Pourquoi Blablacar porte plainte contre l'Espagne auprès de Bruxelles

Cette plainte déposée auprès du Secrétariat Général de la Commission Européenne repose sur le fait que les amendes infligées par Madrid à Blablacar et à deux de ses membres vont - selon l'entreprise - à l’encontre du droit européen et, plus particulièrement, seraient contraires à la directive sur le commerce électronique ainsi qu’aux principes de libre prestation de service et de libre établissement garantis par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne.
Mounia Van de Casteele
L'entreprise créée par le Français Frédéric Mazzella demande à la Commission Européenne de prendre les mesures nécessaires afin d'empêcher la poursuite de ces pratiques et d'obtenir de l'Espagne une clarification de la législation en vigueur.

Blablacar embraye et passe à la vitesse supérieure. La société mère de la licorne française, Comuto SA, a déposé plainte contre l'Espagne lundi, explique-t-elle dans un communiqué. Objet de la discorde: des amendes infligées par Madrid à la filiale espagnole et à deux conducteurs qui, selon Blablacar, violent la directive sur le commerce électronique du droit communautaire. "Blablacar considère que les actions menées par la Direction Générale des Transports de la Région de Madrid (CAM) sont contraires aux droit et principes européens et violent notamment la liberté de prestation de services et la liberté d'établissement", précise la société dans le communiqué.

Concrètement, la filiale de BlaBlacar pour l'Espagne et le Portugal, qui compte quelque 3 millions d'usagers, a écopé d'une amende administrative de 8.803 euros pour avoir rendu possible la "prestation d'un service de transport sans licence". Et deux conducteurs membres de la communauté ont quant à eux reçu chacun une amende de 4.001 euros pour avoir demandé à leurs passagers une participation financière supérieure au coût du transport, essence et péage. Des amendes à la fois disproportionnées et contraires à la législation européenne, selon la société de covoiturage leader en Europe et valorisée plus d'1,5 milliard de dollars. L'entreprise estime en outre que "les déclarations publiques des représentants du Gouvernement Régional de Madrid nuisent gravement à la réputation de l'entreprise en semant le doute quant à la légalité de ses activités".

Cité dans le communiqué, Jaime Rodriguez de Santiago-Concha, directeur de la société pour l'Espagne et le Portugal déclare :

"Les amendes infligées par le Gouvernement Régional de Madrid reposent sur une prétendue absence d'autorisations administratives alors qu'aucun autre état membre de l'Union Européenne n'exige ni de BlaBlaCar, ni de ses utilisateurs, la moindre autorisation. En tout état de cause, il leur serait impossible de l'obtenir en Espagne, même s'ils le souhaitaient. Ceci représente clairement une entrave à notre liberté de prestation de services".

Uber, Blablacar, même combat ?

Rappelons à cet égard que, comme Uber, la plateforme américaine mettant en relation chauffeurs et passagers pour des trajets de courte distance, Blablacar, se réfugie derrière le statut de "plateforme technologique"- simple intermédiaire entre conducteurs et passagers -, estimant ne pas être une entreprise de transport. Et par conséquent, ne pas avoir à se plier, selon elle, à la réglementation sur les transports terrestres prévalant en Espagne.

De quoi irriter passablement les acteurs en place - comme c'est le cas pour Uber et les taxis en France - dans la région ibérique, où la plateforme numérique est depuis longtemps accusée de "concurrence déloyale" par les compagnies d'autocars et de taxis. Les taxis emploient 100.000 personnes en Espagne et forment un lobby influent. Quant à la Confédération espagnole des transports en autobus (Confebus), elle a elle apporté "son soutien à la communauté de Madrid" pour les mesures prises contre Blablacar.

Le site Politico rappelle en outre que la filiale espagnole d'Uber avait rencontré le même type de problème avec le gouvernement espagnol. Ce qui l'avait conduite à déposer plainte auprès de la Commission européenne contre l'Espagne en 2015. La Cour de justice européenne devrait statuer en 2017 sur cette question. A savoir le fait de considérer Uber comme un transporteur (comme peut l'être une société de taxis) ou un intermédiaire Internet passif. L'audience est prévue pour le 29 novembre.

Notons qu'en France, la proposition de loi Grandguillaume qui divise les acteurs du transport particulier de personnes, prévoit justement de clarifier le statut des centrales de réservation, comme peuvent l'être Uber france, G7 ou encore sa filiale Taxis Bleus.

Bref, le directeur espagnol de Blablacar Jaime Rodríguez de Santiago-Concha insiste:

" Pour nous, le covoiturage est une activité parfaitement légale. C'est un droit que nous défendrons toujours. C'est pourquoi Blablacar continue et continuera sa mission malgré ces sanctions, en employant tous les moyens légaux et administratifs disponibles pour les remettre en cause."

Le covoiturage, une pratique encouragée par Bruxelles

L'entreprise rappelle enfin que le covoiturage est une pratique encouragée par les gouvernements de pays comme la France ou l'Italie, estimant que l'Espagne est le seul pays européen qui "essaie d'entraver cette activité". Et de conclure à cet égard:

"Il convient de rappeler que la Commission Européenne, dans son "agenda européen pour l'économie collaborative" publié cette année, invite ses Etats Membres à promouvoir le développement de l'économie du partage et réaffirme que les plateformes proposant des services de la société d'information, telles que BlaBlaCar, "ne peuvent être soumises à aucun régime d'autorisation préalable ou à toute autre exigence équivalente".

Mounia Van de Casteele

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