Ce que contient la première version de la loi numérique d’Axelle Lemaire

Une première version du projet de loi numérique d’Axelle Lemaire, réalisée avant que la loi soit scindée en deux au profit d’Emmanuel Macron, a fuité. Voici les grandes lignes.
Sylvain Rolland
L'avant-projet de loi établit un "service public de la donnée", pose les principes de neutralité des réseaux et de loyauté des plateformes, notamment dans l'économie collaborative. Que va-t-il en rester dans le projet de loi final, sachant qu'Emmanuel Macron s'est arrogé le volet économique du numérique ?

Après des mois de suspense, on a enfin une idée de ce à quoi pourrait ressembler la future loi numérique d'Axelle Lemaire. Le site Contexte s'est procuré la première version de la loi, qui date du début du mois de juillet. Soit avant l'offensive d'Emmanuel Macron, qui a obtenu du Président de la République l'intégration des enjeux économiques du numérique dans sa propre loi, Macron II, également prévue pour la fin de l'année.

Cette annonce, qui a fait l'effet d'une bombe, a quelque peu rebattu les cartes. A l'origine, la secrétaire d'Etat dédiée au numérique, Axelle Lemaire, devait porter une grande loi cadre définissant les grands principes à l'ère du numérique et proposant une série de mesures concrètes sur la protection des données personnelles, la régulation des réseaux, l'ouverture des données publiques et l'égalité devant l'accès au numérique.

Scission du texte en deux lois distinctes

Le tout sur la base de la "stratégie numérique de la France", révélée mi-juin, un document inspiré par les propositions réalisées par le Conseil national du Numérique après une grande concertation de huit mois avec l'ensemble de l'écosystème numérique français. Dans ce calendrier réglé au millimètre, Axelle Lemaire devait ensuite révéler les grandes lignes de sa loi "en juillet", avant un examen devant le Parlement à l'automne.

Mais la scission du texte en deux lois distinctes a chamboulé ce calendrier. Et réduit l'importance de la loi Lemaire. A la secrétaire d'Etat au numérique, l'Elysée et Matignon ont réservé "les droits et libertés à l'heure d'Internet", le fruit d'un « travail interministériel incluant le ministère de la Justice », selon le cabinet de Manuel Valls.

De son côté, Emmanuel Macron, poids lourd du gouvernement, se voit en charge des mesures concernant l'innovation, destinées à stimuler les créations d'entreprises et l'emploi dans des secteurs comme la santé ou les transports, tout en s'attaquant au problème épineux de l'économie collaborative.

Un "service public de la donnée"

L'avant-projet publié par Contexte laisse imaginer ce qu'aurait pu être la loi sans l'offensive d'Emmanuel Macron. Le texte s'organise en grands chapitres. Le premier, intitulé "tirer parti de l'économie de la donnée" vise à créer les conditions pour ouvrir les données publiques et favoriser leur utilisation par les citoyens et les entrepreneurs, en créant "un service public de la donnée". Il permettra aussi "d'identifier des données de référence et de veiller à leur constitution, leur qualité, leur mise à jour et leur diffusion".

Un poste "d'administrateur général des données" sera créé et placé sous l'autorité du Premier ministre, tandis que plusieurs articles de la loi s'attachent à définir le rôle des collectivités locales dans cette libération de la donnée publique, et d'autres à garantir la protection des citoyens en garantissant l'anonymat des données et en définissant les jeux de données qu'il sera possible d'ouvrir.

Le chapitre intitulé "Transformation de l'économie", vise à simplifier la création numérique, tandis que celui sur l' "Innovation sectorielle", ajoute un volet sur les jeux en ligne. Les mesures sur ce sujet correspondent à celles annoncées par Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au budget, le 27 avril dernier, notamment l'ouverture des tables de poker aux liquidités européennes et la responsabilité des hébergeurs.

La loi dispose aussi d'un volet consacré à la protection des données personnelles, visant essentiellement à renforcer les législations existantes. Elle met aussi un point d'honneurà favoriser l'accessibilité au numérique, pour éviter la fracture numérique et les inégalités d'accès aux services Internet.

Principe de neutralité des réseaux et de loyauté des plateformes

Enfin, conformément aux attentes, le projet de loi réaffirme la neutralité des réseaux, qui ne peuvent prendre connaissance des informations qui transitent par leurs câbles, et le droit d'accès des citoyens à leurs propres données personnelles détenues par des organisations.

Enfin, le Conseil national du numérique a visiblement été entendu sur la question de la loyauté des plateformes, l'un des grands combats de Benoît Thieulin, son président. La loi prévoit de modifier la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique en y insérant un chapitre sur les plateformes en ligne. Il définit ce qu'est une plateforme : "un service de communication au public en ligne ayant pour objet de classer ou de référencer des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers".

Et leur impose un "principe de loyauté", obligeant à fournir aux consommateurs recourant à leurs services "une information claire et loyale sur les conditions générales d'utilisation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne".

Le texte précise aussi que les plateformes ne peuvent pas "favoriser leurs propres services", qu'elles doivent informer le consommateur d'un éventuel accord commercial avec un tiers pouvant mener à favoriser son référencement, et que l'information doit fournie de telle manière qu'un "consommateur raisonnablement attentif et avisé ne puisse confondre".

Régulation de l'économie collaborative, un affront à Macron ?

Cette partie, très économique, marche clairement sur les plates-bandes d'Emmanuel Macron... Et pourrait, donc, ne pas survivre à l'été. Car le texte définit aussi les obligations des plateformes de partage de contenus, et créé même un paragraphe sur les obligations des plateformes d'économie collaborative, qui consistent essentiellement à fournir une information claire et transparente à l'utilisateur, et le rôle de régulation de l'Arcep, qui serait apte à infliger une sanction financière en cas de manquement d'un montant maximum de 150.000 euros.

Que deviendra ce texte ? Cet avant-projet n'est pas la version définitive mais une version de travail datant du début du mois de juillet. "Selon nos informations, le texte a évolué depuis, et n'est toujours pas stabilisé. Les réunions interministérielles de validation n'ont pas encore commencé", précise Contexte.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 22/07/2015 à 15:18
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C'est tout comme réforme du numérique? Pourquoi ne pas numériser les taches de l'administration dans tout les organismes public a l'image de ce qu'il se fait chez les impots et qui est trés efficace ? Cela permettrait de faciliter la vie des entrepr...

le 25/07/2015 à 18:33
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C'est également ce qui se passe dans d'autres services publics, par exemple les Caf (dont les salariés ne sont pourtant pas des fonctionnaires) : scan des documents entrants ou internes, télé procédures, informations aux allocataires par mail ou Sms ...

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