« The Village », l'innovation vient aussi des territoires

Pendant deux jours, à Saint-Bertrand-de-Comminges, 80 « change makers » ont débattu avec les élus de l'Occitanie et les habitants de ce petit village, étape sur la route de Saint-Jacques-De-Compostelle, pour réfléchir aux moyens de retisser les liens entre l'échelon global et l'échelon local. Nouvelles mobilités, énergies renouvelables, logement, place des femmes, éducation, culture... De nouvelles opportunités apparaissent pour remettre l'économie au service de l'homme, grâce au numérique. Des idées pour demain.
Giulietta Gamberini

C'est le récit d'une rencontre qui, selon les mots de la maire de Saint-Bertrand-de-Comminges, Marie-Claire Uchan, « aurait paru improbable il y a peu plus d'un an ». Celle entre les habitants d'un tout petit village des Pyrénées - quelque 200 âmes sur une douzaine de kilomètres carrés et les acteurs français du changement positif : entrepreneurs, militants associatifs, femmes et hommes politiques engagés pour l'émergence de solutions destinées à remettre l'économie au service de l'homme.

Dans ce lieu de charme chargé d'histoire mais aujourd'hui laissé pour compte de la métropolisation, La Tribune a organisé, les 8 et 9 septembre, avec Nicolas Hazard, fondateur d'Inco, la première édition de The Village, nouveau rendezvous annuel qui rassemble quelque 80 change makers, des acteurs du changement dans des domaines variés, réunis afin de réfléchir à une meilleure intégration entre global et local, ce que nous appelons aussi la révolution du « glocal ».

Car si la mondialisation crée des opportunités, elle développe aussi des inégalités, dont celle entre les villes de plus en plus peuplées et dynamiques et les territoires ruraux désertés, malgré leur attractivité en termes de cadre de vie comme de prix de l'immobilier.

La compétitivité s'accommode toutefois mal de telles ruptures, lesquelles comme l'a souligné dans son discours introductif Nicolas Hazard, entrepreneur français qui promeut le financement de l'économie sociale et solidaire dans la Silicon Valley - « sont les facteurs ayant mené à la disparition de toutes les plus grandes civilisations de l'histoire ». L'objectif de The Village était donc de démontrer que, dans un monde en accélération, elles n'ont plus de place. Mais que, heureusement, des solutions existent pour rétablir du lien et lisser - voire éliminer - les pires inégalités, portées justement par la troisième révolution industrielle, dès lors que l'innovation est aussi pensée par et pour le local. « Il n'y a pas que la Silicon Valley qui innove mais aussi, à partir de leurs talents, l'ensemble des territoires », a ainsi souligné, à Saint-Bertrand-de-Comminges, Carole Delga, la présidente du conseil régional d'Occitanie, souhaitant que ces idées nouvelles « irriguent l'ensemble des secteurs économiques ».

Responsabilité et ouverture

Pendant deux jours, échanges d'idées et inspirations ont donc investi l'agriculture, l'énergie, l'éducation, le sport et la culture, en passant par le numérique, l'égalité de genre, la réorganisation des territoires ou encore la transdisciplinarité. Autant de domaines et d'approches où les opportunités de changement sont aussi nombreuses que les défis. Première devise de tous ces ateliers : la « responsabilité », pointée par Emmanuelle Duez, la fondatrice de The Boson Project, une startup qui conseille les grands groupes sur les stratégies de transformation face aux nouvelles « fractures » technologiques et générationnelles.

« Pour changer le monde, il faut arrêter d'attendre que les solutions viennent d'en haut, mais commencer par se changer soi-même et faire preuve de curiosité », a souligné Sébastien Kopp, fondateur de la marque de baskets Veja, qui, en douze ans, a su s'imposer sur le marché international en proposant un nouveau mode de production, plus durable et plus respectueux du local.

Autre règle du jeu : l'ouverture à la diversité d'approches, voire à la solidarité dans le cadre d'un projet commun, car, dans des communautés diverses portées par les mêmes objectifs concrets, « tout devient possible », a ainsi assuré Thomas Landrain, fondateur de La Paillasse, un laboratoire scientifique collaboratif.

La communauté des « Villagers »

Même la finance, souvent accusée d'être la cause des plus graves inégalités, « reste fondamentalement un outil », dont on peut reprendre le contrôle pour « réaliser de grandes choses », a insisté Bertrand Badré, ancien banquier d'affaires et directeur général de la Banque Mondiale, aujourd'hui à la tête de Blue like an Orange Sustainable Capital, un fonds d'investissement à impact positif installé à Washington DC qui investit dans des projets positifs en Amérique latine. « Si la finance ne se réoriente pas sur le long terme, aucun mur ne pourra nous protéger », insiste-t-il (lire l'entretien paru dans le n° 219 de La Tribune, le 7 septembre).

Ce qui n'empêche pas qu'un coup de pouce des plus hautes sphères puisse contribuer à accélérer le changement : notamment en matière de cohésion des territoires, où l'expression d'une vraie volonté politique orientée vers la création d'emplois en dehors des métropoles est particulièrement attendue, comme l'a souligné Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers.

« Les principales réflexions issues de The Village seront transmises à l'Elysée », a promis Jean-Christophe Tortora, président de La Tribune.

La principale réussite de cette réunion de change makers va au-delà des idées concrètes qu'elle a pu générer en deux jours. Elle consiste surtout dans la création d'une communauté qui, selon les conclusions de Nicolas Hazard, continuera d'échanger et de vivre grâce aux réseaux sociaux jusqu'à la prochaine édition. Sans oublier le vent positif inattendu qui a soufflé sur Saint-Bertrand : « Quand j'ai décidé de revenir vivre dans mon village d'enfance, j'étais inquiet d'être isolé loin de tout. Cela me rassure de voir qu'autant de gens réfléchissent à l'avenir du monde rural », a résumé l'un des villageois.

Giulietta Gamberini

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