Startups : le français Wistiki lève 2 millions d’euros pour créer des objets "imperdables"

Connue pour ses objets connectés qui permettent de retrouver ses clés ou son portefeuille, la startup française, qui vient de lancer sa nouvelle gamme, lève 2 millions d’euros pour poursuivre son développement à l’international et pivoter son modèle économique. Consciente de la difficulté de prospérer dans le marché pas encore mature et déjà embouteillé des objets connectés, Wistiki ambitionne de vendre sa technologie à des industriels, notamment dans la maroquinerie ou la logistique. Ceux-ci pourraient ainsi fabriquer directement des produits "imperdables".
Sylvain Rolland
Face à l'essor de la concurrence et en attendant la véritable éclosion du marché des traqueurs, la startup Wistiki part à l'assaut du BtoB.

Pas facile de se faire une place au soleil avec un objet connecté. Même quand on a une très bonne idée, comme Wistiki. Cette startup parisienne s'est fait connaître grâce à une promesse, celle de changer la vie des étourdis. Ses petits objets connectés, dont la nouvelle collection, lancée en septembre 2016, a été imaginée par le célèbre designer Philippe Starck, s'accrochent à tout ce qu'on ne veut pas égarer. Le premier modèle, intitulé Voilà! est un porte-clés connecté qui s'ajoute au trousseau, et qui ressemble à une clé USB design. Le second, un porte-clé rond baptisé Aha!, s'accroche au collier des chiens et des chats. Le troisième, Hopla! est une fausse carte de crédit qu'on glisse dans le portefeuille. Tous sont waterproof, autonomes pendant trois ans et reliés par Bluetooth à une application sur smartphone. Dès que le propriétaire s'en éloigne trop (entre 30 et 100 mètres selon le modèle), l'objet se met à sonner pour le prévenir.

Relancer un conte de fée qui s'essouffle

Depuis son lancement, en janvier 2014, Wistiki entretient savamment le storytelling en vogue dans le milieu des startups hexagonales : celui de la fabuleuse success story entrepreneuriale "made in France", version moderne et high tech du conte de fée. Tous les ingrédients sont là. "Wistiki, c'est le projet familial de trois frères qui cherchaient leur chat, et qui se sont dit que ce serait bien qu'il existe un moyen cool de le retrouver", explique le cofondateur Bruno Lussato. Ni une ni deux, Bruno, Théo et Hugo lancent alors leur projet sur la plateforme de financement participatif MyMajor Company. C'est un triomphe. Les trois frères espéraient 20.000 euros, ils en récoltent 80.000. Les médias s'emballent, ce qui leur permet de lever 225.000 euros en mars 2014 auprès de business angels pour lancer la distribution de leur produit conçu en France. 50.000 exemplaires seront vendus en deux mois, au moment des fêtes de fin d'année.

Mais une fois l'euphorie retombée, il faut survivre et prospérer. Tout d'abord, la concurrence est devenue rude. De nombreux produits similaires à Wistiki sont désormais disponibles, à commencer par le porte-clés connecté du français Gablys. De plus, le marché des objets connectés est loin de ressembler à l'eldorado tant espéré. Seulement 400.000 traqueurs se sont vendus en 2015 en France, selon le cabinet Gfk. Certes, c'est plus du double par rapport à 2014, mais l'institut tablait sur 750.000 ventes un an plus tôt et reconnaît qu'il s'agit d'un "petit marché", avec "des attentes fortes et des tendances en-dessous de ce qu'on pouvait espérer". Les nombreuses startups du secteur sont toujours confrontées à un problème d'image : les objets connectés sont perçus comme des gadgets un peu trop chers (49,99 euros pour le porte-clés de Wistiki), et séduisent majoritairement les technophiles et les CSP+ urbains.

Nouvelle gamme, expansion à l'international

Dans ce contexte, Wistiki a fait le choix de passer à l'offensive. Plutôt que d'attendre que le marché décolle vraiment, la startup a profité d'une nouvelle levée de fonds d'1,5 million d'euros, en juillet 2015, pour préparer sa nouvelle gamme lancée en début de mois. Elle en avait besoin :

"Notre premier produit, qui était un porte-clés carré, avait été développé très rapidement. Certains utilisateurs nous disaient 'c'est moche, c'est pas pratique, l'autonomie n'est pas assez bonne'. Nous avons tenu compte des critiques pour redéfinir complètement le design afin de l'adapter aux usages, ajouter la fonction waterproof, améliorer l'autonomie d'un an à trois ans et la portée du signal de 30 à 100 mètres", explique Bruno Lussato.

Pour s'offrir un avantage concurrentiel, Wistiki a fait appel à au pape français du design, Philippe Starck, qui a imaginé la nouvelle gamme. Un joli coup - "il nous a fait un prix d'ami"-, qui permet à Wistiki de bénéficier de l'aura du célèbre designer, y compris à l'international. C'est d'ailleurs l'un des objectifs de la nouvelle levée de fonds de 2 millions d'euros, dont la moitié en equity crowdfunding, annoncée ce lundi 26 septembre. Pour ce deuxième tour de table, la startup a aussi reçu quelques chèques de business angels célèbres, dont Stéphane Richard (Pdg d'orange), Xavier Niel (le Pdg de Free) et Martin Bouygues. Des organismes bancaires, d'assurance et le fonds Kima Ventures ont aussi contribué à cette levée qui valorise la startup à hauteur de 30 millions d'euros.

Vendre la technologie Wistiki aux industriels pour créer des objets "imperdables"

Si le montant de la levée reste modeste, celle-ci marque toutefois un véritable pivot dans la stratégie de l'entreprise. Car désormais, Wistiki compte moins sur ses produits à destination du grand public -le BtoC- que sur ceux destinés aux entreprises -BtoB- pour créer de la valeur. "Notre véritable valeur réside non pas dans nos objets mais dans notre technologie. Notre objectif est donc de multiplier les partenariats avec les industriels pour leur permettre de créer eux-mêmes des objets imperdables", précise Bruno Lussato.

La startup cible les secteurs de la maroquinerie, de la logistique et même de l'assurance. Wistiki a déjà signé des contrats avec deux marques de luxe françaises, pour fabriquer des bagages et des portefeuilles équipés d'une puce Wistiki pour les géolocaliser. Dans la logistique, l'idée est d'améliorer le traçage des colis dans les entrepôts et faciliter le transport de marchandises.

Dans l'assurance, Wistiki travaille avec la compagnie Scar, qui vient d'entrer au capital. "Si la plupart des objets du quotidien sont équipés de notre technologie, cela change la probabilité de les perdre, ce qui pourrait modifier la conception des contrats d'assurance", ajoute Bruno Lussato. Selon la startup, le secteur du BtoB pourrait dégager cinq fois plus de chiffre d'affaires que celui du BtoC... Surtout, cette diversification offre à Wistiki un véritable filet de sécurité, qui lui permet de ne pas dépendre uniquement des ventes aléatoires de ses porte-clés. Une stratégie gagnante à l'ère de l'Internet des objets ?

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 26/09/2016 à 22:04
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Il faudrait aussi arrêter de prendre les clients pour des cruches en leur vendant des appareils qui ne fonctionnent pas... Comme par exemple dire qu'on va retrouver sa voiture avec alors que le système fonctionne qu'en bluetooth avec son téléphone et...

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