Avec Alphabet, Google se réorganise de A à X (Lab)

Google est mort, vive Alphabet ! Lundi soir, à la surprise générale, Google a annoncé une réorganisation majeure de sa structure en devenant une filiale à 100% d’une nouvelle société baptisée "Alphabet". L’objectif : séparer le cœur de métier du groupe, à savoir le moteur de recherche et la publicité en ligne, des autres activités, parfois assez expérimentales, comme le laboratoire Google X. Explications.
Sylvain Rolland
L'objectif d'Alphabet, la nouvelle structure qui englobe Google, est de séparer le cœur de métier de Google, à savoir le moteur de recherche et la publicité en ligne, des autres activités du groupe, parfois très éloignées du business model de la firme.

"G, c'est pour Google", certes, mais aussi "WTF" pour "c'est quoi ce bordel" ? Car c'est un euphémisme de dire que Google annonçant, lundi soir, qu'il devenait filiale d'une superstructure baptisée Alphabet, a créé la surprise: le petit monde de la high-tech -et notamment les sites spécialisés américains- a été littéralement sidéré.

Google vient ainsi d'effectuer une réorganisation majeure de sa structure, qui parachève sa mutation en véritable écosystème aux activités de plus en plus diversifiées. Ce faisant, la firme de Mountain View affirme sa volonté de mettre clairement le cap sur le développement de l'innovation.

Dans un billet de blog, le co-fondateur de Google, Lary Page, a expliqué la démarche:

"Comme Sergey et moi l'avons écrit onze ans auparavant, Google n'est pas une compagnie conventionnelle. Nous ne voulons pas le devenir. [...] Depuis le début, nous avons fait beaucoup de choses qui paraissaient folles au premier abord. Beaucoup de ces folies ont maintenant un milliard d'utilisateurs, comme Google Maps, YouTube, Chrome et Android. [...] Notre entreprise fonctionne bien aujourd'hui, mais nous pensons que nous pouvons la rendre plus claire et plus responsable".

Comment va fonctionner Alphabet ?

La nouvelle structure sera dirigée par les deux co-fondateurs de Google, les multi-milliardaires Larry Page et Sergey Brin. Le premier officiera au titre de directeur général, le second en tant que président. Cette nouvelle répartition ne changera pas la gouvernance de l'entreprise : les deux hommes seront toujours l'aigle à deux têtes qui veille aux destinées du groupe.

La seule différence, majeure, réside dans la séparation des différentes activités de feu-Google en différentes filiales. L'objectif est simple : séparer le cœur de métier de Google, à savoir le moteur de recherche et la publicité en ligne, des autres activités du groupe, parfois très éloignées du business model de la firme.

Ainsi, Nest, racheté l'an dernier, aura sa propre filiale. La société fabrique des objets connectés dans la maison comme des thermomètres, des thermostats et des alarmes. Le projet de fibre optique Fiber vivra également dans sa propre structure, tout comme Calico, une société qui mène des travaux scientifiques sur le vieillissement.

Les véhicules d'investissement Google Ventures et Google Capital, ainsi que le X-Lab, qui sert d'incubateur à toute une série de nouveaux projets innovants (drones, voiture sans conducteur, projet Loon de relais-internet par montgolfières, Google Glass, la société Life Sciences (Sciences de la vie), qui travaille notamment sur une lentille de contact surveillant le taux de glucose des diabétiques...) seront aussi séparés. La nouvelle entité a été enregistrée le 23 juillet dernier et ses résultats seront communiqués à partir du 4è trimestre 2015.

Rassurer les marchés en "clarifiant" les activités

Ainsi, Alphabet remplacera Google en tant qu'entité cotée en Bourse. Toutes les actions Google seront automatiquement transformées en titres Alphabet, dotés des mêmes droits. Malgré la sidération provoquée par une telle annonce, les marchés ont bien accueilli la nouvelle. Le titre gagnait 7% à 708 dollars, lundi soir, dans les transactions hors séance.

Les investisseurs semblent avoir bien compris la volonté de simplification et de clarification du groupe. Ils la réclamaient depuis plusieurs mois. Cette nouvelle structure devrait permettre aux marchés d'affiner leur vision globale des investissements de Google. Et envoie un signal clair sur la volonté du groupe de continuer à investir dans les projets "futuristes", comme la Google Car par exemple, qui pourraient se révéler de précieux relais de croissance dans les années et décennies à venir.

"Cette manœuvre suggère qu'en toute vraisemblance, Google ne va pas ralentir la cadence dans les procédés expérimentaux comme la voiture autonome", se réjouit Michael Yoshikami, patron du fonds Destination Wealth Management.

Google avait-il vraiment besoin de chambouler complètement sa structure pour faire plaisir à ses investisseurs ? A priori, non. Le groupe a publié fin juillet des excellents résultats financiers et conserve la confiance des investisseurs dans la pérennité de son modèle économique.

Néanmoins, l'analyste Robert Kay, du cabinet Endpoint Technologies Associates, estime que la manœuvre de Google révèle une prise de consciences des futures faiblesses de sa précédente organisation. "Les dirigeants de Google ont compris qu'ils donnaient l'impression d'un pot-pourri d'entreprises. Il est peut-être meilleur de les isoler un peu et de clarifier quelles sont celles qui rapportent de l'argent, celles qui sont des projets scientifiques et celles qui sont des paris de long-terme", explique-t-il.

Le modèle Warren Buffet

En bref, cette nouvelle structure permet à Google de se construire un portefeuille plus solide d'activités, chacune avec une direction propre, sous le parapluie d'Alphabet, qui transforme la firme en une gigantesque pieuvre aux multiples bras, dont chacun représente une activité.

Une ambition assumée par Larry Page, qui considère le mot "Alphabet" comme un symbole. Selon lui, le mot "représente une collection de lettres qui signifient le langage, l'une des innovations les plus importantes de l'humanité". En langage d'investisseurs, "Alpha-bet" veut aussi dire retour sur investissement...

Même si l'annonce constitue pour tous une grosse surprise, Google avait laissé entendre depuis plusieurs mois sa volonté de restructurer ses activités. Dès la fin de 2014, Larry Page évoquait Berkshire Hathaway, le modèle de Warren Buffet auquel ressemble beaucoup Alphabet, et qui permet à chaque pari réalisé de devenir une entreprise distincte.

Que devient Google, et qui le dirigera ?

Comme l'explique Larry Page dans son billet de blog, Alphabet est surtout une "collection d'entreprises". Mais la plus importante reste, bien sûr, Google, qui sera simplement amputée des activités les plus éloignées d'Internet.

Ce "Google allégé" se compose donc de la recherche en ligne, de la publicité en ligne, de la cartographie, des applications, du système d'exploitation Android, de YouTube et des infrastructures techniques.

Puisque Larry Page et Sergey Brin dirigeront Alphabet dans son ensemble, Google a besoin d'un nouveau patron. La relève sera assurée par Sundar Pichai, l'actuel dauphin de Larry Page. A 43 ans, cet homme discret d'origine indienne reste peu connu du grand public. Il est pourtant derrière de nombreux produits phares du géant internet, du navigateur Chrome au système d'exploitation Android.

Arrivé chez Google en 2004, Sundar Pichai est, selon Larry Page, "vraiment monté en puissance depuis octobre". Dévoué dans l'ombre, il officiait jusqu'à présent en tant que vice-président en charge de la gestion quotidienne des produits du groupe, ainsi que de l'ingénierie et de la recherche.

Insolite : le nom alphabet.com n'appartient même pas à Google !

La particularité n'a pas échappé aux yeux les plus aiguisés, et a contribué à nourrir le sentiment de sidération à l'annonce de la nouvelle entité, et des nombreux mot-dièses "WTF" [what the fuck - c'est quoi ce bordel, NDLR] sur Twitter.

Car aussi incroyable que cela puisse paraître, Google n'a pas pris la peine de s'assurer la propriété du nom de domaine de sa future structure. Le site spécialisé Tech Crunch révèle que la firme de Mountain View ne dispose ni du nom de domaine Alphabet.com, qui est détenu par le groupe BMW, ni du compte Twitter @alphabet, qui appartient à un anonyme, Chris Andrikanich, qui a tweeté sa stupéfaction :

Autre élément qui fait sourire : si le site d'Alphabet s'appelle abc.xyz, impossible de suivre sur Twitter le compte ABC, ne comptez pas tomber sur le groupe en suivant le compte @ABC... car il appartient à la chaîne de télévision américaine ABC, filiale de Disney. Certains analystes ont trouvé une raison à ces erreurs dignes d'une start-up débutante : Google, enfin Alphabet, ne compterait pas s'appuyer sur sa nouvelle structure pour communiquer sur ses innovations, qui resteront des produits "Google" avant tout.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 12/08/2015 à 3:33
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