Les dessous de l'étrange voyage du patron de Google au pays de Kim Jong-Un

Du 7 au 10 janvier 2013, Éric Schmidt, le président exécutif de Google, effectuait une visite controversée en Corée du Nord. Sa fille Sophie, présente à ses côtés à cette occasion, livre sur son blog un récit de ce déplacement.
Eric Schmidt et Bill Richardson, lors de la visite de la bibliothèque informatique à l'université Kim-Il Sung, en Corée du Nord. Copyright Reuters/KCNA KCNA

"Bizarre". Voilà comment Sophie Schmidt, la fille du patron de Google, qualifie le voyage de trois jours qu'elle a effectué en Corée du Nord aux côtés de son père début janvier. A travers un long post de blog publié ce week-end, elle livre un récit de son excursion dans le pays le plus fermé de la planète.

"Notre voyage était un mélange de rencontres très organisées, de visites parfaitement orchestrées et de moments qui semblaient être, pour le coup, humains", écrit la jeune fille de 19 ans, dans un article intitulé "On ne peut pas faire plus bizarre". Elle accompagnait son père et Jared Cohen, un autre dirigeant de Google, ainsi que l'ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson.

Une image du pays sous contrôle

Le voyage a, sans surprise, été des plus encadrés. L'image du pays donnée à ces visiteurs, soigneusement contrôlée. "Nous n'avons eu aucun échange avec des Nord-Coréens qui n'avaient pas été dûment approuvés par l'Etat et nous n'étions jamais très loin de nos deux 'surveillants'", raconte Sophie Schmidt. Dans son post, elle compare la situation des nords-coréens à celle du personnage de Jim Carrey dans le film "The Truman Show" sorti en 1998. Comme s'il ne se rendaient pas compte du monde dans lequel ils sont enfermés.

Elle publie des photos prises dans la capitale nord-coréenne et raconte une visite pour le moins étrange: celle d'une bibliothèque informatique à l'université Kim-Il Sung. 90 étudiants étaient installés devant des ordinateurs. "Problème: personne ne faisait quoi que ce soit", raconte la fille du patron de Google. "Quelques-uns cliquaient avec la souris mais les autres se contentaient de regarder. Plus bizarre encore: lorsque notre groupe est entré dans la salle (...) aucun n'a levé les yeux. Pas une tête ne s'est tournée, pas un ne nous a regardés, aucune réaction". "Ça aurait pu être des figurines", ajoute la jeune fille.

Que faisait Eric Schmidt et ces trois autres Américains sur le sol nord-coréen?

Officiellement, il s'agissait d'une "visite humanitaire privée", mais avant son départ, Eric Schmidt n'avait pas dévoilé les raisons précises de son déplacement. Celle-ci a d'ailleurs vivement été critiquée par la Maison-Blanche car elle est survenue à un moment de tension entre Washington et Pyongyang. Le 12 décembre, la Corée du Nord avait réussi un tir de fusée.

Certains observateurs voyaient dans cette visite un pas vers Pyongyang afin de négocier la libération d'un ressortissant américain emprisonné en Corée du Nord depuis novembre 2012 : Kenneth Bae. Cet homme possède également la nationalité coréenne et était entré en Corée du Nord le 3 novembre pour une visite de cinq jours. Il n'en est toujours pas reparti. Dans le passé, il est déjà arrivé que de hauts responsables américains -Bill Clinton en 2009 par exemple- se déplacent dans ce pays communiste pour obtenir la libération de compatriotes.

Dans son article, Sophie Schmidt présente d'ailleurs ce déplacement comme ayant un double but: "politique" (la part de Bill Richardson) et "technique", celle de son père, de Jared Cohen et d'elle-même.

Quelles relations entre Google et le pouvoir nord-coréen?

Ce n'est pas la première fois que le géant américain de l'Internet et le pouvoir politique de Corée du Nord prennent contact. Selon certains médias et groupes de réflexion, des responsables du gouvernement nord-coréen se sont rendus en 2011 au siège de Google, une information jamais commentée par aucun responsable de Google.

A son retour de voyage, le 10 janvier, Eric Schmidt avait affirmé que sa visite avait pour but de discuter d'un accès libre à Internet. Ce pourrait-il qu'il ait été entendu? On est en droit d'en douter. La situation de l'Internet en Corée du Nord est plus que particulière. Le pays dispose d'un réseau interne à son territoire et interdit à sa population tout accès à un réseau internet tiers. Coupés du monde, les habitants ne peuvent donner la même définition à l'Internet qu'un usager français, par exemple. Ils sont d'ailleurs peu nombreux à avoir accès au service encadré par Pyongyang : seuls des membres du gouvernement, de l'armée et des universités en ont a priori la possibilité.

A Séoul, Schmidt a plaidé pour une ouverture virtuelle du pays de Kim Jong-un

"La décision (des Nord-coréens) de demeurer virtuellement isolés ne peut qu'affecter leur univers, leur croissance économique", tandis que "la planète devient de plus en plus connectée", estimait le patron de Google à Séoul le 10 janvier. "Le gouvernement (de Pyongyang) se doit de faire quelque chose. Il faut que les gens puissent avoir accès à internet", a-t-il insisté. "C'est le moment de le faire car sinon le pays restera toujours à la traîne."

Lors de ce compte rendu, Eric Schmidt avait assuré que les responsables nord-coréens avaient "écoutés" les Américains et leurs avaient "posé beaucoup de questions". Affaire à suivre.

(avec agences)
 

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Commentaire 1
à écrit le 21/01/2013 à 14:29
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Les "échanges" commerciaux sont souvent le premier pas vers les "échanges" politiques, voir l'histoire du marchand "Marco Polo".

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