Les Français trouvent Internet formidable, selon... Google

Une étude du Boston Consulting Group, commandée par le moteur de recherche, tente d'estimer la « valeur du digital » aux yeux des Européens, qui se déclarent très satisfaits des contenus et médias disponibles en ligne. Une démonstration pas très subtile.
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« La qualité du contenu des médias en ligne est plus grande qu'il y a trois ans : êtes-vous d'accord, pas d'accord ou sans opinion ? » ou bien « je suis plus positif concernant les avantages d'Internet que je m'inquiète de ses risques. » Voilà le type de questions, peu ouvertes et présentées comme « une série de déclarations entendues sur l'Internet » auxquelles les sondés doivent réagir, posées par le Boston Consulting Group dans le cadre d'une étude commandée par Google sur la « valeur du digital » aux yeux des Européens. Un rapport « indépendant » assure le BCG, reposant sur une enquête menée auprès de 7.000 consommateurs dans 9 pays d'Europe, dont la France, de novembre 2012 à janvier 2013. Oh surprise, il en ressort, en résumé, que Internet est formidable. Ou, dans le jargon du cabinet de conseil, « dans une large mesure, les consommateurs européens apprécient les changements qui sont en train de se mettre en place dans l'industrie des médias », entendue au sens large de contenus, presse, livre, radio, musique, TV, cinéma et autres contenus générés par les utilisateurs, de YouTube à Wikipedia. « Les consommateurs français ont une attitude positive envers Internet et les médias en ligne » affirme le BCG. Soit et tant mieux sans doute. Ici, pas de Google prédateur pointé du doigt par le consommateur, n'en déplaise aux patrons de presse et autres éditeurs de contenus qui cherchent à le taxer ou lui barrer la route...

La valeur perçue par le consommateur et le « surplus »
« La consommation de médias en Europe est en train de migrer vers Internet, la valeur créée suit le même mouvement » affirme le BCG, qui s'est employé à calculer le « surplus du consommateur », concept d'économistes qui mesure la valeur perçue par le consommateur, c'est-à-dire « le revenu additionnel que les consommateurs trouveraient équivalent au bénéfice qu'ils tirent de l'utilisation d'un produit ou service », en soustrayant le coût du bien ou du service. La valeur perçue par les consommateurs européens connectés représente 2.700 euros par personne et par an et le surplus 2.100 euros, dont la moitié attribuable aux contenus en ligne : ce montant important montre qu'« il existe un potentiel de convertir une part de cette valeur additionnelle en revenus par le développement de modèles économiques adéquats » selon le BCG. En France précisément, le surplus du consommateur généré par les médias, en ligne ou traditionnels, est le deuxième plus élevé des pays étudiés, soit 2.586 euros par consommateur connecté par an, dont 42% pour les contenus en ligne (1.077 euros). 64% des Français déclarent par exemple aller sur Internet pour accéder à des contenus que l'on ne trouve pas ailleurs, 66% estiment que le contenu des médias en ligne est de meilleure qualité qu'il y a trois ans. A la question « je préfère les médias en ligne aux médias traditionnels », 29% des Français répondent être d'accord, 28% pas d'accord, et 43% sans opinion, comme les Allemands, quand 48% des Tchèques et 49% des Italiens préfèrent la presse en ligne.

Plaidoyer pro-pub et mélange des genres rédactionnel/commercial
Etrangement pour une étude sur la valeur du numérique, le BCG n'analyse ni ne compare d'un pays à l'autre la part de la valeur payée par le consommateur, à savoir en France 521 euros pour les contenus traditionnels et 75 euros pour ceux en ligne, un des montants les plus bas des neuf pays étudiés. Mais il assène que « les consommateurs sont de plus en disposés à payer » pour les médias numériques « directement ou indirectement, par le biais des publicités, du partage des données personnelles ou d'autres moyens. » Le BCG s'appuie sur son sondage où les questions sont formulées comme des réponses, par exemple « je suis disposé à accepter de la publicité pour accéder au contenu en ligne gratuitement », d'accord à 60% ont répondu les Français interrogés, 26% sans opinion et 14% pas d'accord. L'affaire du blocage des publicités par Free en début d'année a pourtant montré l'existence d'un vrai ras-le-bol anti-pub dans l'Hexagone. Car si l'étude évoque le succès du suédois Spotify, qui s'est traduit dans son pays d'origine par une explosion de l'achat de musique en streaming, le BCG ne s'intéresse en réalité qu'à la publicité et au gratuit, comme le commanditaire de l'étude. Le rapport se mue d'ailleurs en vibrant plaidoyer pro-pub : « les consommateurs sont les premiers bénéficiaires de contenus et publicités de meilleure qualité, correspondant mieux à leurs besoins et intérêts. Ils apprécient cette plus grande personnalisation. » Le Boston Consulting invite aussi les médias au partage de données, voire au mélange des genres : « les contenus rédactionnels, notamment spécialisés, peuvent être de formidables incitations à l'achat », les magazines peuvent explorer le commerce en ligne et les e-commerçants « s'appuyer sur du contenu éditorial pour guider les consommateurs dans leurs achats. » Le consommateur sortira-t-il vraiment gagnant d'un tel brouillage des frontières entre rédactionnel et commercial ? La question ne lui est pas posée.

38% des Français seulement se sentent en sécurité sur Internet
Autre question/réponse étonnante : « c'est au consommateur de vérifier les informations qu'il trouve sur Internet. » 73% des Français sont d'accord avec ce postulat dont on ne sait exactement ce qu'il a pour objectif de démontrer. A l'image de l'étude commandée par Google à McKinsey sur l'impact économique d'Internet sur la France et les pays du G8 en 2011, ce rapport semble surtout servir à défendre les intérêts et la philosophie de Google. « Les consommateurs européens sont extrêmement positifs quant à l'impact d'Internet sur leur vie et leur consommation de média » s'enthousiasme le BCG. Or si 55% des Français interrogés sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle ils sont « plus positifs concernant les avantages d'Internet » qu'inquiets de ses risques, seuls 38% « se considèrent en sécurité et capables de se protéger ainsi que sa famille sur Internet », le plus bas pourcentage des 9 pays, contre 29% s'estimant en sécurité et 33% sans opinion. Un niveau de réponse contradictoire avec les 42% de Français prêts à « accepter la collecte de ses données personnelles pour accéder à des contenus en ligne gratuits » (31% sans opinion, 27% pas d'accord). Il faudra donc sans doute un peu plus d'efforts de transparence et de pédagogie sur l'utilisation réelle des données privées pour améliorer encore l'image d'Internet et de Google aux yeux des utilisateurs hexagonaux.
 

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Commentaires 4
à écrit le 25/04/2013 à 17:34
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Quant à l'Internet, le BCG a démontré que l'eau est mouillée ! Belle affaire ... Quant au partage de la vie privée, il a su formuler les bonnes questions pour complaire à son commanditaire ... et surtout pas celles qui aurait pu alerter le consomma...

à écrit le 24/04/2013 à 20:02
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Elle est où la sécurité des données et des ordinateurs dans tout çà. Apprendre que tout ce qui brille n'est pas or.

à écrit le 24/04/2013 à 18:54
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Google est devenu une sorte de NSA commerciale !

à écrit le 24/04/2013 à 17:38
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Google peut le dire ... par le flicage des internautes chaque seconde !

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