuis le CES de l'an dernier, les efforts du gouvernement en matière de communication à l'international sur les réussites françaises se sont sensiblement accrus. Ce voyage officiel s'inscrit ainsi dans la droite lignée du voyage de François Hollande en Californie, en 2014, et surtout des déplacements d'Emmanuel Macron à Boston et à New York en juin 2015, puis à Tel-Aviv, en septembre, pour promouvoir la French Tech.

La logique est simple: dans l'économie numérique, les startups doivent rapidement lever des fonds et s'internationaliser si elles veulent prospérer, ou même simplement survivre. Une part de plus en plus importante de leur chiffre d'affaires s'effectue d'ailleurs à l'étranger (39% en 2013, le double par rapport à 2012).

Dans ce contexte, l'Etat suit scrupuleusement une "stratégie", mise en place depuis le début de l'année, pour renforcer l'attractivité internationale de la French Tech. Elle vise à tisser des liens avec l'écosystème des investisseurs mondiaux, à tirer des enseignements des succès étrangers et à utiliser les communautés francophones partout dans le monde pour restaurer l'image de la France.

Car, même si les mentalités évoluent, le pays a toujours fort à faire dans ce domaine. La taxe à 75%, la révolte des Pigeons, les affrontements entre Uber et les taxis, le bras de fer entre Arnaud Montebourg et Yahoo sur le rachat de Dailymotion, ou encore l'agression du DRH d'Air France, peinent à être effacées par les levées de fonds spectaculaires de Blablacar, Sigfox ou Netatmo.

French Tech Hubs, French Tech Tickets et FrenchTech Discovery Tour

En raison de son poids politique et de son image moderne et libérale qui séduit les entrepreneurs, Emmanuel Macron est une carte maîtresse dans cette stratégie. Bien plus qu'Axelle Lemaire, la secrétaire d'Etat au numérique, qui est reléguée dans l'ombre lorsque les choses sérieuses commencent.

En 2015, le ministre de l'Economie était sur tous les fronts. Il a inauguré les "French Tech Hub" de Boston, New York et Tel-Aviv. Crées par la Mission French Tech, ces initiatives visent à organiser un écosystème entrepreneurial dans les métropoles attractives, pour y accélérer le développement des startups françaises qui souhaitent s'y implanter et y renforcer l'attractivité de la France auprès des investisseurs et des médias.

Le gouvernement travaille aussi à attirer les étrangers en France pour mettre fin à la "fuite des cerveaux". C'est l'objectif du Pass French Tech Ticket, lancé en mai dernier avec la collaboration de la Ville de Paris. Enfin, Emmanuel Macron, encore lui, a reçu, en octobre dernier, des investisseurs du monde entier, et notamment asiatiques, au très prestigieux Château de Versailles. Il s'agissait de changer drastiquement leur vision de la France en leur organisant un FrenchTech Discovery Tour.

Ce volontarisme paie. Selon Bercy, près de 1 milliard d'euros auraient été levés par les startups françaises sur le seul troisième trimestre 2015. Réussir le CES est donc essentiel pour le gouvernement pour commencer l'année 2016 sur des chapeaux de roues... Dans un contexte morose, ce sera déjà ça.

Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 22/12/2015 à 11:55
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Il faut remarquer que les universités de province font du très beau travail à ce sujet et aident bien les jeunes créateurs d'entreprises (jeunes pousses). Notre système social est un désastre total pour les indépendants, on devrait les chouchouter e...

le 23/12/2015 à 9:17
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@Pemmore "Notre système social" "merci le rsi de préférer votre fric aux chomistes". C'est bien là le probème : jusqu'à une certaine époque, les indépendants étaient affiliés à quelque chose qui fonctionnait plutôt bien : la Sécurité Sociale. A u...

à écrit le 22/12/2015 à 8:57
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A propos de communication ! Utilise t il le système Squareway by Vivaction ? Start up française qui a ma connaissance ne fait pas partie de ses invités ! Pourtant la protection de la voix et de la data devrait être une priorité pour les entreprises q...

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