Les taxis attaquent Google et Apple pour "atomiser" Heetch

Heetch va-t-elle résister ? La Fédération nationale du taxi, représentée par Didier Hogrel, demande aux deux géants du Net de retirer de l'Apple Store comme de Google Play l'application qui met en relation passagers et chauffeurs non professionnels entre 20h et 6h.
Mounia Van de Casteele
Les deux dirigeants de Heetch seront jugés en correctionnelle en juin, soupçonnés de concurrence illégale avec les taxis. Outre ses dirigeants, Heetch comparaîtra le 22 juin en tant que personne morale pour "organisation illicite de mise en relation", de "complicité d'exercice illégale de l'activité d'exploitant de taxi" et de "pratique commerciale trompeuse".

"Il peut paraître surprenant que personne n'y ait pensé plus tôt", lance avec un sourire Maître Jonathan Bellaiche, avocat de la Fédération nationale des taxis (FNDT). Et pour cause, la FNDT a sommé Apple et Google de supprimer l'application  pour smartphone Heetch de leurs magasins d'applis en ligne (respectivement Apple Store et Google Play), conformément à la loi du 22 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans un courrier qui leur est parvenu ce lundi par huissier de justice.

     | Lire aussi : Taxis, VTC, qui veut la peau de Heetch ?

Informer Apple et Google de la (non ?) licéité de Heetch

Dans ce courrier de trois pages consulté par La Tribune, cet avocat en droit des affaires version 2.0 a notifié aux deux géants du Web l'illicéité de l'activité de la jeune pousse fondée par le Français Teddy Pellerin - qui  met en relation passagers et chauffeurs non professionnels entre 20h et 6h -, en se basant sur le communiqué de presse de la Préfecture de Police, ainsi que sur l'arrêté du 25 juin 2015 interdisant les applications "de type UberPop".

Début février, un utilisateur de l'application a d'ailleurs été placé en garde à vue après s'être fait confisquer son véhicule. Il sera convoqué devant un délégué du procureur.

​Bref. Cela va, selon Jonathan Bellaiche, à l'encontre d​es conditions de vente et du règlement du programme GooglePlay​, qui​ sont extrêmement stricts ​et précisent que les applications hébergées doivent être conformes à la législation en vigueur dans le pays- hôte:

"GooglePlay ne doit pas être utilisé à des fins illégales, ni dans le but de promouvoir des activités dangereuses et/ou illicites. Si nous détectons l'exercice de telles activités, nous pouvons refuser l'accès à GooglePlay, résilier votre compte, informer les autorités compétentes ou prendre toute autre mesure appropriée"

D'ailleurs, celles de l'AppleStore ne le sont pas moins.

Aussi, la FNDT, représentée par Didier Hogrel, demande-t-elle à ces deux hébergeurs de contenus de se conformer à leur propre règlement. Et son avocat semble optimiste quant à leur collaboration:

"Nous croyons en la bonne foi d'Apple et de Google. Nous sommes persuadés qu'ils feront le nécessaire, quand ils auront pris connaissance du caractère illicite de l'application Heetch."

Sur ce point, les deux géants du Net sont censés retirer l'application Heetch de leur boutique en ligne "promptement", sous peine de voir leur responsabilité engagée, selon l'article 6 de la loi de 2004:

"Les personnes physiques ou morales qui assurent (...) le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature (...) ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées (...) si, dès le moment où elles ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible."

Une loi de 2004

Jonathan Bellaiche s'étonne au passage qu'aucune démarche de ce type n'ait été engagée entre juin 2015 (date de l'arrêté) et mars 2016... D'autant plus que la loi en question est elle-même vieille de douze ans, alors qu'elle concerne des acteurs pesant des milliards et qui sont aujourd'hui incontournables ! A tel point que, si les deux géants suppriment Heetch de leurs magasins en ligne, ils auront, d'une certaine façon tranché fermement et plus rapidement que la justice. Pourquoi personne n'avait encore  pensé à s'attaquer aux hébergeurs d'applications ? Qui peut le plus, peut le moins! Jonathan Bellaiche analyse:

"Le seul moyen de se défendre efficacement face à des acteurs du Net, c'est d'utiliser le droit de l'Internet. Les éditeurs et les hébergeurs de contenus sont, eux aussi, soumis à une réglementation. Il y a beaucoup à attendre du projet de loi pour une République numérique."

Reste à savoir si Google et Apple plieront et supprimeront Heetch, qui est aujourd'hui la 11e application gratuite de transport la plus téléchargée sur l'AppStore.

Notons cependant que l'arrêté de la préfecture précédemment évoqué courait jusqu'au 31 décembre 2015, et qu'il n'interdisait pas Heetch nommément (contrairement au communiqué de presse) mais "les applications de type UberPop".

Heetch et ses dirigeants jugés en juin

Quoi qu'il en soit, les deux dirigeants de Heetch seront jugés en correctionnelle en juin, soupçonnés de concurrence illégale avec les taxis. Outre ses dirigeants, Heetch comparaîtra le 22 juin en tant que personne morale pour "organisation illicite de mise en relation", de "complicité d'exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi" et de "pratique commerciale trompeuse".

C'est d'ailleurs à cette même période, le 9 juin, que l'on devrait connaître la décision du tribunal correctionnel de Paris concernant les dirigeants d'Uber, qui comparaissaient au mois de février pour leur ancienne offre UberPop - laquelle mettait en relation passagers et chauffeurs non professionnels.

La procureure a demandé 1 million d'euros d'amende contre Uber ainsi que des amendes de respectivement 50.000 et 70.000 euros pour le DG France, Thibaud Simphal, et le DG Europe, Pierre-Dilitri Gore-Coty, en plus de l'interdiction de gestion, d'administration et de direction de toute entreprise pendant cinq ans. Quant aux parties civiles, assistées par maître Jonathan Bellaiche, elles ont réclamé plus de 100 millions d'euros de dommages et intérêts.

     | Lire aussi : Uber au tribunal : les taxis réclament plus de 100 millions d'euros

Mounia Van de Casteele

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Commentaires 9
à écrit le 27/03/2016 à 13:30
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alors ils ont répondu Google et Apple?

à écrit le 09/03/2016 à 12:35
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LOL. Google et Apple n ont rien à faire de ce petit avocat.

à écrit le 08/03/2016 à 9:53
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Pourquoi Bla Bla Car aurait le droit de fonctionner et pas Heetch ! Il y en a un qui est de l'autostop longue distance et l'autre de courte ? Ce serait cela qui fait la différence ? bien maigre !!! Il faut se faire à l'idée que les nouvelles te...

à écrit le 07/03/2016 à 18:45
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En attendant c'est les conducteurs heetch qui en patissent. On se fait de l'argent sur leurs dos et ils risquent la garde à vue et l'inscription sur le casier judiciaire à tout moment. Maintenant il y en a qui le font en toutes connaissances de caus...

le 07/03/2016 à 22:13
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Oui mais qui est vraiment dans la légalité quand un état opprime une profession pour protéger des intérêts privés . La 1ère des libertés est celle d'entreprendre et dans notre état jacobin , on taxe , on réglemente et on opprime . Qu'on foute la paix...

à écrit le 07/03/2016 à 17:14
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il suffit a heetch de mettre leur siege social en irelande, et mette son appli en telechargement non plus sur apple store ou android store mais sur leur propre site web ( ou tt autre hebergeur soit dit en passant)

à écrit le 07/03/2016 à 16:58
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Les États n'arrivent pas à les faire plier, une petite fédération nationale de taxis pense y arriver...bon courage !

à écrit le 07/03/2016 à 16:54
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La bonne blague! Sacrés taxis. Déjà qu'Apple refuse d'obtempérer devant le FBI....alors devant les menaces des taxis G7, ils vont carrément se fendre de rire chez la firme à la pomme!

le 08/03/2016 à 7:13
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on n'est pas sur le même registre! Concernant le fbi: cela concerne la confidentialité de nos données personnelles et je les soutiens Dans ce cas précis, cela concerne leur image et leur éthique: ils peuvent accepter car cela correspondrait à leur ch...

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