Attentats : Valls veut rouvrir le débat sur la consultation de sites terroristes

Même si l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de punir la consultation de sites djihadistes pour ceux qui font l’objet d’une fiche de renseignement "S", Manuel Valls veut rouvrir le débat, au grand dam des défenseurs des libertés et des experts juridiques.
Sylvain Rolland
L'idée de punir ceux qui consultent des sites de propagande djihadiste n'est pas neuve. Nicolas Sarkozy l'a lancée dans le débat public pour la première fois après les tueries de Toulouse et de Montauban de 2012.

Peut-on pénaliser le fait de consulter régulièrement un site djihadiste ? Jeudi, l'Assemblée nationale a tranché par la négative. Les députés ont retoqué un amendement déposé en ce sens par le député-maire de Nice, Christian Estrosi (LR), dans le cadre du projet de loi pour prolonger l'état d'urgence. Ce n'est pas une surprise, tant sa proposition était bancale sur le plan du droit et controversée sur celui du respect des libertés individuelles.

Ce qui surprend, en revanche, c'est que le débat ne semble pas clos. Christian Estrosi a même reçu un soutien de poids, celui de Manuel Valls. "Nous aurons très prochainement à reprendre ce débat", a indiqué le Premier ministre. Mais pour faire quoi ?

La droite tente sa chance depuis 2012

L'idée de punir ceux qui consultent régulièrement des sites de propagande djihadiste n'est pas neuve. Nicolas Sarkozy l'a lancée dans le débat public pour la première fois après les tueries de Toulouse et de Montauban de 2012, menées par Mohamed Merah. Son objectif ? Elargir le périmètre de l'article 227-23, alinéa 5 du Code pénal, qui punit la consultation de sites pédopornographiques, en l'appliquant aussi aux sites faisant l'apologie du terrorisme.

Quand on s'y penche, l'idée pose de nombreux problèmes. Si les images pédopornographiques sont très claires sur leur nature et portent atteinte aux droits de l'enfant, il n'en est pas de même pour les écrits, images et vidéos à caractère politique et idéologique, dont il faut analyser l'impact au cas par cas.

De plus, à l'exception des forces de police qui cherchent à combattre les réseaux pédophiles, il n'existe aucune raison de visiter un site de pornographie enfantine. En revanche, consulter des sites djihadistes, même régulièrement, ne signifie pas forcément adhérer à leurs valeurs. Les journalistes, les chercheurs universitaires et même les citoyens lambda peuvent vouloir consulter ce genre de sites pour s'informer ou étudier la propagande terroriste.

La proposition est donc enterrée par la gauche, qui y voit non seulement une impasse législative, notamment vis-à-vis de la Cour européenne des Droits de l'Homme et du Conseil constitutionnel, mais encore, une entorse trop importante aux libertés individuelles.

Etablir l'intention de nuire

Pourtant la droite ne renonce pas. En avril 2014, le député Guillaume Larrivé (LR) dépose une nouvelle proposition de loi. Mais en prenant soin, cette fois, d'exclure du dispositif ceux qui consulteraient des sites djihadistes dans "l'exercice normal d'une activité professionnelle telle que le journalisme ou la recherche universitaire".

Toujours insuffisant : la proposition de Larrivé est rejetée. Comment distinguer ce qui relève de la propagande ? A quoi correspond une "consultation habituelle" ? C'est un véritable casse-tête juridique. De plus, exclure certaines professions, mais pas le citoyen lambda qui chercherait simplement à s'informer, pose problème. Les députés estiment alors que la proposition doit être "approfondie juridiquement".

Clap de fin ? Pas du tout. En novembre 2014, l'idée réussit finalement sa percée dans le droit. Le plan sécurité de Manuel Valls se traduit par une loi "renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme". Y figure la pénalisation de la consultation régulière de sites terroristes. Mais pour constituer un délit, cette consultation doit s'accompagner de la preuve d'une intention de nuire. Autrement dit, consulter un site terroriste n'est passible de poursuites seulement si son auteur cherche à commettre un délit de nature terroriste. Ce qui protège le citoyen lambda à la recherche d'informations.

La parade des "fiches S"

Depuis les attentats du 13 novembre, Nicolas Sarkozy veut aller plus loin. Le patron des Républicains a ressorti son idée du placard et réclamé à nouveau la pénalisation de la consultation des sites terroristes, en demandant la suppression de la contextualisation établie par la loi de novembre 2014. Nathalie Kosciusko-Morizet et Christian Estrosi, entre autres, se sont chargés de l'expliquer dans les médias.

Ainsi, dans son amendement -rejeté-, Christian Estrosi introduisait une idée nouvelle. La consultation de sites terroristes ne serait un délit que dans le cas où la personne serait déjà identifiée comme une menace pour la sûreté de l'Etat et ferait l'objet d'une fiche "S" des services de renseignement.

"Au niveau du droit, c'est n'importe quoi", s'alarme Adrienne Charmet, la directrice des campagnes de l'association de défense des libertés La Quadrature du Net. "Déjà, un tel dispositif n'avait rien à faire dans une loi sur l'état d'urgence. Ensuite, c'est une immense entorse au principe de séparation des pouvoirs. Enfin, on ne peut pas commettre un délit si on ne sait pas que nos actions sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi. Or, les personnes qui sont fichées "S" ne le savent pas puisqu'il s'agit d'un instrument confidentiel utilisé par les services de renseignement !"

Quelles marges de manœuvre pour Manuel Valls ?

En promettant de "reprendre ce débat" très vite, Manuel Valls se livre, aux yeux de deux juristes interrogés par La Tribune, à une "surenchère sécuritaire vaine". Car le délit de consultation de sites terroristes existe déjà, depuis la loi antiterroriste de novembre 2014. Il est simplement soumis à une contextualisation de la menace. La pertinence de la supprimer pose question.

Politiquement, il s'agit surtout pour Manuel Valls de renforcer l'image d'un gouvernement qui utilise tous les moyens dont il dispose pour assurer la sécurité des Français. Mais juridiquement, le problème reste entier. S'agira-t-il, comme le souhaitait Nicolas Sarkozy dès 2012, d'élargir la législation relative à la consultation de sites pédopornographiques aux sites terroristes? La gauche s'y opposait à l'époque.

Mais le contexte politique a changé, la force de la menace terroriste aussi. La loi Renseignement, votée l'été dernier, a considérablement élargi le champ d'action des services de renseignements.

De fait, techniquement en tout cas, il est tout à fait possible de surveiller l'activité de quelqu'un sur le Net, via, notamment, les fameuses "boîtes noires algorithmiques" qui peuvent récupérer toutes les données de navigation.

Reste à savoir si le gouvernement veut vraiment s'engager dans la voie de la pénalisation de la consultation des sites terroristes pour tous, ou s'il s'agissait simplement d'un effet d'annonce pour contenir les critiques de la droite.

Sylvain Rolland

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Commentaires 32
à écrit le 23/11/2015 à 12:53
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Mr Vals réfléchis à des lois qui punirait la consultation de site intégriste. Ceci m'amène plusieurs réflexions. Les lois votez en urgence après les attentats de Janvier, n'on pas toutes leurs décrets d'applications!!!!!!!! P...

à écrit le 23/11/2015 à 11:55
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Protéger les musulmans est un devoir pour les socialistes, car ils représentent la majorité de leur électorat. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les socialistes voudraient que tous les étrangers votent !!!

à écrit le 22/11/2015 à 10:24
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Ne pas voter socialiste sera-t-il considéré comme une "intention de nuire" ? Daesh gagne sa bataille en grignotant les démocraties qui se transforment petit à petit en régimes totalitaires. Le terrorisme sert à justifier la surveillances des communic...

à écrit le 22/11/2015 à 9:16
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Ne faudrait-il pas d'abord réfléchir avant de lancer des propositions qui ne peuvent qui ne peuvent qu'être à grande échelle que difficilement contrôler avec les moyens que nous prêts à dépenser. Par ailleurs, c'est une grave limite à la liberté de ...

à écrit le 21/11/2015 à 19:45
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retour de la police des mœurs ? mais ils sont aussi cinglés que les terroristes dans leur costume 3 pièces ! bientôt ce sera "vous avez embrassez votre femme devant des enfants c'est pornographique, 2 ans de prison" !!!

à écrit le 21/11/2015 à 17:55
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Les trois plaies de la France : Syndicalisme Islamisme Socialisme Chacune, à sa manière, pratique une forme de terrorisme. Pauvre France

le 21/11/2015 à 20:32
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Vous en oublie une plaie pour la France la plaie Chiracosarkozysme France massacrée.

le 22/11/2015 à 10:11
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@Hello : la principale plaie de la France c'est la monarchie ou plutôt l'oligarchie, noyautée par des hauts fonctionnaires (ENA, S.PO, etc)qui s'occupent d'abord de leurs intérêts et ceux de leurs proches en se fichant pas mal de la France et des Fr...

à écrit le 21/11/2015 à 17:19
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INTERNET!!!!!Pourquoi,ne peut-on filtrer l’entrée et le sortie de ses sites.????? Une vraie lecture par les services de securite de la Republique est à mettre en place,et ce filtre doit être efficace,comme aux US. Mais le gaulois est bien trop laxi...

le 22/11/2015 à 19:18
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Oui, il y a encore des français prêt à mourir pour cette valeur primordiale et républicaine qu'est la liberté. L'innocence dangereuse et vicieuse est plutôt d'ignorer cette maxime de Jefferson : "Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te se...

à écrit le 21/11/2015 à 15:19
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avant je consultais beaucoup Le Figaro, site dangereusement "sarkosiste", heureusement je suis sorti de cette alienation.

à écrit le 21/11/2015 à 14:33
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Ce qui est remarquable chez Valls (cliniquement parlant) c'est son visage qui laisse penser qu'il a été victime d'un AVC a cause de son expression perpétuellement figée et crispée ou que cas exceptionnel il a une rigidité cadavérique alors que le suj...

à écrit le 21/11/2015 à 14:12
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le citoyen lambda ne sait pas se protéger des autorités , il sera la victime de ce genre de restrictions , surtout si on glisse de plus en plus vers un état totalitaire. par contre , si vous voulez vous échapper à la surveillance , il n'y a pas de p...

à écrit le 21/11/2015 à 11:49
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"Qui ne connaît ni son ennemi ni lui-même est toujours en danger". Sun Tzu. Tous les français devraient consulter les sites djihadistes. Ce serait le meilleur moyen de les rassurer, et non par une politique liberticide de sécurité destinée aux mouton...

à écrit le 21/11/2015 à 11:07
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Un simple écran de fumée, pour cacher quoi ? - notre impuissance face à des extrémistes inconscients et donc prêts à tout, même à tuer des innocents - le fiasco ne nos services de renseignements ? (déstructurés par le gouvernement précèdent) même c...

à écrit le 21/11/2015 à 10:33
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Pourquoi ne pas autoriser la consultation de certains sites dans certains endroits physiques seulement? Type bibliothèques ou autres spécifiques, avec identification a l'entrée. Ainsi tout le monde peut le faire mais on est capable de suivre de qui i...

le 21/11/2015 à 14:42
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Et vous faites comment? Si demain vous refuser que "facebook" puisse être consulté en France, il vont créer "facebook NG" qui lui sera consultable. Et pour ceux qui utilise un VPN permettant de ce connecter dans un pays étranger comme si on y était, ...

le 21/11/2015 à 16:32
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Bonjour Marco "mais on est capable de suivre de qui il s agit.".. et ON qui est-ce? Les renseignements Français, qui lui colleront une Fiche S pour qu'il puisse se faire embaucher a la RATP?

à écrit le 21/11/2015 à 10:02
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Comme le signifie Houellebecq, ce retardé congénital de Valls est un pur produit du Franquisme ( son père peintre a été décoré par Franco), catalan inculte, ne connaissant rien de la culture Française, ne possédant qu'une licence, né en Espagne et no...

à écrit le 21/11/2015 à 8:55
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Il n'y a aucune raison pour un citoyen classique d'aller s'informer sur des sites de propagande djihadiste. Les sites d'information classiques ne sont pas parfaits, bien sûr, mais ils ne sont pas nos ennemis. A partir du moment où on est en guerre, e...

à écrit le 21/11/2015 à 8:50
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ce qui me parait le plus logique, c'est d'en bloquer l'accès .... est ce faisable ... je ne sais pas ?

à écrit le 21/11/2015 à 8:04
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Pourquoi a ce compte là n'a -t-il pas voulu le fichier des djiadistes français en syrie, cela aurait fait gagner beaucoup de temps, je n'ai aucune confiance en ce gars, pour qui roule-til ?

à écrit le 21/11/2015 à 8:01
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On ne peut pas contrôler tout se qui s'affiche sur son écran d'ordinateur ou son smartphone. Quand on reçoit régulièrement des appels téléphoniques d’Afrique non sollicités, peut-on être assimilé comme terroriste potentiel ? Quand on reçoit des propo...

le 21/11/2015 à 11:01
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@Dingo Vous recentrez exactement bien le sujet relatif aux spams en tout genre de messages non sollicités, d'appels téléphoniques non sollicités, et de toutes ces plateformes de services clients implantées dans les pays dangereux comme le Maroc...

le 21/11/2015 à 18:25
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Dingo,si vous recevez tous ces spams c'est que vous avez consulté des sites probablement pornographiques.Ce n'est pas interdit ,mais par pitié ne venez pas étaler votre vie privée devant des gens que cela choque

le 22/11/2015 à 11:21
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Les spams immondes proviennent essentiellement de ce que des sociétés commerciales qui collectent vos données personnelles puis revendent leurs fichiers à tous les acheteurs malveillants de la planète, sans oublier les salariés - non filtrés - des...

à écrit le 21/11/2015 à 7:47
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Charlie, 13 nov, les mêmes causes, les mêmes effets et toujours les mêmes incapables au sommet de l'état. Devant ce constat affligeant, tous s'accrochent au pouvoir quelqu'en soit les conséquences pour les innocents.

à écrit le 20/11/2015 à 23:31
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Je crois que ceux qui croient défendre les libertés devraient aller voir les blessés et les familles des attentats. Regardez envoyé spécial de jeudi et toute les études de radicalisation pratiquement toutes sont passé par internet L EI est un pro...

à écrit le 20/11/2015 à 22:35
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Autant d'acharnement à ergoter sur de mauvaises intentions punissables si que si est constaté un flagrant délit d'intention terroriste, ne peut que davantage démontrer aux Français les écoeurantes occupations imaginatives de leurs représentants, fac...

à écrit le 20/11/2015 à 20:38
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Le gouvernement français risque d'avoir quelques difficultés techniques pour bloquer L’accès à de nombreux sites étrangers, tels que les sources d'information et les réseaux sociaux. Les outils classiques pour échapper à ce genre de censure, comme le...

le 21/11/2015 à 10:45
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L'effet d'annonce suffit pour de nombreuses personnes, ça rassure. Inciter à passer par des biais moins surveillables, c'est dommage pour l'efficacité. On utilisait VPN pour le boulot quand en déplacement, par sécurité, ça n'est pas très lourd.

à écrit le 20/11/2015 à 18:57
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On ferait mieux de réfléchir sur l'immédiat doit-on dire merci aux Belges pour leur pragmatisme à libérer des personnes recherchées et dangereuses pour sans doute se protéger .Et surtout qu'ils aillent ailleurs .

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