Élections européennes : pourquoi les géants du Net s'attaquent aux publicités politiques

En prévision des élections européennes, Facebook, Google et Twitter ont concentré leurs efforts sur la restriction, voire la suppression, des publicités politiques pour limiter les tentatives d'ingérence étrangère.
Anaïs Cherif
(Crédits : Pixabay / CC)

Les géants du Net braquent leur attention sur l'encadrement des publicités politiques. Et pour cause : les publicités ciblées étaient au cœur du scandale Cambridge Analytica de mars 2018, qui a confirmé les pratiques inquiétantes d'utilisation de données à des fins politiques. Deux ans plus tôt, ce cabinet d'analyse au service de Donald Trump et du groupe pro-Brexit Leave. EU en 2016, avait capté illégalement les données personnelles de plus de 87 millions d'utilisateurs Facebook afin de les influencer via des annonces ciblées.

Pour les plateformes, les publicités politiques s'entendent au sens large. Tous les « débats d'intérêt général », comme l'environnement ou l'immigration, sont concernés. Sur Facebook, Google ou Twitter, les annonceurs peuvent choisir d'adresser une annonce à un public spécifique en fonction du sexe, de l'âge, des centres d'intérêt (pages « aimées ») voire même, du revenu estimé... Lors de tentatives d'ingérence, des acteurs malveillants créent ces publicités sous de fausses identités.

Vérifier l'identité des annonceurs

En vue des élections européennes, les plateformes ont répliqué dans le Vieux continent des outils de transparence déployés progressivement dans le monde entier en réaction à l'élection présidentielle américaine de 2016, où les géants du Net ont été accusés de contribuer à la manipulation du grand public. Ils ont mis en place des procédures de validation d'identité.

Selon ses conditions d'utilisation, Google procède ainsi en deux étapes pour s'assurer de l'identité des annonceurs de l'Union européenne, exigeant au total plus de 21 renseignements (copie de pièce d'identité officielle, justificatif de domiciliation de l'organisation, numéro d'immatriculation de l'organisation, document attestant que le représentant autorisé est ressortissant de l'Union européenne...).

Facebook a aussi déployé des exigences similaires. « Nous sommes convaincus que cela constituera un véritable obstacle pour tous ceux qui envisagent d'utiliser notre système publicitaire pour interférer avec une élection depuis un autre pays », affirmait le 29 mars Richard Allan, vice-président en charge des politiques publiques chez Facebook.

Archiver les publicités politiques

Autre avancée : archiver les publicités pour les rendre consultables par les internautes. Facebook a ainsi lancé sa « bibliothèque publicitaire » qui répertorie toutes les publicités considérées comme politiques, publiées sur Facebook et/ou Instagram, son application consacrée à la photo. Il est possible de consulter pour chaque annonce les dates de publication, le budget dépensé, le nombre de vue et l'audience touchée (sexe et données démographiques). L'ensemble des publicités sont archivées pendant sept ans.

Twitter propose aux États-Unis depuis mai 2018, et en Europe depuis mars dernier, un « centre de la transparence ». Celui-ci permet de consulter toutes les publicités régies par un compte durant les sept derniers jours. Mais ce délai est très restrictif par rapport à la durée des campagnes électorales, qui s'étalent sur plusieurs mois. Deuxième bémol : Twitter permet uniquement de connaître les montants dépensés et l'identité de l'organisation, sans détailler les audiences atteintes. De son côté, Google dispose d'une initiative similaire pour les États-Unis et l'Inde, mais ne l'a pas encore dupliqué pour l'Europe.

Labelliser les publicités politiques

Une autre option est de labelliser explicitement les publicités politiques dans l'UE. Facebook et Instragram ajoutent ainsi la mention « Financé par » en haut des annonces à caractère politique. Le réseau social a commencé à bloquer dans l'UE les publicités non conformes à compter du 15 avril, date à laquelle le décret français complétant la loi « anti-fake news » entrait en vigueur.

Par mesure de précaution, Google et Twitter ont décidé d'aller plus loin en suspendant les publicités politiques dans l'Hexagone entre le 15 avril et le 26 mai. Pour le reste de l'Europe, Twitter signale les annonces politiques par un badge violet.

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ZOOM

Une "war room" à Berlin

Facebook a recruté à Dublin une quarantaine d'employés pour surveiller les discussions publiques sur son réseau social, détecter des signes de campagnes de désinformation, de manipulation ou d'accélération suspecte du nombre de publications. L'entreprise s'est assurée que les 24 langues officielles de l'Union européenne soient parlées au sein de cette "war room". Pour chapeauter le dispositif, le groupe californien a fait venir Lexi Sturdy, chargé d'un exercice similaire pour les élections américaines de mi-mandat. Le réseau social comptera aussi sur l'appui d'experts en cybersécurité, data scientist, chercheurs et ingénieurs d'une entreprise partenaire.

Ce dispositif exceptionnel viendra en deuxième rideau derrière l'habituelle détection automatique opérée par l'IA, et en compléments d'un ensemble de décisions amorcées à l'été 2018. Facebook a promis de garder les publicités de campagnes en mémoire pendant au moins sept ans et vérifie systématiquement le profil des personnes qui souhaitent y avoir recours. Récemment, l'entreprise a exclu de son réseau certaines figures de l'extrême droite américaine ou encore mis en place des garde-fous sur son application de messagerie WhatsApp.

Anaïs Cherif

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Commentaires 2
à écrit le 15/05/2019 à 11:27
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Par mesure de neutralité. Dommage que Google ne reste pas «  neutres » pour les avis émis en ligne , supprimer l’option blocage et activer la possibilité aux citoyens de répondre sur les avis des propriétaires en ligne Ça c’est de la «  neutralité ...

à écrit le 15/05/2019 à 10:08
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C'est bien, moins de publicité politique, dans son ensemble puisque celle-ci dorénavant privatisée ne vaut plus rien, ne peut que favoriser un retour de la véritable information.

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