Santander : la ville aux 20.000 capteurs, modèle du smart city européen

Le #ForumSmartCity, organisé par La Tribune le 20 novembre prochain, est l'occasion de revenir sur les problématiques et les perspectives de la ville de demain. La station balnéaire espagnole a été retenue par la Commission européenne pour devenir le banc d’essai de l’Union en matière de smart city. Avec près de 20 000 capteurs pour 180 000 habitants, la ville est un laboratoire vivant unique au monde. Reportage.
Delphine Cuny

À Santander, les murs ont des oreilles, les réverbères des yeux, les trottoirs et les poubelles parlent. Les bennes préviennent qu'il est temps de les vider, les pelouses des jardins de Pereda réclament directement un peu d'eau, les places de stationnement avertissent qu'elles sont libres et l'éclairage public s'adapte à la luminosité d'un après-midi d'orage ou d'une nuit de pleine lune. Et cela grâce à des milliers de capteurs cachés sous le bitume, enterrés dans les jardins municipaux, installés sur les mobiliers urbains, mais aussi sur le toit des bus, des taxis et des voitures de polices ! Et le maire, Iñigo de la Serna, peut littéralement prendre « le pouls de la ville » : c'est le nom d'une application mobile (« Pulsa de la ciudad »), développée spécialement pour que les habitants puissent signaler un nid-de-poule, un embouteillage, une ampoule grillée, ou tout autre incident.

Dans la capitale de Cantabrie, au nord de l'Espagne, à une heure de Bilbao, la smart city est une réalité depuis trois ans. La Commission européenne a retenu en 2010 le projet de la ville portuaire, « Smart Santander », parmi une vingtaine d'autres projets de R & D sur l'Internet du futur, pour devenir le banc d'essai de l'Union en matière de ville intelligente ; un laboratoire vivant, grandeur nature, qui puisse servir à la commu­nauté scientifique d'une part et à la commune elle-même, d'autre part. Cette ville de taille moyenne et peu étendue (180.000 habitants sur 40 km2), un mouchoir de poche aux problèmes chroniques de congestion et de pollution, détient en effet le record mondial de capteurs intelligents : au total, près de 20.000 objets communicants, fixes et mobiles, et même des « capteurs humains », les habitants eux-mêmes, grâce à leur smartphone, de leur plein gré et anonymement.

La carte est impressionnante : des milliers de points jaunes, verts, oranges, indiquent le taux de CO2 et de NO2, la température, la luminosité, l'humidité des sols, les places de parking disponibles, etc. Des capteurs acoustiques en façade mesurent aussi les décibels et aident à dessiner une carte du bruit en temps réel. Sans oublier les répéteurs et autres bornes relais sur les lampadaires qui transmettent les informations, en 3G ou via le réseau de fibre optique de la ville, jusqu'à un grand centre de calcul, qui agrège les données, les traite et les redistribue aux services concernés. Il s'agit de la plus grande infrastructure d'« Internet des objets » au monde, la seule déployée à l'échelle d'une ville entière, « le meilleur exemple, le plus complet et le plus ambitieux projet de smart city au monde », estime Philippe Torres, de l'Atelier BNP Paribas, la structure de veille technologique de la banque.

Participation active

« Nous avons commencé par recueillir les priorités de la ville et des habitants : le stationnement s'est imposé », explique Luis Muñoz, professeur à l'Université de Cantabrie et coordinateur scientifique du projet, l'opérateur Telefonica étant le coordinateur technique.

« Puis, nous avons poursuivi avec les détecteurs environnementaux. Mais nous nous sommes rendu compte que les capteurs ne font pas tout : il faut la participation des citoyens. Nous avons donc développé des applications mobiles gratuites pour recourir au "crowdsourcing" [production participative, littéralement par la foule] », confie cet expert des réseaux télécoms.

Une application de réalité augmentée (pour Android et iPhone), qui a été téléchargée 20 000 fois, permet de visualiser en temps réel des informations sur les bus, les magasins, les vélos en libre-­service, les monuments historiques, accéder aux caméras de circulation ou des plages, etc.

Avec l'application « Pulsa de la ciudad », les habitants volontaires envoient toutes les trois minutes leurs informations de localisation et des données environnementales ; ils peuvent recevoir des alertes de pic de pollution par exemple. Tout cela produit un volume de données colossal : ce sont ainsi 200.000 data environnementales, 50.000 signalements de stationnement et plus de 6.000 relevés des capteurs humains qui sont collectés chaque jour. 

Gains énergétiques

Ces informations ne dorment pas dans les serveurs :

« La ville a nettement amélioré sa capacité de réaction et sait désormais résoudre un incident en deux à trois jours alors qu'elle mettait deux à trois semaines à le traiter avant », relève Luis Muñoz.

Dans l'ensemble, la municipalité a enregistré un retour sur investissement rapide et des économies significatives sur les services de voirie. Par exemple en matière d'efficacité énergétique : la régulation automatique de l'éclairage public du parc de las Llamas et en bord de plage, grâce à des radars détecteurs de présence, a permis de réaliser des économies de plus de 40%. Une expérimentation est aussi en cours pour la gestion de l'eau, afin de ne plus arroser à horaire fixe mais en fonction des besoins. Autre résultat concluant : les embouteillages auraient été réduits de 80 % !

La dimension participative s'est prolongée dans une démarche de « gouvernance ouverte » avec la création d'un site baptisé « Santander City Brain » destiné à recueillir les idées de chacun. La ville s'est aussi convertie à l'ouverture des données et a créé un portail d'open data donnant accès à certaines informations recueillies par son infrastructure de capteurs intelligents, notamment celles portant sur le trafic, la qualité de l'air, etc. Outre cet aspect démocratique, « Smart Santander » a eu un impact économique positif sur la région, attirant de grandes entreprises comme IBM et NEC, favorisant de nouveaux partenariats public-privé.

Vers Toujours plus d'efficacité

Le projet de recherche en lui-même s'est achevé en décembre, avec les félicitations de la Commission européenne. Mais l'aventure n'est pas terminée : la municipalité a développé de nouvelles applications, notamment de services culturels, et va lancer un appel d'offres pour concevoir son propre centre de contrôle et de pilotage. Certains capteurs seront changés.

« La technologie n'était pas prête, pas mature », constate Luis Muñoz, qui estime qu'il est encore un peu tôt pour dresser un bilan.

Le maire Iñigo de la Serna se défend de faire la course à la dernière technologie et se place dans une optique de modernisation de la vie publique :

« Nous voulons surtout être prêts pour les défis de demain, être plus durables, offrir des services municipaux plus efficaces et les adapter aux besoins des citoyens », a-t-il expliqué.

La ville a aussi modernisé son image et amélioré sa qualité de l'air, un vrai plus pour cette station balnéaire, réputée pour le surf.  

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Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 08/11/2014 à 17:31
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Voila un exemple concret qui montre qu'on peut economiser l'argent public autrement qu'en taillant dans les budgets à l'aveugle.

à écrit le 08/11/2014 à 13:36
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#Je pourrais être bien. @Condition d'avoir le wwwifi. &Une entité féminine à mes cotés. [Mode Joke off]

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