Early Metrics, la première agence de notation des startups

Antoine Baschiera, co-fondateur d'Early Metrics, explique à La Tribune le fonctionnement de son système indépendant de notation des startups. L'objectif : fournir aux investisseurs un instrument pour investir de manière sereine et aux startups une analyse gratuite de leur business model. Entretien.
Sylvain Rolland
Basé sur un algorithme et sur l'analyse des employés d'Early Metrics, le système de notation prend en compte la qualité des dirigeants, du business model et du marché de la start-up.

Il n'y a pas que Standard & Poor's, Moody's et Fitch dans le paysage des agences de notation. Depuis l'an dernier, un petit Français, Early Metrics, s'est aussi lancé dans le business de l'évaluation. A la différence près qu'il ne s'intéresse pas aux Etats et aux grandes entreprises, mais aux startups françaises et européennes, avec l'objectif de les aider à trouver des financements ou à réorienter leur business model.

Antoine Baschiera, le jeune co-fondateur de 24 ans, explique à La Tribune le fonctionnement de son agence de notation, qui rêve de devenir "un label indépendant de référence", le pont qu'il manquait entre l'écosystème des startups, en pleine expansion, et celui des investisseurs. Entretien.

LA TRIBUNE. Pourquoi créer une agence de notation des start-ups ?

ANTOINE BASCHIERA. L'écosystème des startups se densifie de plus en plus, si bien que les investisseurs ne savent plus où donner de la tête. Enormément de startups se créent et espèrent trouver des financements pour pouvoir se développer. Dans cette jungle, il manquait un tiers de confiance qui se situe entre les startups et les investisseurs, pour mieux les guider dans leurs choix d'investissements.

Nous sommes très différents d'une agence de notation classique. D'une part, car nous nous positionnons sur les startups et les PME innovantes et non pas sur des Etats. D'autre part, car les sociétés ne paient pas pour être notées, elles y ont accès gratuitement après une pré-sélection de notre part. Enfin, notre philosophie est différente car nous ne sanctionnons pas les startups, nous ne pouvons pas les détruire, seulement les aider.

Quels sont vos critères de notation ?

Notre système de notation se fonde sur un algorithme créé en interne et sur l'analyse de nos experts. Nous avons définis une cinquantaine de critères, avec l'objectif de ne pas prendre en compte des paramètres uniquement financiers. La note, sur 100, juge à la fois la qualité des dirigeants, celle du projet et la taille du marché. Pour évaluer les dirigeants, nous passons plusieurs heures avec eux, soit par téléphone, soit de visu, pour identifier leurs qualités, leurs faiblesses et leur vision.

Pour évaluer le projet, nous regardons l'innovation technique ou de service, les besoins de financement, le business model et sa capacité à se développer. Pour analyser le marché, nous prenons en compte sa taille, mais aussi les concurrents, les barrières à l'entrée et les contraintes réglementaires. L'ensemble de ces facteurs nous permet d'aboutir à une note.

Quelle note correspond à un business model viable ?

Une bonne note se situe aux alentours de 70 sur 100. Cela veut dire que l'entreprise dispose de bonnes perspectives de développement. Les startups qui obtiennent 75 ou 78 points sont très performantes et quasiment assurées de prospérer. Notre meilleure note s'élève, pour l'instant, à 83/100, tandis que les plus basses se situent juste en-dessous de 50/100. Nous avons noté environ 300 startups et PME depuis un an et demi.

Comment identifiez-vous ces startups ?

Certaines postulent directement sur notre site, d'autres nous sont signalées par nos clients ou notre réseau. Ensuite, nous faisons une pré-sélection, car nous ne prenons que des sociétés entre 0 et 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, donc des entreprises qui se sont déjà lancées mais qui doivent grandir. Notre philosophie est de travailler sur le dossier pendant plusieurs heures avant de rencontrer le dirigeant et de lui poser des questions poussées et précises de nature à bien cerner les enjeux de son business.

Pourquoi ces startups devraient-être se soumettre à une notation ? Quel est leur intérêt ? Et que se passe-t-il si elles ne sont pas satisfaites de votre analyse ?

Le service est totalement gratuit et les startups sont libres d'utiliser notre note comme bon leur semble. Certaines refusent que la note soit communiquée si elle est trop basse. Dans ce cas, notre bilan lui sert pour identifier ses faiblesses et tenter de les corriger. Obtenir gratuitement le regard d'un tiers indépendant est une chance pour prendre un peu de recul et effectuer les ajustements nécessaires. Certaines acceptent même que leur mauvaise note soit communiquée dans l'espoir que quelqu'un, dans notre réseau, remarque leur potentiel et les aide à rectifier le tir.

Pour les startups qui sont bien notées, notre expertise fait office de levier dans leur développement. Elles peuvent s'en servir pour lever plus facilement de l'argent en rassurant les investisseurs. De nombreux business angels privés ne jurent que par nous pour réaliser des investissements plus judicieux. Enfin, certaines startups utilisent la note comme un outil de communication pour gagner en crédibilité dans leur écosystème.

Qui sont vos clients et sur quoi repose votre modèle économique ?

Notre business model se fonde d'abord sur les abonnements, puis sur les analyses ponctuelles qui nous sont commandées. Nos abonnés -une quarantaine- sont des investisseurs qui veulent mieux évaluer le risque avant d'injecter leur argent dans une entreprise. Ces business angels privés, ces fonds d'investissements de grandes compagnies comme Orange, la SNCF ou encore HSBC, paient entre 800 et 4.000 euros pour recevoir une sélection mensuelle des 6, 8 ou 10 meilleures startups, ainsi que quelques études poussées.

Nous produisons aussi une quarantaine d'analyses par mois, à la demande de nos clients. Généralement, le client a besoin d'une analyse poussée sur un écosystème ou désire comparer plusieurs startups... Le plus souvent, ces clients sont des fonds d'investissements tels que Maya Capital, à Londres, qui sont à la recherche d'un point de vue neutre et complémentaire de leur propre analyse du risque. Ces prestations sont facturées entre 1.200 et 5.000 euros.

Vous arrive-t-il de vous tromper ? Autrement dit, arrive-t-il que des startups mal notées réussissent quand même et, au contraire, que des startups que vous avez bien notées échouent quelques temps plus tard ?

Oui, il y a des faux positifs et des faux négatifs. C'est pourquoi notre comité scientifique, composé de plusieurs experts reconnus, travaille régulièrement pour affiner les critères de sélection et corriger notre algorithme.

Mais nous avons surtout des réussites. Early Metrics a détecté avant tout le monde le potentiel de plusieurs sociétés qui ont depuis trouvé le succès. C'est le cas de Phenix, startup dans le recyclage pour les entreprises, qui vient de lever 800.000 euros et qui avait obtenu la note de 82/100. Ou de Tilkee, notée 79/100, qui est partie se développer aux Etats-Unis.

Quels sont vos futurs relais de croissance ? Envisagez-vous de lever des fonds ?

Sans communiquer notre chiffre d'affaires, nous sommes en croissance, si bien que nous ouvrirons un bureau à Londres avant la fin de l'année. Pour l'heure, nous sommes six, mais nous comptons recruter six nouvelles personnes, à la fois pour renforcer notre bureau à Paris et pour nous implanter à Londres.

Notre objectif est de nous affirmer comme un label indépendant de référence entre les jeunes startups innovantes et les investisseurs. C'est un créneau sur lequel il y a peu de concurrence. Pour l'instant, nous n'avons pas besoin de fonds supplémentaires mais c'est envisageable.

Sylvain Rolland

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