Apple contre le FBI : 12 autres iPhone visés par la justice

Selon le Wall Street Journal, la justice américaine aurait lancé de nouvelles procédures pour obliger Apple à décrypter une douzaine d’autres iPhone, dans des dossiers non liés à la lutte contre le terrorisme. C’était précisément la crainte de Tim Cook, qui est en train de perdre la bataille de l’opinion malgré le soutien de l’ensemble de la Silicon Valley - à l'exception notable de Microsoft.
Sylvain Rolland
La bataille entre Apple et le FBi replace au coeur de l'actualité le grand débat liberté/sécurité.

La féroce bataille politique, juridique et médiatique entre Apple et le FBI au sujet du chiffrement des smartphones n'en finit plus de rebondir. Mardi 23 février, le Wall Street Journal a confirmé l'une des craintes de Tim Cook, le Pdg d'Apple.

Dans son article, le quotidien explique que le ministère de la Justice américain a lancé la semaine dernière de nouvelles procédures pour obtenir les données d'une douzaine d'autres iPhones. Comme dans l'affaire de l'iPhone du terroriste de San Bernardino, les enquêteurs voudraient accéder à du contenu verrouillé et protégé par le chiffrement par défaut appliqué par Apple depuis 2014 sur ses nouveaux smartphones.

Des dossiers non liés à la lutte contre le terrorisme

Mais ces nouvelles injonctions tendent à démonter l'argument principal du FBI dans le dossier de San Bernardino. En effet, l'agence de sécurité a fait valoir la nature exceptionnelle de sa demande, motivée par des considérations de sécurité nationale. Apple devrait créer un logiciel pour que le FBI accède au seul iPhone 5C de Syed Rizwan Farook, l'un des deux auteurs de la fusillade.

Mais les informations du Wall Street Journal révèlent que les autorités sont tentées de l'utiliser pour d'autres finalités. Selon "plusieurs sources familières des procédures en cours", les nouvelles requêtes ne concernent même pas des dossiers liés au terrorisme. L'un d'entre eux relève par exemple d'un trafic de stupéfiants à New York.

De quoi conforter la position de Tim Cook dans sa lettre ouverte aux clients d'Apple. A savoir qu'accepter de créer un logiciel spécialement pour aider le FBI dans une enquête précise reviendrait à établir un précédent, ouvrir une brèche sur laquelle les autorités pourraient s'appuyer pour réclamer -et obtenir- l'accès à du contenu chiffré pour d'autres raisons que la lutte antiterroriste.

"Le gouvernement suggère que cet outil ne pourrait être utilisé qu'une seule fois, sur un seul téléphone. C'est tout simplement faux. Une fois créée, la technologie pourrait être utilisée encore et encore, sur tous les terminaux", dénonçait Tim Cook.

Mauvais timing pour le gouvernement américain

La réaction d'Apple a été la même que pour le dossier de San Bernardino. "Apple a refusé d'intervenir sur les appareils concernés par ces injonctions", explique Marc Zwillinger, l'un des avocats du groupe, dans une lettre datée du 17 février dernier.

Les raisons n'ont pas changé: créer une porte dérobée pour accéder à du contenu chiffré est perçu comme une atteinte inacceptable à la liberté d'expression et au droit à la vie privée. Sans compter qu'une telle action fragiliserait l'ensemble du système en créant une vulnérabilité qui pourrait ensuite être exploitée par des cybercriminels.

     > Lire : pourquoi Apple résiste au FBI et à la NSA

La Silicon Valley soudée derrière Apple... sauf Microsoft

Ce qui se joue dans la guerre Apple/FBI est crucial. Au-delà de la bataille juridique entre l'une des entreprises les plus riches du monde et l'Etat américain sur le déblocage d'un iPhone, l'affaire pose sur la place publique le grand débat liberté/sécurité.

Un débat indispensable, dont l'enjeu est de délimiter où placer le curseur entre la protection de la vie privée de tous et la lutte contre le terrorisme. Consentir à sacrifier toujours plus de liberté pour un peu plus de sécurité est-il un mal nécessaire ou une frontière infranchissable ? Quelles seraient les conséquences démocratiques et économiques d'un tel affaiblissement de la protection des citoyens ?

Dans cette bataille, Apple a autant de soutiens que de détracteurs. Du côté de la Silicon Valley, c'est un quasi-consensus en sa faveur. Google, Facebook et Twitter, entre autres, ont publiquement affiché leur soutien. "Ce n'est pas une bonne chose de bloquer le chiffrement sur des produits que les gens utilisent au quotidien", a déclaré Mark Zuckerberg, le patron de Facebook.

"Nous donnons accès à des données sur la base de demandes de justice, mais exiger que les entreprises permettent de hacker les terminaux et les données des consommateurs est très inquiétant et pourrait représenter un précédent", a ajouté Sundar Pichai, le PDG de Google.

En revanche, l'ancien patron de Microsoft, Bill Gates, a pris position en faveur du FBI. "La question n'est pas si différente que celle de savoir si la police doit pouvoir demander des informations à un opérateur téléphonique ou à une banque", a-t-il fait valoir.

Apple est en train de perdre la bataille de l'opinion

Le débat divise aussi les Américains. Pour l'instant, l'opinion tend majoritairement à soutenir le FBI. Selon un sondage du Pew Research Center, réalisé sur un échantillon de 1.000 Américains, 51% des personnes interrogées estiment qu'Apple devrait se plier à l'injonction de justice. Seules 38% encouragent la firme à résister. 11% ne se prononcent pas. Mais ce sondage a été réalisé avant la révélation du Wall Street Journal.

Du côté des politiques, si Hillary Clinton et Bernie Sanders, les candidats à l'investiture démocrate, n'ont pas encore pris publiquement position, Donald Trump, le favori de la primaire républicaine, a appelé les citoyens à boycotter Apple tant que l'entreprise n'aura pas cédé.

La Pomme a jusqu'à vendredi, le 26 février, pour accéder à la requête du FBI dans le dossier de San Bernardino. Hier, Tim Cook a fait un petit pas vers un compromis en proposant la création d'un groupe d'experts pour débattre du cryptage de ses appareils mobiles. Mais il reste sur sa position de refus. Les avocats engagés par la firme invoquent le Premier amendement, qui garantit la liberté d'expression et de communication. Si le blocage persiste, l'affaire pourrait aller jusqu'à la Cour suprême.

Sylvain Rolland

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Commentaires 19
à écrit le 25/02/2016 à 17:56
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Et une fois de plus, les musulmans vont nous faire perdre une partie de nos droits, dont le droit à la confidentialité. Je me répète, mais on devrait arrêter de distribuer des visas et titres de séjour à tort et à travers; et peut-être que les techno...

le 26/02/2016 à 10:02
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Woaw, merci pour ce commentaire qui me donne envie de regarder à nouveau nos jours heureux "Non mais moi je pense qu'on devrait prendre les empreintes digitales de tous les noirs et les arabes comme ça s'il y a un crime la police saura ou chercher" ,...

à écrit le 25/02/2016 à 10:36
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Le questionnement de Thomas Jefferson, 3 eme président des US, est toujours d'actualité :« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre »

à écrit le 24/02/2016 à 18:17
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Il faut que Apple tienne bon. Sinon on se retrouvera progressivement en Corée du Nord.

le 25/02/2016 à 10:53
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@Rouge Parce qu'aux US c'est mieux? L'image est belle mais au bout du bout, les américains ne sont guère plus ménagés que les Coréens du Nord. Ils sont espionnés et à défaut d'être censurés, ils sont totalement désinformés par des médias détenus e...

à écrit le 24/02/2016 à 17:39
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MDR ! le FBI veut faire autoriser ce qu'il fait déjà ????

à écrit le 24/02/2016 à 15:42
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La communication assidue du FBI est vraisemblablement un écran de fumée commandité par le DoJ pour dissimuler le fait que la NSA, avec l'aide d'entreprises forensiques comme Cellbrite, ait déjà contourné les dispositifs de sécurisation de l'iPhone c...

le 24/02/2016 à 22:18
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Le DoJ et le FBI sont 2 organismes differents (ce n'est pas la France ;-). Dans cette affaire c'est le DoJ qui se fait enfume par le FBI (entre autre)

à écrit le 24/02/2016 à 15:29
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C'est le plus gros BS, le FBI peut accéder aux données sur cet iPhone and le désossant (tear-down), ils veulent utiliser ce cas pour avoir un accès privé (backdoor) au telephone sans le désosser.

à écrit le 24/02/2016 à 15:17
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@Louis Dans mon téléphone, je n'ai pas que des messages ou photos personnelles, j'ai surtout une grande partie de mes informations personnelles : -Mots de passe ( Compte en banque, divers forums etc. = - N° de carte Bancaire (plusieures ) - ren...

le 25/02/2016 à 12:03
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@Loomis : dans le mien, y'a justement rien que mon annuaire (nom/n° de tél, et c'est sans doute déjà trop) parce que je n'ai aucune confiance dans ces passoires sécuritaires que sont les smartphones (je préfère rester à un simple téléphone qui ne va ...

à écrit le 24/02/2016 à 12:05
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Et si apple déchiffrait puis donnait les données au FBI, plutôt que de donner un logiciel qui permettrait de déchiffrer ???

le 24/02/2016 à 12:38
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Oui ça serait plus intelligent ! Dans le cadre de commission rogatoire ! Mais la back door serait crée ! Et L infiltration .....🙉🙈🙊

le 24/02/2016 à 13:10
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Pour pouvoir le faire, Apple devrait faire justement ce que demande le FBI : une porte dans son systeme pour passer outre toutes les protections . Une fois cette porte , si Apple y parvient ce qui n’est pas certain, il suffirait que quelqu'un la dér...

à écrit le 24/02/2016 à 11:59
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Les entreprises utilisant des iPhones n auront plus Qu à se tourner vers Squareway by Vivaction pour etre protéger de la voracité des états ! Je dis bien les entreprises car Squareway n est que pour protéger les données voix et data sur mobile pour l...

le 24/02/2016 à 12:34
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De toute façon comme dirait Big Brother, si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'avez rien à cacher. Sans être caricatural, je pense que les Etats n'ont rien à faire de vos photos de vacances ou des mots doux ou coquins échangés avec votre chéri...

le 24/02/2016 à 13:17
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@Louis Tout le monde a un bout de sa vie privée qu'il n'a pas envie de voir etaler sur l'internet. Jamais on pourra garantir que seule la police dispose d'un outil. Forcement cet outil tombera dans toutes les mains et plus personne ne pourra garder ...

le 24/02/2016 à 19:00
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Mais oui, mon cher Louis. Tu connais le premier cas de terrorisme aux yeux d'un homme politique? Ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Je te garanti que ce sera très vite utilisé pour faire taire l'opposition. Si tu ne me crois pas regarde la dé...

le 25/02/2016 à 18:05
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@Louis: "Si vous n 'avez rien à vous reprocher" est une maxime de Joseph Goebbels et on connaît la suite. Alors bonjour la moralité des gens qui se prétendent démocrates en nous citant de tels personnages historiques !!! Et come je suis à peu près c...

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