Data Dealer, sensibiliser aux business des données personnelles par le jeu

Une association à but non lucratif autrichienne a imaginé un jeu sur Internet pour que les citoyens se glissent dans la peau des géants de l'Internet. Objectif: provoquer une prise de conscience de l'utilisation qu'ils font de leurs données personnelles. En plein scandale PRISM, ce programme d'espionnage américain dénoncé en juin par Edward Snoden, "Data Dealer" tombe à point nommé.
De gauche à droite, les quatre créateurs du jeu Data Dealer: Ivan Averintsev, Wolfie Christl, Pascale Osterwalder et Ralf Traunsteiner. Copyright Datadealer.com CC-BY-SA

Sensibiliser par le jeu et l'humour. Telle est la recette choisie par un groupe de quatre militants autrichiens de l'association à but non lucratif Cuteacute. Ils ont imaginé un jeu gratuit sur Internet baptisé "Data Dealer". Le concept relève du "serious game", ces "jeux sérieux" dont le but est plus d'éduquer, de communiquer, voire même de soigner, que de divertir.

Cette fois, "le but de ce jeu est de provoquer une prise de conscience des joueurs au sujet de la collecte de données personnelles et du commerce qui en est fait dans la vraie vie par les sociétés commerciales et par les Etats" confie l'un des créateurs, Wolfie Christl, à La Tribune. Mais pour ce faire, point d'avertissements par des donneurs de leçons... mieux vaut glisser l'internaute dans la peau de ceux qui se font de l'argent sur leur dos !

Les techniques des géants du web mieux appréhendées

Le jeu se déroule en plusieurs étapes. D'abord : constituer son équipe, puis imaginer une stratégie de communication. Ensuite, il s'agit d'user de tous les moyens existants pour collecter un maximum de données personnelles : créer des sites de rencontres, organiser des loteries sur le web, inciter à l'utilisation de carte de fidélité... Bref toutes les techniques commerciales utilisées dans la réalité, par de vraie sociétés comme Amazon, Microsoft, Apple, Facebook ou Google. Ne reste plus qu'aux joueurs à négocier la revente des informations contenues dans leur base de données personnelles avec des sociétés de marketing, de grandes entreprises, des compagnies d'assurance, etc, dans le but d'engranger un maximum de profits.

Le réalisme est poussé jusqu'à faire subir aux joueurs les mêmes entraves que celles rencontrées par les géants du web actuellement : des plaintes de citoyens, des critiques de la part des médias, les joueurs peuvent même tenter de se voler des données personnelles les uns aux autres par le biais du "hacking".

Une version définitive programmée pour octobre

Pour l'instant, "Data Dealer" n'existe qu'en version Beta, mais 80.000 personnes l'ont déjà testé, assure Wolfie Christl. "Une version définitive sera disponible au mois d'octobre", annonce cet Autrichien de 36 ans. Pas moins d'une quinzaine de personnes travaillent actuellement à ce projet, viable grâce à des fonds publics et au financement participatif. Pour l'heure, ils se concentrent sur les versions en anglais et en allemand. "Nous avons reçu des propositions pour traduire le jeu en français, en russe, en espagnol, mais cela viendra seulement dans un second temps", explique le co-créateur du jeu.

Bien que "Data Dealer" n'en soit qu'à ses débuts, il a déjà permis de faire quelques observations. Les premiers tests ont en effet révélé que selon les pays, les joueurs n'ont pas la même connaissance de l'utilisation faite de leurs données. "D'après les premiers retours, il semble que les Américains soient beaucoup moins conscients du business qui repose sur l'échange de données personnelles que les Français ou les Allemands", a, par exemple, constaté Wolfie Christl.

La portée du jeu accentuée par le scandale PRISM

Il faut dire qu'après les révélations d'Edward Snowden, en plein scandale PRISM, "Data Dealer" tombe à pic. Il a même été primé lors du congrès E-Virtuoses à Valenciennes le 5 juin dernier, soit la veille de la parution des premières révélations sur l'espionnage américain dans le Guardian et le Washington Post.  Une actualité qui a provoqué une nouvelle évolution dans les fonctionnalités du jeu. "Au début, nous nous sommes concentré sur la revente à des sociétés commerciales mais depuis peu, nous avons ouvert la possibilité de revendre des données à une 'Central Security Agency' " raconte le co-créateur, une allusion sans équivoque à la NSA américaine.

En France, bien que l'affaire Snowden ait fait l'effet d'un électrochoc, les rouages de l'utilisation commerciale des données personnelles sont encore flous pour le grand public. C'est ainsi qu'en juin dernier, l'UFC-Que Choisir s'est empressée de demander à Facebook, Google+ et Twitter de modifier leurs conditions d'utilisation, que l'association de défense des consommateurs estime "abusives" car autorisant une utilisation "à l'infini" des données personnelles.

>> Données personnelles : l'UFC Que Choisir menace Facebook, Twitter et Google+

De son côté, la petite équipe de designers, développeurs de jeux vidéos et de défenseurs des droits des internautes de Cuteacute ad'autres projets en tête : "Nous songeons à développer un jeu éducatif sur le thème de la gestion de l'industrie agroalimentaire", révèle Wolfie Christl. La recette de Data Dealer n'a donc pas fini d'être déclinée.

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Commentaire 1
à écrit le 07/08/2013 à 10:45
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ils sont beaux,futés,l'air intelligente et aussi drole mais ils nous proposent seulement de "jouer " oui,c'est à l'age ou on permet et pardonne tout.

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