Internet des objets : comment Bouygues Telecom déploie son réseau

L’opérateur installe actuellement ses antennes bas débit dans l’Hexagone. Fabriquées par l’industriel Sagemcom, elles permettront à terme de communiquer avec des milliers, voire des millions, d’objets industriels, comme des palettes d’approvisionnement ou des compteurs intelligents. Explications.
Pierre Manière
D'après Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, « l’essentiel de la population française sera couverte à la fin du premier semestre 2016 ».

Les réseaux bas débit sont encore peu connus du grand public. Pourtant, ils sont au cœur de la révolution attendue de l'Internet des objets. Pour les industriels, tous secteurs confondus, ils s'avèrent aujourd'hui aussi stratégiques que la 4G ou la fibre, qui monopolisent davantage l'attention des médias. Basés sur un système classique d'antennes et de capteurs, les réseaux bas débit permettent à des objets de renvoyer et de recevoir des informations sur leur fonctionnement. En disposant des capteurs dans des palettes d'approvisionnement, il est ainsi possible pour une entreprises de les géolocaliser, et donc d'améliorer sensiblement la logistique. Cette technologie permet aussi de faire remonter facilement des informations sur l'environnement. Déployés en ville ou en pleine campagne, certains capteurs peuvent, par exemple, renvoyer des informations sur la qualité de l'eau ou de l'air.

En France et à l'étranger, ces réseaux bas débit sont en déploiement. Dans l'Hexagone, Bouygues Telecom, en a clairement fait un de ses principaux fers de lance pour les années à venir. Voici 18 mois que l'opérateur planche sur le sujet. Après différentes phases d'expérimentation, il bâtit aujourd'hui son réseau national. « L'essentiel de la population française sera couverte à la fin du premier semestre 2016, a promis Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, lors d'une conférence ce mardi. En outre, il assure que « 500 villes » bénéficieront de son réseau « d'ici à la fin de l'année ».

LoRa préféré à Sigfox

Pour mettre en place cette nouvelle toile sur le territoire, Bouygues Telecom a choisi un protocole bien particulier. Son Nom ? LoRaWan (Long Range Wide-area network, pour « réseau étendu à longue portée »). Inventée par la startup grenobloise Cycléo - rachetée en 2012 par le fabricant américain de puces électroniques Semtech -, cette technologie a le vent en poupe. Et ce, malgré la concurrence féroce d'autres acteurs, à l'instar du toulousain Sigfox, véritable pionnier des réseaux bas débit et qui déploie des réseaux en Europe et aux Etats-Unis. A l'instar de ses rivaux, LoRa dispose de sérieux atouts. Ses capteurs ne coûtent pas cher à fabriquer, et disposent d'une énorme autonomie - jusqu'à dix ans pour certains.

Mieux, ils captent des signaux à très longue distance, ce qui permet de couvrir de très grandes zones avec un nombre limité d'antennes. Président de l'alliance autour de la technologie LoRa, qui réunit 127 membres à travers le monde (dont les géants de l'informatique IBM ou Cisco), Geoff Mulligan estime « qu'on peut couvrir l'Irlande avec seulement 20 antennes ». En clair, déployer un réseau ne constitue pas un gros investissement. D'après Olivier Roussat, le déploiement d'antennes LoRa en France ne coûtera in fine que « quelques dizaines de millions d'euros ». C'est-à-dire pas grand-chose, comparés « aux milliards d'euros » consacrés à la 4G, le très haut débit mobile.

Des réseaux idéals pour les messages courts

Revers de la médaille, avec LoRa et les réseaux bas débit, impossible de transmettre de gros volumes de données. Seuls des messages courts, de l'ordre d'une poignée d'octets, peuvent être envoyés. En clair, cette technologie ne permet pas de répondre à tous les usages. Ainsi les voitures, qui ont besoin d'émettre et de recevoir beaucoup d'informations, continueront de recourir à des cartes SIM connectées au réseau mobile 3G ou 4G traditionnel.

Pour mettre en place son réseau, LoRa a fait appel à un autre industriel séduit par cette technologie, le français Sagemcom. Spécialiste des box Internet, des décodeurs, des compteurs électriques et de gaz communicants, ce groupe fournit à l'opérateur les infrastructures (dont les antennes) et les logiciels associés. Pour Patrick Sevian, son PDG, LoRa est la meilleure technologie bas débit disponible sur le marché. Parmi ses principaux atouts, cet ingénieur de formation cite la possibilité de géolocaliser un objet « grâce à un système de triangulation ». Cette manière de faire, très économe en énergie, permet de préserver l'autonomie des batteries qui alimentent les capteurs. Au contraire, juge le PDG, de Sigfox, où la géolocalisation nécessiterait un (trop) gourmand module GPS.

Orange se lance aussi

Quoi qu'il en soit, Orange a aussi fait le choix de LoRa pour le déploiement de son propre réseau bas débit, annoncé la semaine dernière par Stéphane Richard, son chef de file. De fait, les opérateurs télécoms constituent des acteurs de choix pour déployer ce type de réseau. Et pour cause : ils disposent déjà des emplacements - c'est-à-dire des « points hauts » - sur tout le territoire pour y greffer ces nouvelles antennes.

Même si Bouygues Telecom veut bénéficier au plus vite d'une couverture globale en France sans tenir compte des déploiements imminents de l'opérateur historique, des partenariats ne sont pas à exclure à moyen ou long terme. Un bon connaisseur du secteur indique que dans certaines zones, certaines antennes pourraient ainsi être partagées pour favoriser, par exemple, la triangularisation nécessaire à la géolocalisation...

Fabriquer des modules aux capteurs adaptés

Autre avantage de LoRa pour Bouygues Telecom : ce standard permet l'itinérance - c'est-à-dire l'échange de données via le réseau d'un autre opérateur. A la tête de l'activité M2M (Machine to Machine) de Bouygues Telecom, Franck Moine explique qu'à l'avenir, si d'autres réseaux voient le jour à l'étranger, on pourra donc suivre une palette connectée qui sort de l'Hexagone, grâce aux antennes LoRa d'un autre opérateur.

Dans ce marché aussi prometteur que balbutiant, Bouygues Telecom est confronté à un autre défi : si les entreprises voient bien l'avantage de connecter leurs machines, leurs véhicules et autres infrastructures pour améliorer leur productivité, encore faut-il disposer des modules aux capteurs adéquats. Or, tous sont différents. « Certains, qui permettent de détecter lorsqu'une bouteille est vide, sont équipés de capteurs ultrasoniques, explique Patrick Sevian, le patron de Sagemcom. D'autres, en revanche, ont besoin d'accéléromètres, ou de dispositifs pour mesurer la température. » Pour développer et fournir ses modules, Bouygues Telecom s'appuie « à la fois de gros industriels spécialisés et sur des startups innovantes, précise Franck Moine. Dans certains domaines, on sollicite aussi E-Lab, le bureau de recherche du Groupe Bouygues. »

Des clients peu bavards

Parmi ses premiers clients Bouygues Telecom a présenté mardi Colas, le spécialiste de la construction de routes - et filiale du Groupe Bouygues -, ainsi que l'industriel Schneider Electric. C'est maigre... Reste qu'Olivier Roussat se veut rassurant : à l'en croire, comme sa solution « peut changer et modifier le business model et la productivité des entreprises, c'est dur de faire parler les clients ». Affaire à suivre, donc.

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 03/10/2015 à 9:13
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Sigfox=Minitel des objets connectés. "Réussite à la Française" Pfff...

à écrit le 02/10/2015 à 10:58
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Le marché des objets connectés semble prendre plus de temps que ne le prédisent les fabuleuses projections ... 20 milliards d'objets connectés en 2020 ... hmmm... Aucune raison de s'inquiéter pour des opérateurs implantés solidement, mais ... combie...

le 02/10/2015 à 23:26
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sigfox est largement financé par l'Etat qui a mis à sa tête Anne Lauvergeon. Il y a de grandes chances qu'il l'aide encore quelque temps...

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